Un monde glacé en zone habitable dans la constellation de Cetus
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Le 8 juillet 2024
- UdeMNouvelles
L'exoplanète tempérée LHS 1140 b pourrait être un monde entièrement recouvert de glace (à gauche) comme Europe, la lune de Jupiter, ou un monde de glace avec un océan substellaire liquide et une atmosphère nuageuse (au centre). Elle fait 1,7 fois la taille de la Terre (à droite) et constitue l'exoplanète dans une zone habitable la plus prometteuse dans notre recherche d'eau liquide au-delà du système solaire.
Crédit : Benoit Gougeon, Université de MontréalUne équipe d'astronomes de l'UdeM a fait une découverte excitante au sujet de l'exoplanète tempérée LHS 1140 b: celle-ci serait comme une super-Terre prometteuse recouverte de glace ou d'eau.
Lorsque l'exoplanète LHS 1140 b a été découverte, des astronomes ont émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’une mini-Neptune, soit une planète essentiellement gazeuse, mais de taille très réduite comparativement à Neptune. Or, après l’analyse de données du télescope spatial James-Webb (JWST) recueillies en décembre 2023 et ajoutées aux données précédentes obtenues par d'autres télescopes spatiaux ‒ comme Spitzer, Hubble et TESS –, les scientifiques en sont venus à une tout autre conclusion.
Cette planète, située à environ 48 années-lumière de la Terre dans la constellation de Cetus, apparaît comme l'une des exoplanètes candidates dans la zone habitable de leur étoile les plus prometteuses connues, abritant potentiellement une atmosphère et même un océan d'eau liquide. Les résultats de cette découverte sont accessibles sur ArXiv et seront bientôt publiés dans la revue The Astrophysical Journal Letters.
Un monde susceptible d’être habitable
L’exoplanète LHS 1140 b, en orbite autour d'une étoile naine rouge de faible masse dont la taille équivaut à environ un cinquième de celle du Soleil, a captivé les scientifiques, puisqu'elle est l'une des exoplanètes les plus proches de notre système solaire se trouvant dans la zone habitable de son étoile. Les exoplanètes situées dans cette «zone Boucle d'or» ont des températures qui permettent à l'eau d'y exister sous forme liquide – l'eau liquide étant un élément indispensable à la vie telle que nous la connaissons sur Terre.
Plus tôt cette année, une recherche menée par Charles Cadieux, étudiant de doctorat à l'Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes et à l'Université de Montréal sous la supervision du professeur René Doyon, a rapporté de nouvelles estimations de la masse et du rayon de LHS 1140 b avec une précision exceptionnelle (comparables à celles pour les planètes TRAPPIST-1 bien connues): 1,7 fois la taille de la Terre et 5,6 fois sa masse.
L'une des questions essentielles au sujet de cette exoplanète était de savoir s'il s'agissait d'une mini-Neptune – une petite géante gazeuse dotée d'une épaisse atmosphère riche en hydrogène – ou d'une super-Terre (une planète rocheuse plus grande que la Terre). Ce dernier scénario incluait la possibilité d'une planète dite «hycéanique», c’est-à-dire avec un océan liquide global enveloppé d'une atmosphère riche en hydrogène qui présenterait un signal atmosphérique distinct pouvant être observé à l'aide du télescope James-Webb.
Des données du JWST mènent à des découvertes
À l'issue d'un processus extrêmement compétitif, l'équipe d'astronomes de l’UdeM a obtenu un temps d’observation discrétionnaire (DDT), attribué par la directrice du JWST en décembre dernier, au cours duquel deux transits de l’exoplanète ont été observés avec l'instrument NIRISS (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph), construit par le Canada. Ce programme de DDT n'est que le deuxième consacré à l'étude des exoplanètes en près de deux ans d'exploitation du télescope, ce qui souligne l'importance et la portée potentielle de ces résultats.
L'analyse de ces observations a fortement exclu le scénario de la mini-Neptune en raison de preuves portant à croire que l'exoplanète LHS 1140 b est une super-Terre qui pourrait même avoir une atmosphère riche en azote. Si ce résultat est confirmé, elle serait la première planète tempérée à présenter des signes d'une atmosphère secondaire, constituée après la formation initiale de la planète.
Les estimations basées sur l'ensemble des données accumulées révèlent que l’exoplanète LHS 1140 b est moins dense que prévu pour une planète rocheuse de composition analogue à la Terre, ce qui laisse entendre que de 10 à 20 % de sa masse pourrait être composée d'eau. Cette découverte indique que LHS 1140 b est une candidate convaincante pour un monde d’eau, ressemblant probablement à une boule de neige ou à une planète de glace avec un océan liquide potentiel au point substellaire, soit la zone de la surface de la planète qui ferait toujours face à l'étoile hôte du système en raison de la rotation synchrone attendue de la planète (un peu comme la Lune autour de la Terre).
«De toutes les exoplanètes tempérées actuellement connues, LHS 1140 b pourrait bien être notre meilleure chance de confirmer un jour indirectement la présence d'eau liquide à la surface d'un monde extraterrestre au-delà de notre système solaire, affirme Charles Cadieux, premier auteur de l'article scientifique. Ce serait une étape majeure dans la recherche d'exoplanètes potentiellement habitables.»
Présence possible d’une atmosphère et d’un océan
Bien qu'il ne s'agisse encore que d'un résultat provisoire, la présence d'une atmosphère riche en azote sur l’exoplanète LHS 1140 b laisse supposer que la planète a conservé une atmosphère substantielle, ce qui crée des conditions propices à la présence d'eau liquide. Cette découverte permet de considérer les scénarios du monde d’eau ou de la boule de neige comme les plus plausibles. Selon les modèles actuels, si LHS 1140 b possède une atmosphère semblable à celle de la Terre, il s'agirait d'une planète boule de neige avec un océan en forme de cible d'environ 4000 km de diamètre, soit l'équivalent de la moitié de la surface de l'océan Atlantique. La température de surface au centre de cet océan extraterrestre pourrait même atteindre 20 °C.
L'atmosphère potentielle de LHS 1140 b et ses conditions favorables à l'eau liquide en font une candidate exceptionnelle pour de futures études d'habitabilité. Cette planète offre une occasion unique d'étudier un monde susceptible d'abriter la vie étant donné sa position dans la zone habitable de son étoile et la probabilité qu'elle ait une atmosphère capable de retenir la chaleur et de soutenir un climat stable.
Observations et confirmations à venir
Pour confirmer la présence et la composition de l'atmosphère de l’exoplanète LHS 1140 b et faire la distinction entre le scénario de la planète boule de neige et celui de la planète océan, des observations supplémentaires sont nécessaires. L'équipe de recherche a insisté sur la nécessité d'observer plus de transits et d’éclipses avec le JWST, en se concentrant sur un signal spécifique qui pourrait révéler la présence de dioxyde de carbone. Cette caractéristique est cruciale pour comprendre la composition de l'atmosphère et détecter d'éventuels gaz à effet de serre qui pourraient indiquer des conditions d'habitabilité sur cette exoplanète.
«La détection d'une atmosphère semblable à celle de la Terre sur une planète tempérée repousse les limites des capacités du télescope James-Webb. C'est faisable; nous avons juste besoin de beaucoup de temps d'observation, déclare René Doyon, qui est également le chercheur principal de l'instrument NIRISS. L'indice actuel d'une atmosphère riche en azote demande à être confirmé par d'autres données. Il nous faudra au moins une année supplémentaire d'observations pour confirmer que LHS 1140 b possède une atmosphère et probablement deux ou trois années de plus pour détecter le dioxyde de carbone.»
Selon René Doyon, le JWST devra probablement observer ce système à chaque occasion possible pendant plusieurs années afin qu'on détermine si LHS 1140 b présente des conditions de surface habitables.
Étant donné la visibilité limitée de l’exoplanète LHS 1140 b avec le télescope James-Webb – et parce qu’un maximum de huit périodes d’observation par an est possible –, les astronomes auront besoin de plusieurs années d'observations pour déceler le dioxyde de carbone et confirmer la présence d'eau liquide à la surface de la planète. Parmi les exoplanètes proches, LHS 1140 b est une candidate de choix pour la poursuite de l'étude et la quête en vue de trouver des mondes habitables au-delà de notre système solaire.
Puisque la présence d'une atmosphère et, indirectement, d'eau liquide à sa surface pourrait être établie, cela devrait bien valoir la peine de consacrer du temps d'observation à LHS 1140 b à l'avenir!
À propos de cette étude
L'article «Transmission Spectroscopy of the Habitable Zone Exoplanet LHS 1140 b with JWST/NIRISS» a été publié dans ArXiv le 21 juin 2024 et sera bientôt publié revue Astrophysical Journal Letters. Le premier auteur est Charles Cadieux, doctorant à l'Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) de l'Université de Montréal.
Les autres chercheurs de l'iREx qui ont contribué à cet article sont René Doyon, Étienne Artigau, Olivia Lim, Michael Radica, Salma Salhi, Lisa Dang, Loïc Albert, Louis-Philippe Coulombe, David Lafrenière, Caroline Piaulet-Ghorayeb, Alexandrine L'Heureux, Björn Benneke et Neil Cook, de l’Université de Montréal, Marylou Fournier-Tondreau, de l’UdeM et de l’Université d'Oxford, et Nicolas Cowan, de l’Université McGill. Les autres contributeurs proviennent de l'Université du Michigan, du Centre national de la recherche scientifique (France), du Goddard Space Flight Center de la NASA, de l'American University, de l'Université McGill, de l'Université McMaster et de l'Université de Toronto.
René Doyon et l'équipe de l'Université de Montréal ont bénéficié du soutien financier de l'Agence spatiale canadienne pour mener à bien cette étude.
Relations avec les médias
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Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx)
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