Créativités autochtones actuelles au Québec

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Un ouvrage dirigé par Louise Vigneault dresse un bilan de la diversité des expressions artistiques autochtones au Québec.

Louise Vigneault

Louise Vigneault

Crédit : Christine Berthiaume

Musique, cinéma, photographie, performance… Depuis quelques années, les arts autochtones connaissent dans de multiples domaines un véritable essor. Dans l’ouvrage Créativités autochtones actuelles au Québec: arts visuels et performatifs, musique, vidéo, dirigé par Louise Vigneault, professeure au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal, un bilan est établi de ce vaste panorama créatif. 

La parole est donnée à des chercheuses comme Véronique Audet, spécialiste de la musique autochtone, ou Michèle Garneau, professeure au même département que Mme Vigneault, ainsi qu’à de nombreux artistes autochtones telle Virginia Pésémapéo Bordeleau. Mêlant analyses artistiques, historiques et sociologiques, entretiens avec des artistes et comptes rendus d’expositions, ce livre donne à entendre une pluralité de voix sur la richesse des créations autochtones et sur des stratégies de reconstruction et d’affirmation dans un processus de décolonisation.  

Présenter un dialogue sur l’art autochtone

Le livre s’ouvre sur un dialogue entre Louise Vigneault et Guy Sioui Durand, commissaire artiste et performeur wendat. Ensemble, ils avaient travaillé il y a plus de 10 ans à un portrait de l’artiste autochtone Zacharie Vincent. C’est à la suite de ces recherches sur le peintre que Louise Vigneault a voulu comprendre l’importance de la place de l’art dans les communautés autochtones. «On a souvent dit que les Autochtones avaient peur des images. C’est une erreur de compréhension. Ils ont compris bien avant nous que l'image réussit à transmettre l'identité, à la protéger, voire à s'en emparer, que l’image est éminemment politique suivant son utilisation», déclare-t-elle.  

L’ouvrage présente ainsi les résultats de plus de 10 années de recherche sur l’histoire de l’art autochtone au Québec en donnant la parole à de nombreux créateurs et créatrices et propose de multiples pistes réflexives.  

Des pratiques culturelles longtemps ignorées

Si les initiatives culturelles autochtones bénéficient aujourd’hui de multiples caisses de résonance, il y a peu de temps encore, elles étaient négligées après avoir été interdites. «Après la Confédération et le rapatriement de la responsabilité des Affaires indiennes, la Loi sur les Indiens officialise en 1876 les politiques d’assimilation directe, le but étant de faire disparaître progressivement le statut d’Autochtone et les particularismes culturels. L’interdiction, en 1884, de la tenue de certaines pratiques rituelles annonce des politiques plus draconiennes d’éradication culturelle», explique Louise Vigneault. La création d’œuvres artistiques réalisées dans des contextes de rituels est alors interdite. 

Ce n’est qu’en 1951 que la Commission royale d’enquête sur l’avancement des arts, des lettres et des sciences au Canada constate que les productions sont vouées à disparaître. Si les Autochtones peuvent alors de nouveau créer légalement des œuvres d’art, on s'attend à ce qu'ils s'inspirent des modèles de la majorité pour favoriser leur intégration. Et pour que des subventions du Conseil des arts du Canada leur soient accordées, il faudra attendre jusqu’en 1994. Comment cette condition se reflète-t-elle, depuis ce temps, sur les plans des productions artistiques, de la commercialisation et des réseaux? s’est demandé Louise Vigneault. 

Une nouvelle place pour l’art autochtone

Auparavant cantonnées aux musées ethnographiques ou historiques, les œuvres d’art autochtones sont aujourd’hui présentes en plus grand nombre dans les musées d’art. «Au-delà des tentatives d’intégration et d’inclusion de la part des établissements, les créations autochtones sont appelées à se vivre en interrelation et en cohabitation avec les cultures qui peuplent la province et le continent, de façon à enrichir les visions, les manières de faire et de penser. Ce croisement des imaginaires permet du même coup d’interroger le passé, de transformer les mémoires en une histoire assumée et partagée et de se projeter dans l’avenir», indique Louise Vigneault. 

Et grâce à Internet, elles occupent de nouveaux territoires qui transcendent les frontières. «C’est un peu comme si l’on enlevait les lignes imaginaires de séparation entre les provinces et qu’on réunifiait la Grande Tortue!» ajoute ainsi Melissa Mollen Dupuis. 

À propos du livre

Sous la direction de Louise Vigneault, Créativités autochtones actuelles au Québec: arts visuels et performatifs, musique, vidéo, Les Presses de l’Université de Montréal, 2023, 400 pages. 

Ont collaboré à l’ouvrage Véronique Audet, Marianne Desrochers, Michèle Garneau, Sophie Guignard, Gabrielle Marcoux, Élisabeth Kaine, Édith-Anne Pageot et Guy Sioui Durand. 

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