Une équipe d'astronomes ont mesuré les distances entre la Terre et 200 galaxies
- Salle de presse
Le 30 octobre 2023
- UdeMNouvelles
Le télescope spatial «James-Webb» a capté en 2022 l’image d’un amas de milliers de galaxies. Des astronomes ont mesuré la distance par rapport à la Terre de 200 de ces galaxies.
Le 11 juillet 2022, le monde entier a pu voir la toute première image prise par le télescope spatial James-Webb (JWST). Il s'agit d'une image désormais appelée «champ profond de galaxies de Webb», soit un amas de galaxies nommé SMACS 0723 et constitué de plus de 7000 galaxies! Cette image s'est révélée une cible importante pour l'étude de l'évolution des galaxies, car ce grand nombre de galaxies très éloignées en dit beaucoup sur la façon dont les galaxies se sont formées et ont évolué au début de l'Univers. Cependant, jusqu'à présent, des mesures précises et complètes de la distance des galaxies par rapport à la Terre manquaient.
Grâce à la contribution du Canada à la mission Webb, les choses ont changé! Une équipe d'astronomes canadiens et étrangers, dirigée par Gaël Noirot, chercheur postdoctoral à l'Université Saint Mary’s à Halifax, a inspecté et analysé avec soin le vaste champ de galaxies de Webb.
Plus précisément, les astronomes, qui sont membres du programme CANUCS (pour Canadian NIRISS Unbiased Cluster Survey), ont utilisé l'instrument canadien NIRISS (le Near Infra-Red Imager and Slitless Spectrograph) à bord du JWST pour recueillir les spectres des galaxies cibles de l'image. Ces spectres sont un type de données scientifiques créées en décomposant la lumière d'un objet pour obtenir des informations supplémentaires telles que l'âge ou la distance de l'objet.
À l’aide de l'instrument NIRISS, fabriqué au Canada, l'équipe a pu établir le redshift ou décalage vers le rouge de près de 200 galaxies dont la distance par rapport à la Terre était inconnue jusqu'à présent. «L'instrument NIRISS est parfait pour cette tâche, car il peut mesurer les redshifts de centaines de galaxies à la fois», déclare Gaël Noirot, auteur principal de l'étude publiée ce mois-ci dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
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Cette image illustre le principe du «décalage vers le rouge» cosmologique. Comme on peut le voir, la lumière provenant de galaxies lointaines est étirée vers des longueurs d'onde plus grandes au fur et à mesure qu'elle voyage dans l’Univers en expansion. Lorsqu'elle est observée avec un télescope comme le «James-Webb», la lumière de ces galaxies apparaît plus rouge qu'elle l'était à l'origine, car les grandes longueurs d'onde correspondent à des couleurs plus rouges.
Crédit : Image originale, non éditée (CSA/STSCI) : https://www.asc-csa.gc.ca/fra/multimedia/recherche/image/15614.
Le décalage vers le rouge est une mesure précise de la distance d'une galaxie basée sur les signatures chimiques uniques observées dans son spectre. En raison de l'expansion de l'Univers, la lumière émise par les objets lointains tels que les galaxies est étirée et leurs caractéristiques spectrales sont relevées à des longueurs d'onde plus longues (c'est-à-dire plus rouges) que celles constatées à l'origine. Ce décalage vers le rouge, qui correspond à la différence entre la couleur observée et la couleur émise d'un objet, renseigne sur sa distance par rapport à nous.
«Notre travail sur SMACS 0723, le premier champ profond de galaxies de Webb et la première image scientifique envoyée par le JWST, a permis de produire le plus grand catalogue spectroscopique du télescope avec des mesures fiables du décalage vers le rouge», explique le professeur Marcin Sawicki, titulaire d’une chaire de recherche du Canada à l'Université Saint Mary’s et coauteur de l'étude. «Notre étude récemment publiée constitue une ressource précieuse pour la communauté astronomique et ouvre de nouvelles voies de recherche dans le premier champ profond de galaxies de Webb», ajoute Gaël Noirot.
À partir de ce catalogue de redshifts, les chercheurs ont découvert de nouvelles galaxies dans l'amas SMACS 0723 dont la lumière a mis plus de quatre milliards d'années à nous parvenir. Les amas, qui sont d'immenses groupes de galaxies maintenus ensemble par la force de gravité, peuvent contenir jusqu'à des milliers de galaxies. Leur étude aide à comprendre l'évolution des galaxies dans certains des environnements les plus extrêmes de l'Univers et permet d'observer la distribution de la matière noire et l'évolution des structures.
«En tant que membres du projet dirigé par le Canada, nous sommes d'autant plus enthousiastes que cette amélioration significative par rapport aux études précédentes de SMACS 0723 a été rendue possible par les capacités spectroscopiques de l'instrument canadien NIRISS à bord du JWST», mentionne Chris Willott, du Conseil national de recherches du Canada et chef de projet de l'équipe CANUCS, financée par l'Agence spatiale canadienne. «Cette technologie canadienne nous permet d'utiliser le JWST à son plein potentiel», dit René Doyon, directeur de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes et professeur titulaire à l'Université de Montréal ainsi que chercheur principal de l'instrument NIRISS. Cet instrument a été financé par l'Agence spatiale canadienne et conçu, construit et testé par Honeywell Aerospace à Cambridge et à Ottawa, avec des contributions de composants optiques clés de l'Université de Montréal.
Dans leur vaste catalogue de décalages vers le rouge des galaxies du champ profond, les chercheurs ont repéré trois autres surdensités de galaxies à des distances beaucoup plus grandes que SMACS 0723 et qui n'avaient pas été observées auparavant dans ce champ. Ces surdensités de galaxies sont potentiellement de nouveaux amas de galaxies, situés à des distances de 8 à 10 milliards d'années-lumière. La découverte de ces surdensités de galaxies à différentes époques cosmiques revient à regarder une vidéo en accéléré de la croissance de ces amas, depuis leur apparition dans le jeune Univers jusqu'à aujourd'hui. Ces amas représentent des cibles idéales pour de futures études visant à mieux comprendre comment les amas et les galaxies qu'ils abritent ont évolué depuis leur état au début de l'Univers jusqu'à leur apparence actuelle, y compris notre propre galaxie, la Voie lactée.
La galaxie Sparkler
En attendant ces futures études, l'équipe CANUCS a découvert la magnifique galaxie Sparkler au sein de l'un de ces amas de galaxies. Il s’agit d’une galaxie amplifiée par un effet gravitationnel, située à quelque neuf milliards d'années-lumière et qui contient ce qui semble être les plus anciens amas d'étoiles à s'être formés après le big bang. La galaxie Sparkler a fait la une de l'actualité mondiale lorsqu'elle a été repérée par l'équipe CANUCS en septembre 2022.
Le nouveau catalogue NIRISS de redshifts de l'équipe vient de révéler que la galaxie Sparkler n'est pas isolée, mais qu'elle réside dans l'une des surdensités de galaxies nouvellement mises au jour. «Le fait que la galaxie Sparkler ne soit pas seule mais fasse partie d'une famille de galaxies a des implications importantes quant à la façon dont les premiers amas d'étoiles se sont formés après le big bang», explique Marcin Sawicki, qui est également l'un des coauteurs de cette étude.
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Cette image montre le champ profond de galaxies de Webb, la toute première image scientifique dévoilée par le JWST. Les galaxies qui font partie de l'amas de galaxies SMACS 0723 apparaissent majoritairement blanches sur cette image. Celles qui sont plus rouges ou allongées sont des galaxies lointaines, situées derrière SMACS 0723. Parmi celles-ci, celles encadrées en bleu font partie de l'une des surdensités de galaxies récemment découvertes et publiées dans le nouveau catalogue des «redshifts». La galaxie Sparkler est une galaxie imagée trois fois en raison d'un effet appelé «lentille gravitationnelle» et dont la lumière a été amplifiée et déformée. Grâce à cet effet, les chercheurs de CANUCS ont découvert l'année dernière que cette galaxie abrite de nombreuses «étincelles» lumineuses qui sont potentiellement certains des plus anciens amas d’étoiles jamais observés. Les galaxies encadrées en rouge appartiennent possiblement à l'amas de galaxies récemment mis au jour qui contient la galaxie Sparkler.
Crédit : Image: NASA, ESA, CSA, STScI. Vignettes d’images: Shannon MacFarland (SMU).
L'équipe d'astronomes aura l'occasion d'améliorer son catalogue de décalages vers le rouge durant la deuxième année d'exploitation scientifique de James-Webb, en cours, car elle a obtenu du temps d’observation supplémentaire pour étudier le champ profond de galaxies de Webb de manière encore plus détaillée à l'aide de l'instrument NIRISS. «La communauté astronomique a reconnu la valeur de notre premier catalogue NIRISS de décalages vers le rouge et souhaite que nous en fassions une autre version, encore meilleure, dans le premier champ profond du JWST», déclare Gaël Noirot, qui est aussi le chercheur principal de ce programme d'observation.
L'équipe indique que son catalogue et les résultats de son étude ont déjà permis à plusieurs équipes indépendantes de poursuivre leurs travaux dans le premier champ profond du JWST et que son étude rend possibles d’autres recherches sur la formation des galaxies, la distribution de la matière noire et l'évolution de l'Univers.
À propos de l’étude
L’article «The first large catalogue of spectroscopic redshifts in Webb’s first deep field, SMACS J0723.3−7327», par Gaël Noirot et ses collègues, a été publié dans le numéro d’octobre 2023 des Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Relations avec les médias
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Nathalie Ouellette
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx)
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Julie Gazaille
Université de Montréal
Tél: 514 343-6796