ChatGPT en éducation: outil pertinent ou béquille aliénante?

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Capable de créer plusieurs types de contenus, ChatGPT peut être intéressant à utiliser en éducation, mais il faut se méfier de ces productions en raison des inexactitudes qui peuvent s’y glisser.

De la calculatrice à Internet, l’émergence de nouvelles technologies a toujours suscité l’émoi, particulièrement en éducation. On se questionne sur leur puissance, on craint que leur utilisation excessive mine l’autonomie intellectuelle et l’acquisition de compétences. ChatGPT, ce puissant agent conversationnel utilisant l’intelligence artificielle (IA), ne fait pas exception.

Actuellement, on se demande dans quelle mesure cette plateforme soutient l’apprentissage et l’enseignement ou leur cause du tort. Normand Roy, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, est de ceux qui croient à son potentiel pédagogique, à condition que son utilisation soit balisée.

«Je ne vois pas ChatGPT comme une menace, mais plutôt comme une occasion», lance celui qui dirige le Groupe de recherche interuniversitaire sur l’intégration pédagogique des technologies de l’information et de la communication. «Ces technologies ne disparaîtront pas, ajoute-t-il, alors il faut maintenant voir comment en faire un usage réfléchi et composer avec leurs forces et faiblesses.»

Une formation pour toutes les générations

Pour faire de ChatGPT un outil adéquat en éducation et éviter les dérapages, la formation et la sensibilisation restent les meilleures armes, estime Normand Roy. D’abord, les communautés étudiante et enseignante doivent comprendre les failles de l’outil, principalement sa tendance à produire du contenu inexact, trompeur et non original.

«ChatGPT est le miroir de la personne qui l’utilise, croit le professeur. Si celle-ci est débutante, elle aura tendance à faire confiance à l’entièreté de ses propos, alors qu’ils ne sont pas fiables. Il faut mobiliser son esprit critique et avoir le réflexe de poser des questions et de vérifier l’information.»

Pour stimuler ce regard critique, M. Roy pense qu’une formation sur ChatGPT pourrait être donnée dans les cours de science et technologie au secondaire. On pourrait y expliquer le fonctionnement global de l’IA, mais surtout les nombreux enjeux éthiques qui y sont liés comme la transparence, l’iniquité numérique, la protection de la vie privée, l’intégrité scolaire, etc.

«Il ne faut surtout pas faire abstraction de cet outil, puisque les jeunes y seront confrontés de toute manière, renchérit-il. Mais plus les gens seront éduqués, plus ils poseront des questions.»

Encadrer son usage

Du côté du corps enseignant, il est indéniable que ChatGPT peut devenir un accompagnateur intéressant pour suggérer et organiser des idées, corriger des textes et produire en grande quantité des exercices et des activités. Dans une certaine mesure, son utilisation peut même s’apparenter à un échange avec un ou une collègue qui permet d’approfondir sa réflexion pédagogique. Selon Normand Roy, son usage devrait toutefois être exclusivement complémentaire à l’expertise de l’enseignant ou de l’enseignante qui y recourt.

Par exemple, Catherine Mavrikakis, écrivaine et professeure au Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal, a confié vouloir utiliser ChatGPT dans un de ses cours d’écriture. Elle demandera au robot de rédiger un texte sur un sujet donné, puis ses étudiantes et étudiants devront le retravailler en indiquant ses faiblesses, comme le rapport à la forme dans la représentation des émotions.

«Ici, non seulement on arrive à contourner le problème du plagiat en fournissant d’emblée la réponse de ChatGPT, mais on travaille différemment le processus littéraire, puisqu’il n’est plus nécessaire de critiquer ses propres créations ou celles de ses collègues», observe avec intérêt Normand Roy.

Il est d’avis que l’utilisation de ChatGTP devrait aussi se faire progressivement, du primaire aux cycles supérieurs. «Chez les plus jeunes, l’emploi de ChatGPT est plus risqué, puisqu’on ne veut surtout pas qu’il remplace les compétences que l’élève doit acquérir en bas âge, comme le fait de savoir écrire ou encore la créativité comme compétence transversale», indique-t-il.

Le défi de l’évaluation

Aux yeux du professeur en sciences de l’éducation, l’essor de ChatGPT invite surtout à réfléchir aux modalités d’évaluation et aux objectifs pédagogiques.

«Sachant que les élèves et les étudiants peuvent utiliser ChatGPT pour rédiger des textes relativement sensés, peut-être faudra-t-il revoir le matériel à évaluer. Un balado, une affiche scientifique ou une épreuve orale seraient-ils plus adéquats?» demande Normand Roy.

Une chose est certaine, ChatGPT semble s’enraciner solidement dans les écoles, les cégeps et les universités du Québec pour le meilleur ou pour le pire. Le futur de l’éducation sera-t-il robotique?