Le sucre vu sous un nouvel éclairage… fluorescent
- Salle de presse
Le 13 novembre 2023
- UdeMNouvelles
Une équipe de recherche de l’UdeM a conçu de nouvelles sondes capables d’émettre de la lumière quand une molécule de sucre rencontre une lectine.
Une équipe de recherche du Département de chimie de l’Université de Montréal vient de mettre au point de nouveaux outils pour étudier la rencontre entre les membres de deux des familles de biomolécules indispensables à la vie: les sucres et les protéines. Ouvrant la voie à de nombreuses applications, ces travaux viennent d’être publiés dans Angewandte Chemie, une revue scientifique renommée en chimie.
Les sucres, omniprésents dans la biologie
«Caramels, bonbons et chocolats»…, le sucre est omniprésent dans nos vies, mais pas uniquement dans le sens où la plupart des gens l’entendent. En effet, dans les grandes familles du monde du vivant, les glucides vont bien au-delà de nos plaisirs alimentaires et comprennent une immense diversité de biomolécules naturelles.
«Toutes les cellules composant notre monde sont recouvertes de sucre et cela est vrai pour l'ensemble des organismes vivants. Ces glucides sont donc en première ligne dans presque tous les processus biologiques et jouent des rôles fondamentaux dans le maintien de la santé de notre organisme ou le déclenchement de certaines maladies», fait valoir Samy Cecioni, professeur au Département de chimie de l’UdeM.
Il poursuit: «Les scientifiques ont longtemps pensé que ces sucres complexes étaient de simples décorations sur la cellule. On sait maintenant que les sucres interagissent avec de nombreuses autres molécules, notamment avec les lectines, une grande famille de protéines.»
Sucres, lectines, bactéries, virus et cellules cancéreuses
Les lectines, parfois appelées aussi «hémagglutinines», sont des protéines naturelles présentes dans tous les organismes vivants et qui ont la particularité de reconnaître les sucres et de s’y attacher de manière temporaire.
Cette reconnaissance des glucides, spécifique et réversible, intervient dans divers processus biologiques, comme la reconnaissance entre les cellules dans les réponses immunitaires déclenchées par une infection.
La recherche sur les lectines est un domaine en pleine effervescence. Les scientifiques ont découvert que les lectines «collent» aux sucres… et cette union joue un rôle dans l’apparition de nombreuses maladies.
«Plus on étudie ce phénomène entre les sucres et les lectines, plus on se rend compte de son importance incontournable dans la biologie. Plusieurs recherches ont démontré que des bactéries qui colonisent nos poumons, du virus de la grippe qui se colle à nos cellules pour déclencher une infection jusqu’aux cellules cancéreuses qui trompent notre système immunitaire pour éviter d’être détruites, c’est chaque fois l’histoire d’une rencontre entre des lectines et des sucres», résume Samy Cecioni.
Sucres et lectines: une rencontre furtive et de faible intensité
Il manque cependant plusieurs pièces au puzzle pour comprendre comment l’union se déroule, puisqu’il n’est pas facile de détecter quand un sucre va se lier à certaines de ces lectines.
Ces interactions sont généralement furtives et de faible intensité. Cécile Bousch, étudiante à la maîtrise dans le laboratoire du professeur Cecioni, ainsi que son collègue au doctorat Brandon Vreulz ont eu l’idée d’utiliser la lumière pour éclairer ces interactions. Avec leur professeur, ils ont créé une sorte de sonde chimique capable de «figer» l’interaction entre un sucre et une lectine de manière irréversible tout en la rendant fluorescente.
L’image d’un modèle clé-serrure est souvent employée en vulgarisation scientifique pour décrire comment les biomolécules interagissent. Pour pouvoir étudier cette rencontre biochimique, des chimistes avaient déjà conçu des molécules capables de former de nouvelles liaisons chimiques pour bloquer la clé (le sucre) dans la serrure (la lectine) et donc découvrir quels sucres se liaient avec des lectines importantes pour la santé.
L’idée de l’équipe du professeur Cecioni a été d’attacher un chromophore réactif – un groupe d’atomes qui donne une couleur à une molécule – au sucre pour que celui-ci, lorsqu’il se lie à une lectine, puisse activer sa fonction de «clé» fluorescente. Une fois la protéine capturée et fluorescente, il devient beaucoup plus facile pour les scientifiques d’étudier les mécanismes sous-jacents et leurs perturbations.
Le professeur Cecioni et ses étudiants sont confiance que la technologie qu’ils ont mise au point pourrait être utilisée avec d’autres types de molécules. On pourrait même contrôler la couleur des nouvelles clés réactives qui seraient créées. En permettant de visualiser les interactions entre molécules, cette découverte étend notre collection d’outils pour l’étude des interactions biologiques et pourrait colorer notre vision très incomplète de la reconnaissance des sucres.
À propos de cette étude
L’article «Fluorogenic Photo-Crosslinking of Glycan-Binding Protein Recognition Using a Fluorinated Azido-Coumarin Fucoside», par Cécile Bousch et ses collègues, a été publié le 17 octobre 2023 dans Angewandte Chemie.
Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies et la Fondation canadienne pour l'innovation.
À propos du professeur Samy Cecioni
Recruté par le Département de chimie en 2019, Samy Cecioni est un jeune chercheur qui se spécialise dans les domaines émergents de la chimie biologique et de la glycomique. Il est lauréat d’une des médailles d’excellence en recherche 2021 de la Faculté des arts et des sciences de l’UdeM.
«Notre équipe de recherche élabore des outils nouveaux pour accélérer les découvertes dans le domaine des glycosciences. L’ensemble des molécules modifiées par des sucres est parfois décrit comme la «matière noire» du vivant et nous proposons des approches pluridisciplinaires au croisement de la chimie et de la biologie pour permettre des avancées pertinentes pour la santé humaine», dit-il. Pour en savoir plus, écoutez le professeur Cecioni expliquer les recherches menées dans son laboratoire.
Relations avec les médias
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Julie Gazaille
Université de Montréal
Tél: 514 343-6796