Le fleuve Saint-Laurent grandement pollué par les produits pharmaceutiques
- UdeMNouvelles
Le 25 janvier 2024
- Béatrice St-Cyr-Leroux
L’eau du fleuve Saint-Laurent contient divers composés pharmaceutiques potentiellement dangereux pour les écosystèmes et la santé humaine, confirme une nouvelle étude du chercheur Sébastien Sauvé.
Une étude récente révèle qu’une grande quantité de polluants pharmaceutiques se trouvent dans l’eau du fleuve Saint-Laurent et pourraient présenter des risques allant d’intermédiaires à élevés pour les organismes aquatiques.
Cette étude est au cœur de la thèse de doctorat de Marc-Antoine Vaudreuil, étudiant dirigé par Sébastien Sauvé, chercheur en chimie environnementale et professeur au Département de chimie de l’Université de Montréal. Le doctorant a participé aux prélèvements d'échantillons d’eau de surface pendant cinq ans (2017-2021) sur un tronçon de 700 km le long du fleuve.
Malgré l’important effet de dilution du fleuve, les résultats indiquent que quatre composés (caféine, carbamazépine, diclofénac et ibuprofène) pourraient avoir des effets délétères sur la croissance et la reproduction de la faune aquatique.
«Certaines concentrations dépassent les seuils en termes d’exposition à long terme, bien qu’il n’existe à ce jour aucune norme environnementale canadienne pour la plupart des résidus pharmaceutiques», précise Sébastien Sauvé.
Il poursuit: «Les conséquences ne seraient donc pas immédiates, si l’on considère que la plupart des molécules se dégradent assez rapidement, à l’exception de la carbamazépine. Une exposition chronique s’accompagnerait aussi probablement d’une toxicité plus grande pour les organismes en début de croissance, comme les alevins.»
Le chercheur signale que la contamination des ressources en eau par des produits pharmaceutiques peut en outre contribuer indirectement à la résistance aux antibiotiques, une importante menace à la santé mondiale.
Marc-Antoine Vaudreuil souligne d’ailleurs que certaines rivières tributaires du fleuve se trouvant dans des régions densément peuplées sont aussi fortement touchées par les contaminants pharmaceutiques.
Le cas de Montréal
Selon l’étude, la masse d’eau du fleuve Saint-Laurent après l’effluent de Montréal est considérablement plus contaminée que les autres masses d’eau. Cette contamination est visible jusqu’à 70 km en aval, soit jusqu’au lac Saint-Pierre.
«C’est étonnant de constater que la trace s’étend aussi loin, note Sébastien Sauvé. Par contre, la contamination de la région métropolitaine était prévisible compte tenu du fait que deux millions de personnes vivent sur l’île de Montréal et qu’il existe une seule station d’épuration qui traite environ 900 milliards de litres d’eau chaque année.»
Actuellement, les installations de traitement des eaux usées de la métropole ne sont pas conçues pour éliminer spécifiquement les produits pharmaceutiques. L’efficacité des procédés d’élimination est ainsi parfois faible ou nulle pour ces polluants.
Heureusement, Sébastien Sauvé indique qu’un projet d’ozonation est en cours à Montréal pour assainir les eaux usées. Cette technique permettrait de détruire 80 % des molécules médicamenteuses.
«C’est un couteau à double tranchant. Le système doit être bien fait, puisque l’ozone transforme les résidus pharmaceutiques en molécules encore plus toxiques. Il faut donc suffisamment d’ozone pour éliminer aussi ces nouvelles molécules», plaide-t-il.
Des solutions?
D’un point de vue structurel, la mise en œuvre de traitements avancés des eaux usées qui réduiraient les charges chimiques pourrait contribuer à améliorer la qualité de l’eau du fleuve Saint-Laurent qui, rappelons-le, est également une source d’eau potable.
Sébastien Sauvé propose aussi de cibler précisément les rejets d’eaux usées des lieux plus susceptibles de produire une grande quantité de déchets pharmaceutiques, comme les hôpitaux ou les résidences pour personnes âgées.
À plus petite échelle, le professeur encourage les efforts des industries pharmaceutiques et de la population en général en vue d’éliminer correctement les médicaments périmés par exemple.
«Gardons en tête que le rejet de composés pharmaceutiques dans les eaux usées urbaines provient des médicaments que tout un chacun consomme, il convient donc d’en faire un usage adéquat», conclut-il.