Et si certaines odeurs permettaient d’être physiquement plus performant?
- UdeMNouvelles
Le 16 février 2024
- Martin LaSalle
Certaines odeurs amélioreraient les performances physiques, selon une revue d’études réalisée par Mathieu Cournoyer, étudiant de maîtrise en sciences de l’activité physique à l’UdeM.
Saviez-vous qu’il est possible que l’odeur de menthe poivrée vous permette de courir plus vite? Que humer un peu d’ammoniac vous fasse faire quelques pompes (push-ups) de plus que d’habitude? Et qu’un effluve de jasmin puisse améliorer votre score aux quilles?
C’est ce qu’a découvert l’étudiant de maîtrise Mathieu Cournoyer, de l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal, qui a recensé 19 études portant sur l’effet des stimulations olfactives sur la performance physique et dont l’analyse et ses résultats viennent d’être publiés dans la revue Physiology & Behavior.
C’est sous la direction de la professeure Marie-Ève Mathieu que le futur diplômé a amorcé la recension des études relatives à l’effet des odeurs sur la rapidité, l’endurance et la précision dans différentes activités physiques.
Un projet de recherche unique
Bon nombre d’études ont exploré les bienfaits de l’activité physique sur l’odorat, notamment en ce qui a trait à la capacité de récupérer le sens olfactif après un accident ou une infection, tandis que d’autres traitent de la réponse hormonale ou nerveuse suivant la respiration de certaines odeurs.
Cependant, le projet de recherche de Mathieu Cournoyer a ceci de particulier qu’il est le premier à rassembler, aux fins d’analyse, des études qui cherchent à vérifier si certaines odeurs suscitent ou freinent des actions liées à l’activité physique.
Le corpus comprenait 19 études sur le sujet, qui sont fort diversifiées – voire disparates – sur le plan de la méthodologie.
«Nous avons considéré l’activité physique de façon très large, indique le nouveau diplômé. Parce qu’il s’agit d’un sujet novateur, nous n’avons pas pu cibler un type d’activité précis: nous avons surtout découvert qu’il y a une grande variété de protocoles de stimulation olfactive qui ont été utilisés.»
Selon ses travaux, le nombre de participants et participantes allait de 10 à 104 (la plupart étant des jeunes dans la vingtaine en bonne forme physique), le temps durant lequel les sujets humaient l’arôme variait de quelques secondes à cinq minutes, la méthode employée pour faire respirer les odeurs était également différente d’une étude à l’autre – bandes sous le nez, ouate, masque, diffuseur d’huiles essentielles, etc. – et aucune ne constituait une étude comparative. Leur provenance était aussi très diversifiée: États-Unis, Grande-Bretagne, Philippines, Iran, Corée du Sud, Japon, Palestine et Taiwan.
Quelques résultats surprenants
Mathieu Cournoyer a donc regroupé les 19 études selon les caractéristiques de l’activité physique analysées – résistance, éléments cardiovasculaires, précision et équilibre – et selon l’arôme mis à l’essai – menthe poivrée, agrumes, lavande, ammoniac, jasmin, odeur boisée et huiles essentielles mixtes.
Malgré la diversité des méthodologies utilisées, certains résultats ont retenu l’attention de l’équipe de recherche.
C’est le cas de cinq études portant sur des activités de résistance, qui tendaient à démontrer que:
- l’ammoniac augmente le rythme cardiaque, le degré d’alerte et la perception de la performance;
- certains arômes permettent de réduire de 7 mmHg la pression artérielle diastolique;
- la menthe poivrée a permis d’effectuer deux pompes de plus lors d’un effort maximal;
- la lavande peut atténuer le degré d’attention.
«Dans le cas des push-ups, deux de plus, ça peut paraître bien peu, mais il faut considérer qu’ils ont été faits par des jeunes en forme pour qui l’amélioration des performances est plus difficile à atteindre», précise Mathieu Cournoyer.
Pour ce qui est de l’influence des arômes sur la fonction cardiovasculaire, les résultats de cinq autres études tendent à démontrer que:
- la menthe poivrée a permis de retrancher 2,94 s sur une distance de 400 m et 53 s sur un 1500 m, d’accroître la capacité cardiovasculaire et la fonction pulmonaire, en plus de réduire le sentiment de fatigue;
- les odeurs de citron et d’orange ont procuré un sentiment de bien-être pendant l’activité physique.
Par ailleurs, deux études ont affiché des résultats positifs pour des activités de précision. Dans la première, on a noté une hausse de 26,5 % du score chez des joueurs de quilles ayant humé un arôme de jasmin, tandis que, dans la seconde, la menthe poivrée a permis à des joueurs de fléchettes d’être plus constants dans leurs tirs. Une étude a même révélé une amélioration de l’équilibre chez les sujets qui avaient respiré de la lavande.
«Nous avons été quelque peu surpris par ces résultats, mentionne Marie-Ève Mathieu. Certains gains de performance ne sont pas négligeables, notamment en ce qui a trait à l’amélioration de la réponse cardiovasculaire, bien qu’il soit question d’études de petite taille dont les résultats sont embryonnaires.»
Un risque de biais important, mais…
La professeure souligne également que le risque de biais est bien présent dans ce genre d’étude. «On ne peut pas cacher aux gens qu’ils vont respirer une odeur ni leur faire sentir une odeur placébo et, en ce sens, il est possible que l’amélioration des performances soit attribuable à un effet psychologique», convient-elle.
Mais ce qui est intéressant selon Marie-Ève Mathieu, c’est que certains arômes semblent avoir un effet positif sur la performance et qu’ils puissent même réduire l’effort perçu. «L’idée à retenir ici est qu’une odeur qu’on trouve agréable pourrait permettre de mieux se sentir pendant une activité physique, dit-elle. Dans une perspective globale où le plaisir a sa place dans un entraînement, ce n’est pas banal.»
«Globalement, il ressort de cette analyse d’études que le fait de humer des odeurs avant ou pendant un effort soit n’a aucun effet, soit améliore les réponses, conclut Marie-Ève Mathieu. Reste maintenant à vérifier, dans d’autres projets de recherche, si certains arômes peuvent contribuer à la pratique d’un sport de façon plus régulière.»