La charge allostatique est plus élevée chez la femme dans les couples de longue date
- UdeMNouvelles
Le 19 février 2024
- Martin LaSalle
Chez les couples vivant ensemble depuis longtemps, les femmes sont plus sujettes que les hommes à subir les effets de la charge allostatique ou l’accumulation négative du stress sur l’organisme.
Le stress chronique qui s’installe au fil des décennies, chez les couples de longue date, n’a pas le même effet chez l’homme que chez la femme: celle-ci est plus susceptible d’afficher des marqueurs physiologiques négatifs que son conjoint, selon une étude publiée dans la revue scientifique Psychosomatic Medicine.
C’est la conclusion à laquelle en sont venus le professeur Robert-Paul Juster, du Département de psychiatrie et addictologie de l’Université de Montréal, et le chercheur Yan-Liang Yu, de l’Université Howard, à partir de données tirées de la Health and Retirement Study – une étude longitudinale américaine sur la santé et la retraite.
«Yan-Liang Yu est un chercheur en sociologie qui s’intéresse depuis longtemps à la manière dont la santé et le bien-être des couples sont mutuellement façonnés, indique Robert-Paul Juster. Il a ciblé plusieurs recherches portant sur la corrélation entre le mode de vie des partenaires intimes et leurs problèmes de santé mentale et de santé physique, mais peu d’études ont examiné de quelle façon la synchronisation de la santé des couples se manifeste “sous la peau”, c’est-à-dire sur le plan physiologique.»
Stress chronique et charge allostatique
Spécialiste de la physiologie du stress, Robert-Paul Juster a donc décidé de collaborer avec Yan-Liang Yu pour répondre à cette question dans le cadre d’un projet visant à étudier comment la charge allostatique des partenaires hétérosexuels américains plus âgés se manifeste. Les deux chercheurs ont commencé leur collaboration sur la charge allostatique alors qu'ils étaient postdoctorants à l'Université Columbia à New York.
«La charge allostatique est un concept qui fait référence aux conséquences négatives du stress sur l'organisme qui s'accumulent avec le temps, précise le professeur de l’UdeM. Le stress entraîne une production de cortisol – l’hormone du stress – qui déclenche une cascade d'évènements adaptatifs dans l'organisme.»
Or, lorsque le stress est chronique, cette adaptation se transpose en conséquences négatives sur l’organisme, notamment sur les plans cardiovasculaire, neuroendocrinien, inflammatoire et métabolique, de sorte qu’il réduit graduellement la capacité de l'organisme à répondre adéquatement au stress.
Les données de 2338 couples âgés sous la loupe
L’analyse des deux chercheurs repose sur les données nationales de la Health and Retirement Study. Leur projet consistait à examiner les associations interpartenaires de la charge allostatique parmi 2338 couples américains au long cours de sexe différent (soit 4676 personnes) sur une période de quatre ans à partir d'une approche dyadique qui tenait compte de leurs profils social et économique et de leur état de santé, dont une variété d'indicateurs physiologiques.
La charge allostatique a été calculée à partir de paramètres immunitaires (protéine C réactive), métaboliques (cholestérol à lipoprotéines de haute densité, cholestérol total et hémoglobine glycosylée), rénaux (cystatine C), cardiovasculaires (pression artérielle systolique et diastolique, pouls) et anthropométriques (indice de masse corporelle et tour de taille).
Les femmes plus touchées par la charge allostatique
Les données initiales montrent que les charges allostatiques au sein des couples étaient significativement corrélées les unes aux autres, ce qui, selon les chercheurs, signifie que les couples sont physiologiquement synchronisés, peut-être pour diverses raisons telles que des environnements émotionnel, social et familial partagés et des habitudes de vie mutuellement influencées.
«Or, quatre ans plus tard, cette synchronisation conjugale dans la charge allostatique était plus notable chez les femmes que chez les hommes, ce qui donne à penser que le bien-être des conjointes pourrait être plus influencé par leur conjoint que l'inverse. Cette situation témoignerait ainsi de la socialisation genrée traditionnelle de l’attention aux relations interpersonnelles», rapporte Robert-Paul Juster.
Les auteurs de l’étude précisent que cette charge allostatique accrue pour les femmes n’était pas associée à une diminution de la qualité de la relation entre les partenaires.
«Nos résultats laissent entendre que les réponses physiologiques des couples âgés au stress environnemental ne sont pas seulement liées simultanément, mais que les associations persistent après quatre ans, ce qui laisse supposer des répercussions à long terme du contexte psychosocial et de la physiologie des partenaires l'un sur l'autre», concluent-ils.