Leçons de la pandémie: le problème du travail à distance

Selon l’équipe de recherche, les entreprises doivent s'assurer que les membres de leur personnel ont toujours l'impression de faire partie d'une équipe, même en situation de télétravail.

Selon l’équipe de recherche, les entreprises doivent s'assurer que les membres de leur personnel ont toujours l'impression de faire partie d'une équipe, même en situation de télétravail.

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En 5 secondes

Une étude de chercheurs canadiens et français qui ont suivi plus de 700 employés de bureau pendant six mois en 2020 et 2021 révèle que le télétravail n’avait pas la cote.

Marie-Colombe Atofa

Marie-Colombe Afota

Crédit : Université de Montréal

Vous vous souvenez de l'arrivée de la COVID-19 et de l'engouement soudain pour le travail à domicile? Une équipe de recherche de Montréal et de Paris a décidé d'étudier de plus près l'effet de ce changement sur les employés de bureau.

Sous la direction de Marie-Colombe Afota, professeure en relations industrielles à l'Université de Montréal, l’équipe a suivi 716 employés et employées d'une grande société financière mondiale aux États-Unis et en Europe pendant six mois, de septembre 2020 à mars 2021.

L’étude, dont les résultats ont été publiés dans le Journal of Occupational and Organizational Psychology, a porté sur des personnes qui travaillaient à domicile au moins trois jours par semaine et pour qui ce «télétravail à haute intensité» était quelque chose de nouveau.

Marie-Colombe Afota et ses collègues se sont particulièrement intéressés à l'incidence du travail à distance intensif sur le sentiment d'appartenance des participantes et participants au fil du temps ainsi qu'à la manière dont les fluctuations des sentiments d’attachement aux collègues influençaient leur bien-être psychologique et la perception de l'importance de leur travail.

Les chercheurs ont constaté que, au fil des semaines et des mois, les employés et employées de bureau commençaient à se sentir moins proches les uns des autres. Le sentiment de faire partie d'une équipe et de pouvoir échanger des idées à la fontaine à eau s’estompait à mesure que les gens passaient plus de temps loin de leur bureau.

«L'une des conclusions importantes de cette étude est que, si les technologies et les appareils des télétravailleurs peuvent faciliter les interactions virtuelles, les rencontres en personne restent essentielles pour avoir un solide sentiment d'appartenance, un besoin humain inné fondamental pour le bien-être général», a déclaré Marie-Colombe Afota en décrivant ce que les participantes et participants ont rapporté.

«Nous avons noté que le déclin du sentiment d'appartenance est en corrélation avec la diminution de la perception de l'importance du travail, ce qui souligne le rôle primordial des relations dans la perception du sens du travail», a ajouté la professeure, qui a réalisé l'étude avec trois collègues en psychologie et en gestion de l'Université du Québec à Montréal et de l'École supérieure de commerce de Paris.

L'épuisement professionnel est également un problème

Cet éclatement et cette remise en question ont conduit à un autre problème majeur pour les sujets de l'étude: l'épuisement émotionnel, une composante déterminante de l'épuisement professionnel.

«Nos résultats montrent que plus les gens se sentaient détachés, plus ils commençaient à se sentir fatigués et épuisés, a mentionné Marie-Colombe Afota. La charge émotionnelle liée à l'absence du bureau et à l'absence de relations personnelles leur pesait de plus en plus.»

Il n'est peut-être pas surprenant que les employés et employées qui appréciaient particulièrement la compagnie de leurs collègues avant la pandémie aient eu plus de mal à travailler à distance.

«C'est comme s'ils essayaient tant bien que mal de maintenir ces liens, mais ce n'était tout simplement pas la même chose, a expliqué la professeure. Ils finissaient donc par se sentir encore plus isolés et détachés.»

Quelles leçons les entreprises peuvent-elles tirer de tout cela? Selon l’équipe de recherche, elles doivent tout d'abord s'assurer que les membres de leur personnel ont toujours l'impression de faire partie d'une équipe, même en situation de télétravail.

Cela peut signifier organiser des rencontres virtuelles ou trouver des moyens de se réunir en personne de temps en temps.

Les entreprises doivent également avoir un œil sur l'état émotionnel de leur personnel. Si les gens se sentent éloignés et épuisés, cela aura des répercussions sur leur travail à long terme, soulignent les chercheurs.

«Dans l'ensemble, nos recherches indiquent qu’il n’y a pas d’adaptation au travail intensif à distance, a conclu Marie-Colombe Afota. Par conséquent, les organisations devraient probablement envisager d'adopter des approches hybrides du travail à distance et donner la priorité à la préservation du sentiment d'appartenance des travailleurs et des travailleuses.»

À propos de cette étude

L'article «Changes in belongingness, meaningful work, and emotional exhaustion among new high-intensity telecommuters: Insights from pandemic remote workers», par Marie-Colombe Afota et ses collègues, a été publié le 30 janvier 2024 dans le Journal of Occupational and Organizational Psychology. La recherche a été financée par la Chaire Réinventer le travail de l’École supérieure de commerce de Paris et par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et le Fonds de recherche du Québec – Société et culture.