Julie Hlavacek-Larrondo: éclaircir les trous noirs
- UdeMNouvelles
Le 15 avril 2024
- Béatrice St-Cyr-Leroux
La professeure Julie Hlavacek-Larrondo vient de recevoir l’une des plus importantes distinctions en physique. Portrait d’une chercheuse qui, contrairement à son sujet d’étude, brille dans son univers.
C’est d’abord l’idée de la téléportation quantique – et son réel potentiel qui dépasse la fiction! – qui éveille la curiosité de Julie Hlavacek-Larrondo pour la physique. Alors en cinquième secondaire, la jeune fille se promet que ce domaine épatant deviendra le sien.
Quelques années plus tard, elle entreprend un baccalauréat en physique à l’Université de Montréal, où elle obtient également une maîtrise en astrophysique avant de faire un doctorat à l’Université de Cambridge et un postdoctorat à l’Université Stanford.
Aujourd’hui professeure au Département de physique dans sa bien-aimée alma mater, elle reçoit la médaille Herzberg, de l’Association canadienne des physiciens et physiciennes. Il s’agit de la plus haute distinction en physique au pays qui reconnaît les contributions importantes d’une physicienne ou d’un physicien ayant obtenu son doctorat dans les 12 dernières années.
Faire la lumière sur des objets célestes obscurs
Comme sa chaire de recherche du Canada en astrophysique observationnelle des trous noirs l’indique, Julie Hlavacek-Larrondo étudie ces objets célestes. Elle s’intéresse particulièrement à leur rôle dans la formation et l’évolution des galaxies.
Sa première rencontre avec les trous noirs a lieu en 2007, lorsqu’elle tombe sur un communiqué de presse de la NASA expliquant la puissance d’un trou noir supermassif. Elle y apprend alors qu’un tel objet a la capacité de détruire non seulement la galaxie qui l’entoure, mais également une seconde située en orbite de la première.
«Je me disais que, si un seul objet était capable de détruire quelque chose d’aussi grand qu’une galaxie, il devait jouer un rôle important dans l’Univers. J’étais complètement fascinée», se souvient la chercheuse.
Car avant que Julie Hlavacek-Larrondo se penche sur la question, les scientifiques croyaient que les trous noirs – qui se trouvent au centre de chacune des galaxies – étaient généralement trop petits pour posséder un tel pouvoir. Rappelons que les trous noirs sont souvent un milliard de fois plus petits que les galaxies qui les abritent, mais qu’ils sont très compacts et énergétiques.
Les travaux de la professeure – qui tablent aujourd’hui sur l’intelligence artificielle pour traiter les innombrables données que comporte l’astronomie – ont permis de comprendre que les trous noirs jouent un rôle fondamental dans la formation et l’évolution des galaxies. Par exemple, on connaît mieux l’influence et l’importance de ceux dits «ultramassifs».
«On s’aperçoit maintenant que les trous noirs forment le cœur battant des galaxies. Ils les gardent chaudes, font circuler les nutriments, brassent les gaz et les particules et ont le pouvoir de changer complètement les propriétés des galaxies», signale la chercheuse avec enthousiasme.
Sur l’importance des modèles
Si Julie Hlavacek-Larrondo s’anime lorsqu’elle parle d’astrophysique, ses yeux pétillent d’une lueur similaire quand vient le temps d’aborder les questions de diversité dans les sciences.
Ardente défenseuse de l’équité, elle a cofondé avec des collègues du Département de physique de l’UdeM Parité sciences, un projet qui vise l’atteinte d’une meilleure parité dans les domaines scientifiques.
Très tôt dans sa carrière, elle a réalisé que les femmes souffraient des biais inconscients de la communauté scientifique. Elle se rappelle avoir été choquée par l’étude Heidi-Howard, une expérience dans laquelle deux groupes devaient juger le même curriculum vitæ, mais l’un marqué d’un nom féminin (Heidi) et l’autre d’un nom masculin (Howard). Malgré des compétences absolument identiques, l’homme a été décrit comme fonceur et leader, alors que la femme a été considérée comme agressive et égoïste.
«Ça m’a tellement marquée, je n’avais jamais réalisé que, si je soumettais une demande de bourse ou de temps d’observation sur un télescope, mon travail pourrait être jugé différemment juste parce que mon nom est Julie plutôt que Julien», s’indigne-t-elle.
Heureusement, la chercheuse constate que les mentalités changent. Elle se dit aussi chanceuse d’avoir eu des mentors qui l’ont encouragée à persévérer dans un domaine largement dominé par les hommes, tant sa mère chimiste que Carlos Silva, professeur au Département de physique et directeur de l’Institut Courtois.
«Je leur suis très reconnaissante et je suis fière d’avoir fait ma place dans ce champ d’études. Et quelle joie de mener une carrière que j’adore!» s’exclame Julie Hlavacek-Larrondo.