Lutter contre des plantes envahissantes avec des drones et l’intelligence artificielle
- UdeMNouvelles
Le 19 avril 2024
- Virginie Soffer
Combiner les drones et l’intelligence artificielle pour cartographier la végétation constitue une nouvelle approche susceptible d’améliorer la détection des espèces végétales envahissantes.
Pourra-t-on demain utiliser des drones et l’intelligence artificielle pour cartographier les espèces végétales exotiques envahissantes?
Cette approche pour détecter des changements dans la biodiversité semble prometteuse, selon Antoine Caron-Guay, étudiant de maîtrise en sciences biologiques à l'Université de Montréal. Dans son mémoire réalisé sous la direction d’Etienne Laliberté, professeur à l’UdeM, et de Mickaël Germain, professeur à l’Université de Sherbrooke, il s’est intéressé à la détection précoce du roseau commun dans les îles de Boucherville.
Le roseau commun, une espèce exotique envahissante
La propagation rapide du roseau commun menace la biodiversité. Particulièrement robuste, le roseau commun menace les plantes indigènes des milieux humides aux alentours comme la quenouille, mettant ainsi en danger l’habitat d’espèces sauvages vulnérables tel le petit blongios.
Cette plante exotique envahissante qui s'est répandue dans tout le sud du Québec est présente dans le parc national des Îles-de-Boucherville, où une équipe de recherche de l’Université de Montréal est allée étudier comment limiter sa population.
Détecter précocement le roseau commun grâce à des drones
La détection précoce du roseau commun revêt une grande importance. Lorsque le roseau forme une colonie importante, sa gestion et son éradication deviennent plus complexes. En effet, cette plante a la capacité de s'établir solidement en raison de sa biomasse souterraine substantielle. Pour l'éradiquer, une intervention nécessitant l'excavation devient alors inévitable.
Agir avant que l'espèce soit complètement établie ou après un traitement initial rend la lutte plus aisée, en particulier contre quelques tiges isolées par mètre carré. Dans ces cas, il est avantageux de pouvoir détecter précisément les zones concernées afin d'appliquer localement un herbicide. Certains biologistes utilisent alors du glyphosate appliqué sélectivement sur les feuilles de roseau à l'aide d'une éponge.
Bien que la présence du roseau commun puisse être détectée par satellite, la résolution limitée de chaque pixel rend cette méthode peu précise pour repérer les tiges individuelles. En revanche, les drones offrent une résolution spatiale supérieure, permettant de distinguer les tiges isolées des grosses colonies de roseaux. Cette haute résolution spatiale conduit à des résultats très précis dans la détection et la gestion de cette espèce.
Des images analysées au moyen de l’intelligence artificielle
Antoine Caron-Guay a annoté les images captées par un drone pour trouver les emplacements des roseaux communs. Ensuite, il a utilisé un modèle d'intelligence artificielle pour détecter ces roseaux. Ce modèle a analysé les formes, couleurs et textures sur les images afin de distinguer les roseaux communs. Une fois entraîné avec un grand nombre de données, ce modèle a pu être appliqué à des photos inédites pour vérifier sa capacité à repérer systématiquement les roseaux communs.
«Dans le cas d'une espèce exotique envahissante, on souhaite surtout minimiser les faux négatifs, c'est-à-dire les endroits où le modèle n'a pas détecté de roseau commun alors qu'il était bel et bien présent. Ces zones non signalées permettent à l'espèce de continuer à proliférer sans être traitée, ce qui peut conduire à la formation de grosses colonies qui sont ensuite difficiles à gérer à long terme. On a obtenu des résultats pratiquement parfaits avec presque aucun faux négatif», explique Antoine Caron-Guay.
Cibler le meilleur moment
L'équipe a effectué ses collectes de données à six moments distincts au cours de la saison de croissance de la plante, examinant des environnements qui présentaient divers niveaux d'envahissement par le roseau. Les résultats ont révélé une amélioration des performances du modèle, qui a culminé après l'inflorescence en septembre. Les conditions lumineuses ont également influencé les résultats, entraînant une diminution de l'efficacité du modèle lors des journées ensoleillées.
«Ce repérage va dépendre chaque fois du cycle de vie de l'espèce», précise Antoine Caron-Guay.
Une approche pour d’autres espèces exotiques envahissantes
Cette approche pourrait être étendue à d'autres espèces exotiques envahissantes, telles que la châtaigne d'eau. Cependant, certaines plantes ont des cycles différents. Par exemple, le nerprun, une plante qui prospère principalement sous la canopée, pourrait nécessiter une détection plus précoce, peut-être au printemps, avant que les feuilles des arbres poussent. «Cette plante est assez hâtive dans sa croissance, ce qui la rend visible avant que la canopée se forme complètement. Agir trop tard dans la saison, une fois que la canopée est formée, présente des défis, car les drones ne peuvent pas voir à travers la végétation dense», conclut Antoine Caron-Guay.