Analyser la pénurie de personnel enseignant sous l’angle de la planification stratégique

Avec les données dont ils disposent, les centres de services scolaires pourraient être plus proactifs, notamment en matière de soutien afin de retenir les enseignantes et les enseignants qui sont déjà à leur emploi, selon Jerry Legrand.

Avec les données dont ils disposent, les centres de services scolaires pourraient être plus proactifs, notamment en matière de soutien afin de retenir les enseignantes et les enseignants qui sont déjà à leur emploi, selon Jerry Legrand.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Dans son mémoire de maîtrise, dont il a présenté les résultats au 91e Congrès de l’Acfas, Jerry Legrand analyse la pénurie de personnel enseignant sous l’angle de la planification stratégique.

De quelle manière planifie-t-on la réponse aux besoins en matière de main-d’œuvre enseignante dans les centres de services scolaires (CSS) au Québec? Et comment cette planification stratégique pourrait-elle avoir contribué à la pénurie de personnel enseignant qualifié qu’on observe depuis deux décennies? 

On ne planifierait pas toujours de façon optimale, à la lumière des résultats des travaux de recherche de Jerry Legrand, présentés au 91e Congrès de l’Acfas, qui se déroule du 13 au 17 mai à l’Université d’Ottawa. 

Étudiant de maîtrise à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal sous la direction du professeur Martial Dembélé, Jerry Legrand a effectué une recherche exploratoire auprès de trois CSS en analysant la pénurie d’enseignants et d’enseignantes sous l'angle de la planification stratégique.

Une pénurie aux multiples facteurs

Jerry Legrand

Jerry Legrand

Crédit : Courtoisie

La pénurie de personnel enseignant qualifié au Québec découle de différents facteurs, certains étant extérieurs à la profession enseignante – taux de natalité, immigration de jeunes d’âge scolaire par exemple –, d’autres étant de nature interne – manque d’attraction et de rétention ainsi que vieillissement du corps enseignant. 

Parmi les conséquences de cette pénurie qu’il a recensées, Jerry Legrand cite, entre autres, la diminution des conditions d’entrée dans la profession de même que la révision à la baisse de la durée de la formation des maîtres.  

Se basant sur des études européennes et américaines qui ont analysé le contenu des plans soumis par des organismes scolaires pour estimer les besoins relatifs à la main-d’œuvre enseignante, Jerry Legrand a décidé d’en faire de même pour le Québec, où aucune étude à ce sujet n’a été réalisée.

Mise au jour de 24 pratiques

Malgré les difficultés d’accès qu’il a rencontrées dans sa collecte de données sur le terrain, l’étudiant de l’UdeM est parvenu à obtenir 13 documents stratégiques élaborés par trois CSS francophones entre 1998 et 2022. 

L’analyse de ces documents ainsi qu’une entrevue semi-dirigée avec un représentant d’un CSS lui ont permis de dénombrer 24 pratiques de planification visant à attirer et retenir le personnel enseignant, et à favoriser son développement.  

Jerry Legrand a classé ces pratiques en trois grandes catégories:  

  • neuf touchaient l’attraction du personnel (estimation des besoins, constitution d’un bassin de recrutement, recrutement de nouveaux enseignants et enseignantes, diversification des sources de recrutement et attraction de personnel masculin); 
  • onze visaient le maintien en poste (renforcement des mesures de soutien au personnel enseignant, amélioration des dispositifs d’insertion professionnelle et valorisation continue du personnel enseignant);  
  • quatre concernaient le développement professionnel (amélioration des mesures de formation continue, soutien à la mise à profit de l’expertise en classe, création de réseaux d’échange de pratiques). 

Toutefois, plusieurs de ces pratiques n’avaient été adoptées que dans un, parfois deux centres de services scolaires. C’est notamment le cas des mesures ayant trait à l’amélioration de la conciliation travail-famille et de la conciliation école-famille, à l’accroissement de la satisfaction au travail et au renforcement de la stabilité du personnel enseignant, qu’un seul CSS avait instaurées. 

En revanche, une douzaine de pratiques novatrices ont été introduites par un CSS, dont l’évaluation interne et régulière des besoins en personnel enseignant, l’attribution de tâches plus faciles aux novices, la coopération avec des universités pour élaborer des modèles de formation complémentaire et continue, et l’organisation de salons de l’emploi dans les cégeps pour attirer de jeunes candidats et candidates vers la profession enseignante.

Pour des centres de services scolaires plus proactifs

L’analyse des données recueillies a permis à Jerry Legrand de constater que les priorités ministérielles ont des effets structurants sur le processus d’élaboration des plans stratégiques dans les CSS. 

«Les acteurs qui conçoivent ces plans sont obligés de tenir compte des priorités ministérielles, ce qui explique, du moins en partie, la place mitigée de certaines pratiques dans les centres de services scolaires», indique celui qui poursuit ses recherches au doctorat sous la codirection des professeures Marie-Odile Magnan et Julie Larochelle-Audet.

Néanmoins, Jerry Legrand estime qu’avec les données dont ils disposent les CSS «pourraient être plus proactifs, notamment en matière de soutien afin de retenir les enseignantes et les enseignants qui sont déjà à leur emploi». 

Consulter le mémoire de Jerry Legrand

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