Autodétermination et identité sociale: un modèle pour stimuler la motivation collective

En combinant la théorie de l'autodétermination et la théorie de l’identité sociale, il est possible de décrire le rôle des besoins psychologiques fondamentaux dans l'émergence de la motivation d’équipe.

En combinant la théorie de l'autodétermination et la théorie de l’identité sociale, il est possible de décrire le rôle des besoins psychologiques fondamentaux dans l'émergence de la motivation d’équipe.

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En 5 secondes

Un modèle combinant la théorie de l’autodétermination et celle de l’identité sociale permettrait de comprendre ce qui motive les équipes de travail et influence leur fonctionnement, selon une étude.

Quels sont les mécanismes qui expliquent la dynamique d’une équipe ou d’une organisation? Ou comment s’opère la motivation d’équipes de travail et comment cette motivation influence-t-elle le fonctionnement et l’efficacité du système?  

C’est à ces questions qu’ont voulu répondre Simon Grenier, professeur au Département de psychologie de l’Université de Montréal, Marylène Gagné, de l’Université Curtin, et Thomas O’Neill, de l’Université de Calgary, en élaborant un modèle qui combine la théorie de l’autodétermination et celle de l’identité sociale. Le modèle, qui propose des avenues concrètes pour les organisations, a récemment fait l’objet d’une publication dans la revue Applied Psychology: An International Review.

Une lacune à combler

Simon Grenier

Simon Grenier

Crédit : Faculté des arts et des sciences, Université de Montréal

Après avoir recensé plusieurs études sur la motivation collective, Simon Grenier a constaté que celles-ci opérationnalisaient la motivation d’équipe en se référant surtout à la façon dont l’objectif de l'équipe est partagé par les membres ou aux stratégies collectives adoptées pour que les actions de l’équipe tendent à l’atteinte des objectifs. Un ingrédient important manquait: les sources de motivation pour expliquer les efforts déployés par l’équipe et qui, comme pour la motivation individuelle, ont des conséquences sur le fonctionnement du groupe.  

C’est l’une des lacunes qu’il a voulu combler: il s’est appuyé sur la théorie de l'autodétermination et la théorie de l’identité sociale pour décrire le rôle des besoins psychologiques fondamentaux et de l’identification à l’équipe dans l'émergence de la motivation d’équipe – celle-ci pouvant être positive ou négative. 

Selon Simon Grenier, ces deux théories ont en commun un mécanisme d’intégration où l’identité d’une personne influence les raisons et les cibles qui sous-tendent son comportement. 

«Dans l’autodétermination, la personne s’identifie à une figure externe – un entraîneur, un parent, un patron – qui, en offrant un soutien aux besoins fondamentaux ou en exerçant un contrôle psychologique, favorise l’internalisation plus ou moins autonome des comportements adoptés par la première et entraîne l’émergence d’une motivation plus ou moins suffisante. De son côté, la théorie de l’identité sociale permet d’expliquer comment l’individu passe du je au nous et fait siens les objectifs et normes du groupe lorsque l’équipe suscite en lui le besoin d’appartenir à ce collectif ou de s’en distancier», illustre-t-il.

La motivation d’équipe

Selon le modèle proposé, une équipe de travail peut susciter quatre types de motivation qui amèneront les personnes à faire des efforts pour réaliser les activités ou atteindre les objectifs du groupe. Chaque membre peut ainsi accomplir ces activités afin d’obtenir une prime d’équipe (motivation d’équipe extrinsèque), de maintenir le statut d’équipe performante de son groupe (motivation d’équipe introjectée, comme dans une équipe sportive), de justifier la grande importance qu’il accorde à l’équipe (motivation d’équipe désignée) ou encore parce qu’il a tout simplement du plaisir à travailler et à atteindre les objectifs communs (motivation d’équipe intrinsèque). Chacune de ces raisons représente une forme de motivation d’équipe différente et a des répercussions distinctes sur le fonctionnement du groupe.

Le processus d’émergence de la motivation collective

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Dans leur modèle, Simon Grenier et ses collègues postulent que les schémas réciproques de comportements (de soutien aux besoins ou de contrôle psychologique) entre les membres de l'équipe conduisent à la satisfaction ou à la frustration de leurs besoins psychologiques en matière d'autonomie, de compétence et d’appartenance sociale. 

«Le modèle considère un ensemble de personnes qui se joignent à un groupe avec leurs motivations individuelles vis-à-vis des objectifs de l’équipe, indique-t-il. La composition de ces motivations individuelles donne lieu à des patrons d’interactions qui prennent la forme d’une boucle de rétroactions interpersonnelles, lesquelles favorisent soit la convergence des motivations des personnes, soit une divergence des types de motivation individuelle entre les membres.» 

Des boucles de rétroaction positives ou négatives se produisent donc lorsque les membres d’une équipe interagissent entre eux par le biais de commentaires, d’encouragements ou de critiques par exemple. Ces boucles de soutien ou de frustration des besoins psychologiques entraînent l’émergence d’une motivation d’équipe qui incarne les différentes raisons évoquées plus haut et qui, à leur tour, améliorent les processus d’équipe ou leur nuisent, comme sur le plan de la communication ou de la coordination des actions.

Construction d’une identité d’équipe

Selon Simon Grenier, la convergence des types de motivation et la construction d’une identité d’équipe créent ainsi les conditions dans lesquelles la motivation d’équipe peut émerger.  

«D’autres processus d’équipe peuvent également influer sur la satisfaction des besoins, ce qui contribue au renforcement de la motivation d’équipe par le truchement d’une satisfaction ou frustration subséquente des besoins psychologiques des membres, laquelle peut à son tour agir sur d’autres processus collectifs qui influencent l’efficacité de l’équipe», mentionne-t-il.  

Pour illustrer son propos, Simon Grenier donne l’exemple d’une équipe où les membres sont critiques les uns par rapport aux autres, où les relations nouées sont superficielles ou encore dans laquelle les membres se voient privés de leur choix et de leur liberté d’action par d’autres membres. «Il y a alors fort à parier qu’ils chercheront à éviter la critique, à cacher de l’information ou des erreurs, à ne pas trop se dévoiler ou encore à se coordonner avec d’autres pour rester maîtres de leurs actions et décisions et tous ces gestes peuvent diminuer l’efficacité et la performance de l’équipe», dit-il.

Des applications théoriques et pratiques

Sur le plan théorique, l’approche de Simon Grenier et ses collègues permet, entre autres, de distinguer différents types de motivation d’équipe et de comprendre les raisons qui motivent le collectif à faire des efforts pour réaliser les activités de l’équipe.  

«Dans plusieurs organisations, l’utilisation de primes d’équipe peut être privilégiée pour stimuler la performance, observe-t-il. Nous pensons que cette source de motivation pour les équipes peut devenir délétère et ultimement nuire à l’efficacité du groupe. D’autres sources de motivation, comme le fait d’insister sur les retombées importantes du travail réalisé par l’équipe, pourraient avoir une influence positive sur son fonctionnement et son efficacité.» 

Sur le plan pratique, le modèle proposé offre des pistes quant à la manière dont les organisations peuvent créer et gérer des équipes motivées positivement. «Les processus d'équipe efficaces peuvent être améliorés grâce à la formation des membres de l'équipe pour que chacun réponde aux besoins psychologiques des autres», dit Simon Grenier. 

De même, le modèle «permet de repenser le travail de l'équipe pour le rendre plus motivant: par exemple la variété, la complexité, un contact direct avec les bénéficiaires, des retours riches et des structures de rôles compatibles favorisent l’émergence d’une motivation plus intrinsèque de l'équipe», concluent les auteurs de l’article.