Le vieillissement à travers le temps et l’espace

Le colloque «Trajectoires de vieillissements» est ouvert aux chercheurs comme aux étudiants, aux organismes à but non lucratif comme au grand public, sur inscription (en ligne ou sur place).

Le colloque «Trajectoires de vieillissements» est ouvert aux chercheurs comme aux étudiants, aux organismes à but non lucratif comme au grand public, sur inscription (en ligne ou sur place).

Crédit : Getty

En 5 secondes

À l’occasion du prochain colloque du REAICTIS, UdeMNouvelles a rencontré trois chercheurs qui placent les trajectoires de vieillissement au cœur de leurs travaux.

Paula Negron-Poblete et Sébastien Lord

Paula Negron-Poblete et Sébastien Lord

Crédit : Paula Negron-Poblete (Amélie Philibert, Université de Montréal) et Sébastien Lord (courtoisie)

L’Université de Montréal accueillera le septième colloque du Réseau d’études international sur l’âge, la citoyenneté et l’intégration socio-économique (REAICTIS) du 4 au 6 juin, qui a pour mission de rassembler les chercheurs et chercheuses en sciences sociales dont les travaux portent sur la double thématique du vieillissement et de la citoyenneté.

UdeMNouvelles a rencontré les professeurs de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’UdeM Paula Negron-Poblete et Sébastien Lord ainsi que la doctorante en santé publique Julie Karmann pour discuter des thèmes qui seront abordés dans ce colloque.

Julie Karmann et Yan Kestens

Julie Karmann et Yan Kestens

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Président du REAICTIS, Sébastien Lord travaille sur le vieillissement depuis une vingtaine d’années en lien avec la question de l’habitation et sur le vieillissement en banlieue. Paula Negron-Poblete, qui fait partie du comité scientifique, s’intéresse à la mobilité individuelle et à la «marchabilité» des lieux, en particulier ceux rarement associés à la marche, comme la banlieue. Architecte paysagiste de formation, Julie Karmann effectue un doctorat sous la direction de Yan Kestens et a participé au projet de recherche INTERACT, qui veut comprendre les conséquences des changements urbains sur la santé des populations. Tous trois présenteront des conférences au cours du colloque.

Parlez-nous du thème du colloque: «Trajectoires de vieillissements».

Sébastien Lord: C’est un concept, mais c’est aussi une façon de travailler qui nous place dans une position où nous nous intéressons au temps et à l’évolution des individus eux-mêmes, de leur famille et des villes. La recherche montre depuis des années que les parcours sont relatifs. Il n’y a pas un profil de personnes âgées, mais plutôt une pluralité de personnes, de vieillissements, d’interactions avec la ville et avec les autres. Les trajectoires de vieillissements peuvent ainsi bifurquer en raison de ruptures comme la maladie, une pandémie, un divorce, etc. Ce concept est donc très riche pour la recherche, mais aussi pour l’intervention. Parce que quand vient le temps de créer et de modifier l’espace, l’idée n’est pas de concevoir un seul lieu pour les gens âgés. Au contraire, il faut réfléchir à la ville pour l’adapter à de multiples modes de vie.

Paula Negron-Poblete: On admet volontiers que les gens évoluent, mais on voit souvent les lieux et la ville comme figés. Il y a cependant une dynamique: un très bon environnement aujourd’hui peut demain ne plus répondre aux attentes des gens qui l’habitent. Il est donc important de considérer les trajectoires des territoires eux-mêmes.

Julie Karmann: La santé publique quant à elle repose souvent sur des messages un peu stigmatisants, par exemple que les aînés sont des populations vulnérables. Il faut plutôt considérer cette pluralité de profils pour bien dessiner les interventions en santé publique.

Avec le vieillissement des babyboumeurs, qui vivent et sont actifs plus longtemps que la génération précédente, cette façon de voir prend donc tout son sens…

PNP: Le fait que la génération actuelle vit mieux ou plus longtemps que celle d’avant, c’est l’histoire de l’humanité, il ne faut pas l’oublier. Par contre, ce qui a changé, c’est les capacités de mobilité des individus. Les gens sont plus mobiles au quotidien, à l’échelle de leur ville et même au-delà, avec les déplacements outre-mer. Cela a une incidence sur leurs attentes par rapport aux normes de vie. Le quartier du quotidien n’est plus suffisant.

De plus, avec l’immigration, on commence à voir au Québec des personnes qui vieillissent dans un endroit qui ne les a pas vus naître. Aussi, des enfants font venir leurs parents du pays d’origine pour qu’ils ne soient pas seuls. Ce sont des phénomènes auxquels on s’est peu intéressé et qui auront une incidence sur la manière dont on vit la ville au sens large.

SL: Aujourd’hui, jusqu’à quatre générations cohabitent dans un même quartier, voire vivent ensemble dans un habitat intergénérationnel. Cela entraîne des responsabilités accrues pour les babyboumeurs, qui s’occupent parfois de leurs parents et de leurs petits-enfants.

JK: Je crois que le concept de la famille est en mutation. La famille, ce n’est plus uniquement la famille nucléaire. Pour les personnes LGBTQ+, la famille, ce n’est plus la seule cellule familiale élémentaire, c’est une famille de cœur. On a observé durant la pandémie que les interdictions sanitaires mises en place mettaient l’accent sur la famille, ce qui a beaucoup nui à des personnes qui n’en avaient pas…

Comment l’approche des trajectoires vous permet-elle d’aborder différemment la question du vieillissement dans vos propres recherches?

SL: Si l’on prend par exemple le logement pour aînés, réfléchir selon le concept des trajectoires veut dire concevoir le projet d’habitation comme quelque chose qui va vieillir et prendre en compte les besoins des individus qui évolueront. Il faut s’intéresser au vieillissement de façon transversale, comme on le fait pour l’environnement ou d’autres questions sociales, et l’aborder de manière interdisciplinaire.

PNP: La ville elle-même change et les gens se trouvent à vivre dans un endroit qu’ils ont choisi en fonction de quelque chose qui n’existe plus. Les commerces et les populations se transforment et l’attachement au quartier s’effrite. On ne peut empêcher ces évolutions, mais elles montrent que l’espace est flexible et mobile et qu’il faut le prendre en considération. Comme le mentionnait l’étude [publiée le 27 mai dans les médias] du CIRANO [le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations], le modèle de résidence pour personnes âgées est insoutenable à long terme, tout comme l’est d’ailleurs le modèle de la maison unifamiliale dans un zonage résidentiel. La non-mixité d’usages n’est pas durable.

JK: Du point de vue de la santé publique, c’est intéressant de montrer qu’il y a une pluralité d’aînés: ça permet de revoir toutes ces normes autour de l’âgisme, de la dépendance. Et in fine, je crois que c’est une occasion pour repenser et pour retravailler le vivre-ensemble.

Plus d'information

Se déroulant pour la première fois en Amérique du Nord, le colloque «Trajectoires de vieillissements» est ouvert aux chercheurs comme aux étudiants, aux organismes à but non lucratif comme au grand public, sur inscription (en ligne ou sur place). Deux visites de terrain qui précéderont le colloque sont prévues de même que la projection de deux films: Tu ne sauras jamais, de Robin Aubert, et en clôture Suzanne jour après jour (auxquelles les non-participants peuvent assister, mais sur inscription). Trois grandes conférences seront également prononcées, par Richard A. Settersten (Université d’État de l’Oregon), Stephen M. Golant (Université de la Floride) et Atiya Mahmood (Université Simon Fraser).