André Blais reçoit le prix Warren E. Miller, de l’American Political Science Association
- UdeMNouvelles
Le 25 septembre 2024
- Martin LaSalle
Professeur émérite du Département de science politique, André Blais est le premier chercheur non américain à recevoir le prix Warren E. Miller, décerné par l’American Political Science Association.
Professeur émérite du Département de science politique de l'Université de Montréal, André Blais est devenu le premier chercheur non américain à recevoir le prestigieux prix Warren E. Miller, décerné par l'American Political Science Association.
Cette distinction, remise tous les deux ans pour récompenser une carrière exceptionnelle dans le domaine des élections, de l'opinion publique et du comportement électoral, marque le point culminant d'un parcours remarquable.
De Drummondville à l’UdeM en passant par Toronto
Hésitant entre les mathématiques et la science politique, André Blais était loin de se douter qu’il mènerait une carrière de professeur et de chercheur qui le ferait connaître internationalement. Avant d’être admis au baccalauréat en science politique à l’Université Laval en 1966, il se destinait plutôt à l’enseignement au collégial.
«J’ai finalement fait le choix de la science politique, car à l’époque les sciences sociales étaient dans l'air du temps, se souvient-il en évoquant le contexte de la Révolution tranquille au Québec. Il y avait des choix collectifs qui s'imposaient à l'État-providence et c’est ce qui m’intéressait.»
Ce choix allait façonner non seulement sa carrière, mais aussi l'ensemble du champ d'études des comportements électoraux.
Le chemin d'André Blais vers la reconnaissance internationale n'a pas été linéaire. Après son baccalauréat, il se dirige vers l'Université York, à Toronto, pour y effectuer sa maîtrise et son doctorat.
Ses études le conduisent à explorer des sujets aussi variés que la politique agricole et les résultats électoraux. «J'essayais de concilier deux centres d’intérêt, soit les élections et les politiques publiques relatives au monde agricole», explique-t-il. Cette approche novatrice, combinant des domaines apparemment disparates, allait devenir sa marque de commerce.
Après son doctorat, il enseigne pendant deux ans à l’Université d’Ottawa, puis pendant un an à l’Université Laval, avant d’obtenir un poste de professeur à l’Université de Montréal.
Des contributions majeures à la science politique
Au fil des années, André Blais laisse une empreinte indélébile dans plusieurs branches de la science politique. Son livre To Vote or Not to Vote, écrit en solo et publié en janvier 2000, remet en question la théorie des choix rationnels, très populaire à l'époque en sciences économiques. Il sera cité par près de 1000 auteurs scientifiques par la suite.
«J'ai montré que cette théorie était imparfaite pour expliquer la décision de voter ou de ne pas voter», dit André Blais. En mettant l'accent sur la position morale du devoir de voter, il ouvre ainsi de nouvelles perspectives dans l'étude de la participation électorale.
Ses travaux sur le vote stratégique bousculent aussi les aprioris: en clarifiant le concept et en élaborant des méthodes pour le mesurer avec précision, le professeur Blais démontre que, contrairement aux idées reçues, le vote stratégique est moins fréquent qu'on pense au Canada.
Plus largement, André Blais a publié une vingtaine de livres et plus de 200 articles dans des revues scientifiques telles que l’American Journal of Political Science, le British Journal of Political Science, Comparative Political Studies et Public Choice. Il a été membre du comité de rédaction de l’International Encyclopedia of Elections et cochercheur principal de l’Étude électorale canadienne.
Un engagement constant dans les débats publics
Loin de rester confiné dans sa tour d'ivoire, André Blais s’engage dans de nombreux débats nationaux et internationaux sur les modes de scrutin. Ses recherches révèlent que les conséquences des différents systèmes électoraux sont souvent surestimées, particulièrement pour les électeurs.
«Les modes de scrutin ont tous leurs avantages et désavantages et je suis critique des tenants de la proportionnelle intégrale, qui y voient trop de vertus, souligne-t-il. Au mieux, elle améliore le taux de participation de deux à trois points, sans plus.»
Il poursuit: «Au Canada, si l’on a décidé de conserver le mode de scrutin actuel, c’est parce que les partis y trouvent leur intérêt – ce qui n’est pas une bonne raison! Puisqu’il y a des dizaines d’autres modes de scrutin, il est difficile de croire que notre mode de scrutin est le meilleur.»
S’il a ralenti la cadence, André Blais reste animé par la même curiosité qui l'a poussé à poursuivre des études supérieures. Actuellement, il travaille sur un projet ambitieux en Allemagne, explorant la question cruciale de l'acceptabilité des résultats électoraux.
Il a notamment soumis à 5000 personnes différents scénarios de résultats électoraux en leur demandant quelle serait la probabilité qu’elles participent à une manifestation pour contester les issues électorales proposées.
«L’idée de cette recherche est venue du refus de Donald Trump et de ses partisans de reconnaître l’élection présidentielle de 2021, ce qui soulève la question de la légitimité du processus électoral, observe André Blais. Car ce qui est important en démocratie, c’est qu’on accepte de perdre… Concéder la victoire vient légitimer le processus électoral.»
Une reconnaissance méritée
Tandis que la démocratie fait face à de nouveaux défis à travers le monde, les travaux d'André Blais rappellent l'importance de comprendre les mécanismes du vote et de la participation citoyenne.
À cet égard, le prix Warren E. Miller vient couronner un parcours inspirant qui incarne l'idéal du chercheur engagé, capable de concilier rigueur universitaire et pertinence sociale.
Et s’il se dit fier et honoré de ce prix «très spécial», il admet avoir été grandement surpris de le remporter. «Je n'étais pas au courant que j’étais en lice, ce sont des gens qui ont soumis ma candidature sans que je le sache et j’ai bien hâte de savoir de qui il s’agit!» s'exclame-t-il.