L’usage des écrans par les parents nuit-il à leurs enfants?

L’étude révèle qu’une utilisation accrue des téléphones par les parents est associée à une augmentation des symptômes d'inattention et d'hyperactivité chez les préadolescents au fil du temps.

L’étude révèle qu’une utilisation accrue des téléphones par les parents est associée à une augmentation des symptômes d'inattention et d'hyperactivité chez les préadolescents au fil du temps.

Crédit : Getty

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Selon une étude, l’usage parental des écrans pourrait avoir un effet négatif sur la santé mentale des jeunes, en augmentant notamment les symptômes d’hyperactivité et d’inattention.

De nombreuses recherches portent sur les répercussions du temps d'écran chez les enfants. Mais les enfants ne sont pas les seuls à utiliser leur téléphone. Que ce soit au parc, au restaurant ou à la maison, leurs parents sont aussi rivés sur leurs cellulaires. Cette distraction numérique a-t-elle un effet sur la relation parent-enfant et, plus particulièrement, sur la santé mentale des jeunes? 

Pour le savoir, Audrey-Ann Deneault, professeure adjointe de psychologie à l’Université de Montréal, a mené une étude sur le sujet. Durant la pandémie, 1303 préadolescents ont ainsi été invités à évaluer leur santé mentale alors qu’ils étaient âgés de 9 ans, de 10 ans puis de 11 ans. Parmi les indicateurs mesurés figuraient des symptômes d'anxiété, de dépression, d’inattention et d’hyperactivité. En parallèle, les jeunes ont été interrogés sur leur perception de l’utilisation des écrans par leurs parents et l’incidence de cette utilisation sur leurs interactions.  

La technoférence ou quand la technologie interfère avec les relations

Audrey-Ann Deneault

Audrey-Ann Deneault

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

«La technoférence, c'est l'interférence de la technologie avec les interactions ou les relations», dit Audrey-Ann Deneault. Concrètement, c’est ce moment où un téléphone s’interpose entre deux personnes, que ce soit des partenaires amoureux, des amis... ou un parent et son enfant. La chercheuse précise: «Le téléphone devient comme une barrière.» Une barrière invisible, mais bien réelle, qui peut altérer la qualité des interactions humaines. 

Une barrière bien différente de celle que peuvent constituer d’autres activités, selon Audrey-Ann Deneault. «Lorsqu’on utilise son téléphone, on peut oublier que le monde autour de soi existe. Les gens nous parlent et c’est comme si on ne les entendait pas. On n’est généralement pas aussi absorbé lorsqu’on fait d’autres tâches comme plier du linge ou faire à souper», explique-t-elle.  

Pour évaluer la technoférence, Audrey-Ann Deneault note qu’il est pertinent d’avoir la perspective des jeunes. On veut savoir ici quand la technologie devient un problème en empêchant l’interaction. Dans l’étude, la fréquence de la technoférence a ainsi été mesurée à travers des affirmations simples comme «Je souhaiterais que mes parents passent moins de temps à utiliser leur téléphone» et «Je suis frustré quand mes parents utilisent leur téléphone pendant que nous passons du temps ensemble». 

Quand le temps d’écran des parents cause plus d’hyperactivité et d’inattention chez leurs enfants

L’étude révèle qu’une utilisation accrue des téléphones par les parents est associée à une augmentation des symptômes d'inattention et d'hyperactivité chez les préadolescents au fil du temps. «Les parents distraits par leur téléphone ont tendance à avoir des enfants qui manifestent plus de signes de TDAH [trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité], comme des difficultés à se concentrer ou une impulsivité accrue», rapporte Audrey-Ann Deneault.  

Si l’étude semble indiquer que l'utilisation accrue de la technologie par les parents peut aggraver l’hyperactivité et l’inattention des enfants, il y a peu de preuves d'une relation inverse. 

L’anxiété des jeunes et l’échappatoire numérique des parents

Les travaux d’Audrey-Ann Deneault ont mis en lumière un schéma inverse pour l’anxiété. L’anxiété des préadolescents était liée à une hausse de la technoférence chez les parents. La chercheuse émet l’hypothèse que les parents pourraient avoir tendance à utiliser leur téléphone comme une échappatoire, une manière d'éviter de faire face aux situations émotionnellement chargées avec leurs enfants anxieux. Ce comportement d’évitement numérique pourrait être interprété comme une stratégie de régulation émotionnelle chez les parents devant des défis relationnels complexes, ajoute-t-elle. 

Réduire la technoférence

Alors, que peuvent faire les parents pour limiter la technoférence et améliorer leurs relations avec leurs enfants? Audrey-Ann Deneault propose des solutions simples, mais efficaces: «On comprend qu'on vit dans un monde où l’on veut être connecté. On ne recommande pas d’éteindre complètement son téléphone, mais d’être plus conscient de l’utilisation qu’on en fait quand on est avec son enfant.»  

Elle suggère des moments de déconnexion volontaire: «Prenez 15-20 minutes pour colorier ensemble, laissez le téléphone dans une autre pièce et soyez vraiment présent avec votre enfant.» Ces petits moments peuvent enrichir la relation parent-enfant, car ils permettent un échange véritable sans interruption.  

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