Décontaminer les bras des fauteuils en oncologie pour protéger les patients et le personnel soignant
- UdeMNouvelles
Le 3 décembre 2024
- Martin LaSalle
Six scénarios de décontamination de bras de fauteuils dans les unités externes d’oncologie s’avèrent efficaces pour éliminer les traces de médicaments cytotoxiques à leur surface, selon une étude.
Dans les unités externes d’oncologie, il est fréquent que les bras de fauteuils utilisés par les patients soient contaminés par des médicaments qui peuvent comporter un risque pour la santé des patients et du personnel soignant. Cette contamination survient souvent lors du retrait de l’aiguille qui sert à injecter ce type de médicaments.
Selon une étude réalisée en 2022 dans 124 hôpitaux canadiens, 81 % des prélèvements effectués sur des bras de fauteuils comportaient des traces de contaminants. Et dans 74 % des cas, il s’agissait de traces de cyclophosphamide, un agent couramment utilisé en chimiothérapie qui contient des molécules qui s’accrochent aux surfaces, ce qui nécessite des protocoles de nettoyage spécifiques.
Cette problématique est au cœur du programme de surveillance auquel participe le professeur Jean-François Bussières, de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, qui, avec Cynthia Tanguay, de son unité de recherche en pratique pharmaceutique, et ses étudiantes Mathilde Dupré et Manon Marc, a dirigé un projet de recherche visant à évaluer l’efficacité de six scénarios de décontamination et dont les résultats ont été publiés dans Le Journal canadien de la pharmacie hospitalière.
Six simulations de décontamination
L'expérience a porté sur 59 échantillons de tissu en silicone, semblable à celui des fauteuils médicaux. Les chercheurs ont volontairement contaminé 56 de ces échantillons avec une dose précise de cyclophosphamide (10 microgrammes) pour déterminer l'efficacité de différentes solutions de nettoyage.
Les produits de décontamination testés comprenaient de l'ammonium quaternaire, du peroxyde d'hydrogène à 0,5 %, un détergent à 0,005 % et de l'hypochlorite de sodium à 0,5 %. Tous ont été versés sur des lingettes en microfibre avec lesquelles on a procédé à trois nettoyages successifs. Par la suite, on a mesuré la contamination résiduelle à l’aide d’un système de chromatographie liquide et de la spectrométrie, en tandem.
L'efficacité moyenne des agents était supérieure ou égale à 99,79 %. Et quel que soit l'agent utilisé, l'efficacité était de 99,3 % après le premier nettoyage, 99,9 % après le deuxième et 99,95 % après le troisième.
«Nos simulations confirment que plusieurs solutions de décontamination fonctionnent, dont l'hypochlorite de sodium, c'est-à-dire la fameuse eau de Javel, indique Jean-François Bussières. Les autres produits ont également donné de bons résultats et c’est pourquoi nous recommandons d'alterner les solutions antiseptiques et désinfectantes afin de prévenir la biorésistance dans les unités externes d’oncologie.»
«Bien qu'on nettoie les fauteuils d'injection entre chaque patient, des traces de médicaments dangereux peuvent parfois rester sur les bras des fauteuils et nos résultats vont aider les pharmaciens, le personnel infirmier et les techniciens à réduire leur risque d'exposition, qui sera aussi moindre pour les patients», assure le professeur, qui a été chef du département de pharmacie du CHU Sainte-Justine pendant 26 ans.
Un programme de surveillance unique
Cette étude s'inscrit dans un programme de surveillance unique mis en place en 2010 au CHU Sainte-Justine. Ce programme vise à mesurer et à réduire l'exposition du personnel soignant aux médicaments dangereux comme ceux employés en chimiothérapie.
«Chaque année, nous publions les résultats de nos travaux et nous parvenons à diminuer les risques de contamination par diverses interventions, des lignes directrices, des webinaires et des stratégies ciblées pour protéger le personnel soignant», se réjouit Jean-François Bussières.
Ce programme a par ailleurs inspiré l’élaboration d'un programme canadien appliqué désormais dans plus de 130 hôpitaux à travers le pays.
À propos de cette étude
L'article «Efficacité de 6 scénarios de décontamination de bras de fauteuils contaminés volontairement au cyclophosphamide», par Mathilde Dupré et Manon Marc, sous la direction de Jean-François Bussières, a été publié dans l'édition d’octobre du Journal canadien de la pharmacie hospitalière.