Qui sont fondamentalement les grincheux de Noël?

Les traits de personnalité ne se changent pratiquement pas. C’est très, très stable dans la vie. Quelqu’un qui aborde la vie de façon plus cynique est probablement fait de cette façon-là.

Les traits de personnalité ne se changent pratiquement pas. C’est très, très stable dans la vie. Quelqu’un qui aborde la vie de façon plus cynique est probablement fait de cette façon-là.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Plongée dans la personnalité et la psychologie des personnes qui détestent le temps des fêtes. Ho, ho, ho! que c’est intéressant.

Des convives rassemblés malgré eux autour d’un repas insipide. Des cadeaux choisis à la va-vite pour respecter un rituel devenu vide de sens. Des chansons sirupeuses qui tentent désespérément de masquer un consumérisme effréné. Des publicités qui vendent du rêve pendant que le compte bancaire pleure. 

Présenté comme une période festive, rassembleuse et lumineuse, le temps des fêtes s’avère pour certaines personnes plutôt chaotique, frustrant ou carrément beige. Pourquoi ces Grinch et Ebenezer Scrooge rejettent-ils ce moment qui se veut pourtant chaleureux? Que se cache-t-il derrière ces esprits cyniques?  

Jean-Sébastien Boudrias, professeur au Département de psychologie de l’Université de Montréal et responsable du cours Psychologie de la personnalité, nous donne quelques pistes de réponse.  

Et pour le professeur, la première question qu’il faut se poser est celle-ci: «Est-ce que la personne est grincheuse en tout temps ou seulement pendant le temps des fêtes?»  

Dans leur nature...?

Jean-Sébastien Boudrias

Jean-Sébastien Boudrias

Crédit : Courtoisie

«Si la personne est grincheuse en général, et ce, depuis sa jeunesse, on peut considérer qu’elle a des traits de personnalité qui sont associés à ce tempérament un peu plus grognon et donc que ça fait partie de sa biologie», indique le psychologue. 

Commençons par voir les grands facteurs qui construisent la personnalité. En psychologie et en psychométrie est largement utilisé le modèle OCEAN, un acronyme qui regroupe les cinq traits suivants: ouverture, conscience, extraversion, agréabilité et névrosisme. 

L’ouverture concerne la créativité et l’imagination, la conscience se caractérise par l’adoption de comportements en vue de la réalisation de tâches et d’objectifs, l’extraversion touche la sociabilité, l’agréabilité englobe des traits comme l’altruisme et l’acceptation sociale et le névrosisme est une tendance aux émotions négatives. 

Chez les Grinch de ce monde, c’est l’agréabilité qui cote très bas et qui fait d’eux des individus plus cyniques, impolis, méfiants ou moins coopératifs. 

Aussi, on peut penser que le côté rabat-joie ressort davantage lorsque le facteur conscience est plus faible, puisqu’alors on n’aime pas se conformer aux normes sociales et à l’ordre établi. Cette tendance contestataire peut ainsi entrer en contradiction avec les nombreuses conventions liées au temps des fêtes et déclencher un désir d’être à rebours de cette liesse attendue. 

Bien ancrés, ces traits de personnalité peuvent être génétiques, poursuit Jean-Sébastien Boudrias. «Nous savons que de 40 à 50 % des éléments de notre personnalité sont héréditaires, souligne-t-il. Quand nous nous comparons avec nos parents, nous sommes souvent capables de voir leur influence.» 

… ou circonstanciel?

Il y aurait donc certains fondements biologiques qui pourraient expliquer l’humeur exécrable de certains individus à Noël. Mais dans une perspective où ces gens seraient tout aussi acariâtres à Pâques, à l’Halloween ou sous un soleil radieux l’été. 

Lorsque ce n’est pas le cas, on peut alors miser sur un historique développemental qui renforcerait un côté grincheux préexistant, révèle Jean-Sébastien Boudrias. À ce moment-là, on parle moins de traits de personnalité, mais plutôt d’une combinaison d’évènements précis qui déclenchent certaines perceptions et qu’on a intégrés comme étant des schémas qui vont se répéter tous les ans.  

«On peut penser au stress du magasinage de cadeaux ou à celui causé par le fait de ne pas être capable de mettre ce qu’on voudrait sur la table, aux membres de l’entourage aux prises avec des problèmes de consommation, à la solitude, à la perte d’un être cher, à la comparaison sociale. Chaque Noël, l’individu est alors confronté à ces mauvaises expériences qui sont parfois quasiment traumatiques», note le professeur. 

Y a-t-il quelque chose à faire?

Si la personne est fondamentalement grincheuse, il n’y a rien à faire.  

«Les traits de personnalité ne se changent pratiquement pas. C’est très, très stable dans la vie. Quelqu’un qui aborde la vie de façon plus cynique est probablement fait de cette façon-là. On s’épuiserait à vouloir le changer», remarque Jean-Sébastien Boudrias. 

Or, si c’est «l’environnement» qui a façonné la mauvaise foi d’une personne, celle-ci peut agir sur les facteurs externes et choisir de ne pas s’exposer à certaines situations, ajoute-t-il. Par exemple, elle peut éviter les centres commerciaux si la musique et les foules lui sont insupportables, assister seulement aux réunions qui ne déclenchent pas d’animosité, réduire le nombre de cadeaux, etc.  

«Si Noël amène la personne à être grincheuse parce qu’il y a un moment qu’elle appréhende, est-elle obligée de se mettre dans cette situation qui crée une mauvaise humeur?» questionne le psychologue. 

Comme quoi, à l’instar du Grinch, on peut finir par apprécier le temps des fêtes, il s’agit parfois d’une question d’état d’esprit… sauf si le mépris qu’inspire l’aspect superficiel des fêtes est inscrit dans vos gènes…!

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