Prévenir les troubles liés à l’utilisation de substances chez les adolescents
Une nouvelle étude scientifique avec groupe expérimental et groupe témoin, dans lesquels les participants ont été répartis au hasard (essai comparatif randomisé), a démontré l’efficacité d’un programme bref d’interventions cognitivo-comportementales pour réduire les troubles liés à l’utilisation de substances chez les adolescents.
Dirigée par Patricia Conrod, professeure au Département de psychiatrie et d'addictologie de l’Université de Montréal et chercheuse au CHU Sainte-Justine, l’étude, dont les résultats sont parus aujourd’hui dans l’American Journal of Psychiatry, montre en effet que les élèves qui ont suivi deux ateliers en première année du secondaire ont considérablement moins de troubles liés à l’utilisation de substances à la fin du secondaire.
Près de 4000 élèves suivis durant cinq ans
L’équipe de recherche est parvenue à cette conclusion après avoir suivi durant cinq ans, de la première à la cinquième secondaire, 3800 élèves de 31 écoles de la grande région de Montréal.
Une partie des écoles offrait le programme PreVenture aux élèves de première secondaire jugés à risque, selon leurs résultats à un questionnaire d’évaluation portant sur quatre traits de personnalité, soit l’impulsivité, la recherche de sensations fortes, la sensibilité à l’anxiété et le désespoir.
Les analyses statistiques rapportent une augmentation des troubles liés à l’utilisation de substances dans toutes les écoles entre la première et la cinquième secondaire et une proportion de 10 % des jeunes qui répondent aux critères diagnostiques de ces troubles à la fin de leurs études secondaires. Or, lorsque l’on compare les écoles, on remarque une hausse beaucoup moins prononcée de ces troubles dans celles qui ont proposé le programme.
Ainsi, selon l’année analysée, le risque de troubles liés à l’utilisation de substances était réduit de 23 à 80 % dans ces écoles par rapport à celles n’offrant pas le programme.
«Grâce à seulement deux ateliers de 90 minutes chacun, le programme a été en mesure de protéger les jeunes contre le risque de troubles liés à l’utilisation de substances à long terme, se réjouit Patricia Conrod, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale préventive et toxicomanie. C’est particulièrement prometteur dans le contexte actuel de la crise des dépendances en Amérique du Nord.»
Un programme de prévention reconnu internationalement
Ce programme est déjà implanté dans plusieurs écoles à travers le monde, notamment dans 5 provinces canadiennes et 12 États américains. Les interventions amènent les jeunes à explorer les traits de personnalité et les stratégies d’adaptation auxquelles il est possible de recourir pour faire face aux défis du quotidien.
Le programme enseigne également des stratégies cognitives et comportementales qui pourront les aider à canaliser certains traits de leur personnalité pour favoriser l’atteinte de buts à long terme.
«Les différences individuelles en termes de personnalité sont essentielles dans une société saine et diversifiée, conclut Patricia Conrod. Or, certains traits peuvent être une source de stress ou d’anxiété lorsqu’ils sont mal gérés, ce qui peut mener les jeunes à se tourner vers la consommation de substances comme soulagement temporaire. En leur enseignant d’autres stratégies plus efficaces au début de l’adolescence, nous pouvons les aider à mieux gérer les défis du quotidien.»
«La prévention est une des mesures les plus efficaces et gratifiantes lorsqu’on parle d’utilisation de drogues chez les jeunes. Cette étude comporte des données québécoises robustes, claires et qui peuvent se traduire en actions concrètes. C’est précieux, et ça nous permet d’espérer que cette intervention sera bientôt disponible pour tous les jeunes du Québec», selon Julie Bruneau, professeure en médecine familiale à l’Université de Montréal, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en médecine des toxicomanies et directrice scientifique du pôle québécois de l’Initiative canadienne de recherche sur l’impact des substances psychoactives des Instituts de recherche en santé du Canada.