Opioïdes: clarifier le concept d’approvisionnement sécuritaire pour épargner des vies

En 5 secondes Une équipe du CRCHUM propose de préciser les définitions liées aux approches de distribution sécuritaire d’opioïdes afin de mieux évaluer leurs effets et de guider les politiques de santé publique.
Le Canada est le seul pays à expérimenter à grande échelle l’approvisionnement sécuritaire.

Au Canada, des milliers de personnes consomment des opioïdes de rue contaminés. Pour lutter contre les surdoses, le pays expérimente depuis une dizaine d’années la distribution à grande échelle d’opioïdes pharmaceutiques comme solution de remplacement aux drogues illicites.  

On désigne souvent cette méthode par «approvisionnement sécuritaire» (safe supply) ou «approvisionnement plus sécuritaire» (safer supply). 

Que signifient exactement ces expressions apparues à la fin des années 2010 et au cœur des politiques canadiennes de réduction des méfaits?  

Dans une étude publiée dans l’International Journal of Drug Policy, l’équipe du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) dirigée par la Dre Julie Bruneau et Sarah Larney, toutes deux professeures au Département de médecine de famille et de médecine d'urgence de l’Université de Montréal, propose de les clarifier.

Deux approches à définir

Avec l’aide de la première auteure, Uyen Do, alors agente de recherche dans l’équipe de la Dre Bruneau, les chercheuses distinguent deux grandes approches: l’une médicalisée (approvisionnement plus sécuritaire), l’autre communautaire (approvisionnement sécuritaire), souvent non supervisée par des professionnels de la santé.

Jusqu’à maintenant, ces approches ont souvent été regroupées sous un seul concept, bien qu’elles présentent des différences notables. 

«Nous proposons de préciser les définitions de chaque approche afin de guider les pratiques cliniques, explique la Dre Bruneau, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en médecine des toxicomanies. Notre étude établit un cadre pratique pour mieux décrire les modèles de soins, les tester et ainsi désigner les approches les plus prometteuses selon les contextes, les réalités locales et les profils des personnes. Elle permet aussi de déterminer quelles composantes d’un programme, existant ou à venir, devraient être analysées afin d’en évaluer rigoureusement les avantages et les risques.» 

 

Une base pour transformer les politiques 

Au travers d’une revue de la littérature et d’une analyse conceptuelle, l’équipe scientifique révèle dans son étude les limites des données actuelles: peu d’évaluations longitudinales ou expérimentales, une caractérisation insuffisante des populations visées, un manque d’information sur des conséquences imprévues telles que la diversion et une absence d’analyse provinciale des écarts de mise en œuvre.  

«La crise des surdoses ne doit plus être traitée comme une urgence ponctuelle. Elle exige une réponse nuancée et structurée, fondée sur des données scientifiques probantes, dans un domaine où les enjeux sanitaires, sociaux et éthiques sont parfois marqués par la controverse et l’émotivité», souligne Sarah Larney. 

Pour la Dre Bruneau, il est crucial que les nouvelles approches soient bien définies, et appuyées de preuves, pour les adapter et les optimiser en cours d’implantation et en mesurer les effets. 

Les retombées cliniques et sociales pourraient être considérables, par exemple une amélioration de l’accessibilité aux soins, une réduction des surdoses ou encore une diminution de la stigmatisation des personnes qui consomment des drogues. 

 

Une expertise canadienne au service de la santé publique 

Le Canada a démontré sa capacité à innover dans la lutte contre les surdoses d’opioïdes. Actuellement, c’est le seul pays à expérimenter à grande échelle l’approvisionnement sécuritaire. 

«Il est maintenant temps d’asseoir notre leadership sur plus de données probantes. Notre étude pourrait servir de tremplin pour placer le pays comme chef de file mondial en matière de réduction des méfaits et de traitement des dépendances, ajoute la Dre Bruneau. Cela pourrait également renforcer la légitimité des interventions de santé publique auprès des instances politiques et du grand public.» 

Au-delà des divisions idéologiques, cette étude encourage la recherche de solutions pratiques et empreintes d’humanité face à une crise qui a déjà fait plus de 50 000 victimes au Canada.

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