Cinq raisons pour expliquer la réduction du taux de suicide chez les jeunes au Québec

L’éducation à la santé mentale a joué un rôle clé dans la prévention du suicide.

L’éducation à la santé mentale a joué un rôle clé dans la prévention du suicide.

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Le taux de suicide chez les jeunes Québécois a fortement diminué ces dernières décennies. Quelles actions ont permis d’améliorer la situation?

Alain Lesage et Camille Brousseau-Paradis

Alain Lesage et Camille Brousseau-Paradis

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Depuis les années 1990, le taux de suicide chez les jeunes Québécois a considérablement diminué. Entre 1995 et 2019, il a chuté de 60 % chez les 15-19 ans et de 20 % chez les 20-34 ans entre 2005 et 2019. Cette tendance soulève la question des facteurs ayant contribué à cette baisse. 

Bien que les causes soient multiples, Alain Lesage, professeur au Département de psychiatrie et d'addictologie de l’Université de Montréal, et Camille Brousseau-Paradis, résidente en psychiatrie et étudiante de maîtrise en sciences psychiatriques et addictologie à l'UdeM, ont mis en lumière cinq principaux éléments dans un article publié dans la revue Santé mentale au Québec. 

Sensibilisation en milieu scolaire

L’éducation à la santé mentale a joué un rôle clé dans la prévention du suicide. En 1997, après le suicide de cinq adolescents d’une même école secondaire à Coaticook en l’espace de quelques mois, une enquête du coroner a révélé que ces jeunes présentaient des symptômes dépressifs et avaient parlé de leurs idées suicidaires uniquement avec des amis, sans consulter d’adultes ou de professionnels de la santé. Camille Brousseau-Paradis mentionne que cet évènement tragique a conduit à la création du programme Solidaires pour la santé mentale, une formation gratuite offerte depuis 2000 aux jeunes de 14 à 18 ans. «Ce programme explique ce que sont la dépression, la santé mentale et les idées suicidaires, ainsi que la façon d’agir si l’on est sujet à ce mal-être ou si un proche est en détresse», précise-t-elle. À ce jour, près de 1,2 million d’élèves québécois ont bénéficié de cette sensibilisation. 

Première ligne médicale et traitement du TDAH

Les médecins de famille et les pédiatres ont également un rôle important à jouer dans le dépistage des troubles mentaux. Un accent particulier a été mis sur le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), qui est associé à des comportements à risque, y compris les idées suicidaires. «Le TDAH est une des maladies psychiatriques dont le traitement pharmacologique est le plus efficace», souligne Camille Brousseau-Paradis, ajoutant que l’augmentation de l’usage des psychostimulants a probablement contribué à réduire le risque suicidaire. En 2019-2020, 7,7 % des Québécois de moins de 25 ans avaient reçu au moins une prescription de médicaments pour le TDAH. 

Première ligne psychosociale

Depuis 2010, le ministère de la Santé et des Services sociaux et l’Association québécoise de prévention du suicide ont formé près de 30 000 intervenants psychosociaux à la détection et à l’accompagnement des personnes suicidaires grâce au programme Intervenir auprès de la personne suicidaire à l’aide de bonnes pratiques. Camille Brousseau-Paradis insiste sur l’importance de ces formations pour «les intervenants des CLSC, des organismes communautaires et des écoles», dont la présence est essentielle auprès des jeunes en détresse. 

En parallèle, le programme Sentinelle, bien que plus court (sept heures de formation), permet à des adultes en contact avec des jeunes à risque de repérer plus vite les signes de souffrance et d’orienter ces personnes vers les ressources appropriées. 

Coordination des services pour les groupes à risque

Les jeunes des centres jeunesse constituent une population particulièrement vulnérable. «Dans les années 2000, on a découvert que le tiers des suicides chez les jeunes concernaient ceux vivant en centre jeunesse», rapporte Camille Brousseau-Paradis. Afin d’améliorer la prise en charge de ces jeunes à risque, des protocoles de collaboration entre les services psychosociaux et psychiatriques ont été mis en place. 

Prévention précoce

Enfin, les centres de la petite enfance (CPE) ont eu une influence indirecte, mais significative sur la santé mentale des enfants issus de milieux défavorisés. Des études montrent que ces structures atténuent les effets négatifs d’un environnement familial instable, favorisant ainsi une meilleure résilience à long terme. «Les enfants de mères dépressives ayant fréquenté un CPE ont été moins affectés par la maladie de leur mère que ceux restés à la maison, explique Camille Brousseau-Paradis. Ces services offrent un environnement protecteur et posent des bases solides pour le développement psychologique des tout-petits, d’où l’importance de les maintenir et de les soutenir.» 

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