L’outil d’entraînement NeuroTracker doit encore faire ses preuves auprès des athlètes
- UdeMNouvelles
Le 6 février 2025
- Martin LaSalle

Thomas Romeas voit un potentiel dans les technologies de réalité virtuelle qui reproduisent un environnement propre à la tâche à améliorer. Néanmoins, il souligne que le rôle des entraîneurs demeure primordial pour créer des environnements d’apprentissage le plus près possible des conditions de compétition pour maximiser les effets de transfert chez les athlètes.
Crédit : GettyUne étude de l’UdeM révèle que, contrairement à des travaux antérieurs, l’entraînement cognitif avec le NeuroTracker n'améliorerait pas les performances des joueurs de soccer sur le terrain.
Utilisé dans le sport de haut niveau, l’outil d’entraînement cognitif NeuroTracker – aussi appelé 3D-MOT par la communauté scientifique – n’a pas permis d’améliorer directement les performances d’athlètes sur le terrain, selon une nouvelle étude réalisée par une équipe de recherche de l’École d’optométrie de l’Université de Montréal.
Dans l’article qu’il a publié dans la revue Psychology of Sport and Exercise, Thomas Romeas n’a pas réussi à reproduire les résultats d’une précédente étude qu’il avait menée et qui démontrait l’efficacité de cette technologie.
Cette recherche initiale présentait toutefois des limites. «Nous avions alors trois groupes de joueurs de soccer: le groupe expérimental, le groupe témoin et le groupe placébo, mais le nombre de participants dans chaque groupe était faible, de l'ordre de 7 à 9 athlètes», précise celui qui est professeur associé à l’UdeM et responsable de la recherche et de l’innovation à l’Institut national du sport du Québec.
Son équipe et lui ont donc voulu vérifier ces conclusions avec un protocole plus rigoureux et un échantillon de 62 joueurs de soccer de haut calibre âgés de 12 à 19 ans.
Les participants ont été séparés en deux groupes, soit le groupe expérimental prenant part à des entraînements avec le NeuroTracker et le groupe témoin sans entraînement cognitif.
La réalité virtuelle mise à l’épreuve
Le NeuroTracker utilise la réalité virtuelle pour créer un environnement immersif. Il s’agit d’un logiciel intégré à un casque de réalité virtuelle qui permet de simuler l’attention et le suivi visuel périphérique.
«Lorsqu’ils portent ce casque, les athlètes perçoivent huit balles en 3D qui se déplacent au hasard, soit quatre cibles à suivre avec les yeux et quatre à ignorer, précise Thomas Romeas. Il faut une grande concentration et une stratégie visuelle efficace pour garder les quatre cibles en mémoire qui bougent de plus en plus rapidement et selon des trajectoires aléatoires.»
Pour rendre l'entraînement plus pertinent, l’équipe de recherche y a ajouté une dimension supplémentaire en faisant faire une double tâche aux participants pour reproduire ce qui se passe sur le terrain: se concentrer sur les joueurs en mouvement tout en se focalisant sur des intentions critiques et spécifiques de mouvement. Dans le programme virtuel, il s’agissait donc de percevoir la direction de passes de joueurs virtuels tout en suivant les balles en mouvement.
Le programme s'est déroulé sur 10 semaines, consistant d’abord en un entraînement simple suivi d’un entraînement avec la tâche double. Pour évaluer l’efficacité du programme dans le groupe expérimental, l’équipe a vérifié si les participants s'amélioraient dans la tâche elle-même, si leurs capacités d'attention générale progressaient et si leurs performances sur le terrain étaient meilleures en comparaison du groupe témoin.
Or, les résultats se sont avérés mitigés.
«Le groupe entraîné s'est nettement amélioré dans la tâche elle-même, soit suivre les balles avec les yeux, mais il n'y a pas eu de transfert des habiletés acquises grâce à l’entraînement avec le NeuroTracker sur le terrain en situation de jeu réduit, explique Thomas Romeas. Ce résultat n’est toutefois pas totalement surprenant compte tenu de la difficulté d’observer des transferts éloignés – entre des contextes en apparence différents – et de contrôler les facteurs influençant la performance lors des tests de transfert.»
Pour ce qui est du transfert rapproché (entre des contextes partageant des caractéristiques communes) dans un test d’attention, l'absence d'amélioration pouvait s'expliquer en partie par les capacités cognitives déjà élevées des participants, selon Thomas Romeas. «Chez les athlètes de haut niveau, la marge de progression est très faible, note-t-il. La majorité des athlètes plafonnaient dès le premier test et, dès lors, il était difficile de relever des changements significatifs sur le plan statistique.»
Poursuivre les recherches et miser sur l’entraînement contextuel
Les résultats obtenus indiquent que d’autres études devront être menées pour vérifier les effets de l’entraînement cognitif chez les athlètes. Pour l’heure, la littérature scientifique soutient davantage l’entraînement de domaine spécifique, c’est-à-dire un entraînement qui simule fidèlement les conditions et les exigences réelles de la tâche.
S’il voit un potentiel dans les technologies de réalité virtuelle qui reproduisent un environnement propre à la tâche à améliorer, Thomas Romeas estime que, pour aider des athlètes qui ne sont plus des débutants, «ces technologies doivent non seulement recréer l’environnement et les situations de terrain, mais aussi représenter adéquatement les cinématiques et interactions humaines».
Selon lui, c’est là l’un des défis importants des technologies de réalité étendue qui s’adressent à un public d’experts. «Elles doivent aussi trouver leur valeur ajoutée par rapport à l’entraînement réel, en offrant à l’utilisateur la possibilité de modifier à l’infini des paramètres contextuels qu’il serait impossible d’ajuster facilement sur le terrain», précise-t-il.
Le chercheur ajoute que, bien que ces technologies puissent être complémentaires à l’entraînement traditionnel, elles ne doivent en aucun cas être vues comme une solution de remplacement à l’entraînement réel.
Il conclut d’ailleurs en soulignant que «le rôle des entraîneurs demeure primordial pour créer des environnements d’apprentissage le plus près possible des conditions de compétition pour maximiser les effets de transfert et les scientifiques devraient davantage soutenir les entraîneurs en ce sens».
À propos de cette étude
L’article «No transfer of 3D-Multiple Object Tracking training on game performance in soccer: A follow-up study», par Thomas Romeas et ses collègues, a été publié dans l’édition de janvier de la revue Psychology of Sport and Exercise.