Transplantation et complications: faire le point

Devant une centaine de personnes des milieux de la santé et de la recherche ainsi que d’étudiants et étudiantes en présentiel et à distance, une dizaine de chercheurs et cliniciens de l’Université de Montréal et d’autres établissements ont abordé divers sujets liés aux complications métaboliques dans les cas de greffe.

Devant une centaine de personnes des milieux de la santé et de la recherche ainsi que d’étudiants et étudiantes en présentiel et à distance, une dizaine de chercheurs et cliniciens de l’Université de Montréal et d’autres établissements ont abordé divers sujets liés aux complications métaboliques dans les cas de greffe.

Crédit : CHUM

En 5 secondes

Un symposium organisé au Centre de recherche du CHUM se penche sur les complications métaboliques possibles avant et après les transplantations.

Dans un contexte de greffe d’organe, l’obésité s’avère un facteur de risque complexe. En effet, l’obésité peut compliquer la transplantation, qui peut à son tour entraîner une prise de poids postchirurgicale en raison des médicaments antirejet, le tout dans un contexte où l’accès aux médicaments approuvés pour la perte de poids reste difficile. 

C’est sur ces questions de complications cardiométaboliques relatives aux transplantations que les participants du symposium du programme de transplantation de l’Université de Montréal se sont penchés le 7 février. «C’est un sujet dans l’air du temps», a constaté l’organisatrice, la Dre Marie-Chantal Fortin, néphrologue et professeure à la Faculté de médecine de l’UdeM. À preuve, une nouvelle définition de l’obésité avait été proposée par un groupe de 56 experts mandatés par la revue The Lancet Diabetes & Endocrinology deux semaines à peine avant l’évènement.

Devant une centaine de personnes des milieux de la santé et de la recherche ainsi que d’étudiants et étudiantes en présentiel et à distance, une dizaine de chercheurs et cliniciens de l’Université de Montréal et d’autres établissements ont abordé divers sujets liés aux complications métaboliques dans les cas de greffe. «J’essaie durant ce type d’évènement de faire connaître la recherche qui est menée à l’UdeM», indique la Dre Fortin.

Changement de perspective

Dre Marie-Chantal Fortin

La Dre Marie-Chantal Fortin

Crédit : CHUM

«Avec le changement de définition, l’obésité a enfin été désignée comme une maladie chronique à part entière», a souligné en ouverture la Dre Agnès Räkel, endocrinologue et professeure à la Faculté de médecine. Alors qu’auparavant on considérait uniquement l’indice de masse corporelle (IMC), la nouvelle définition de l’obésité clinique apporte des nuances et oblige les médecins à utiliser d’autres méthodes pour la diagnostiquer. «Plusieurs personnes vont changer de catégorie, comme les athlètes avec de grandes masses musculaires. Ça transforme complètement la lunette par laquelle on évalue les patients», a-t-elle poursuivi.  

Il faut savoir que l’obésité peut nuire au fonctionnement de plusieurs organes, comme le cœur, les reins ou les poumons. Le corps médical reste toutefois frileux quant aux greffes qu’il pourrait proposer aux patients atteints d’obésité – même si cette hésitation est parfois justifiée. «Contrairement aux greffes hépatiques, cardiaques ou thoraciques, la greffe rénale a des contraintes anatomiques et les instruments sont limités», a expliqué le Dr Gregory Rembeyo, urologue et transplanteur, et professeur de clinique à la Faculté de médecine.

Pourtant, une greffe d’organe peut grandement améliorer la vie des patients. «La greffe de rein favorise la survie chez un patient obèse si on le compare avec un patient obèse dialysé et en attente d’une greffe, et ce, indépendamment de son IMC», a remarqué la Dre Räkel. La greffe de foie chez ces personnes peut entraîner davantage de complications, mais les taux de survie sont semblables à ceux de la population générale, a-t-elle ajouté.

Une approche adaptée

Dre Agnès Räkel

La Dre Agnès Räkel

Crédit : CHUM

Dans ce contexte, «les médecins demandent souvent à leurs patients de perdre du poids pour accéder à une transplantation», a mentionné la Dre Fortin. Or, la chose est beaucoup plus simple à dire qu’à faire. Les patients en attente d’une greffe cardiaque ont par exemple une faible tolérance à l’effort. «On suggère de les faire maigrir, mais est-ce que c’est la bonne stratégie?» s’est interrogée la Dre Räkel, qui note que le patient peut aussi perdre de la masse musculaire, ce qui entraîne d’autres complications.

Modifier ses habitudes de vie n’est pas toujours une voie facile. «On aurait besoin de plus de nutritionnistes et de kinésiologues pour accompagner les patients parce que les changements de comportement, c’est très difficile», a-t-elle affirmé. 

Depuis quelques années, plusieurs médicaments contre le diabète (comme Ozempic) sont autorisés pour la perte de poids. «Mais ils sont rarement remboursés par la Régie de l’assurance maladie du Québec pour cet usage», a dit la Dre Räkel, qui craint que les assureurs privés emboîtent le pas à la Régie. Totalisant de 400 à 700 $ par mois pour toute la vie, ces coûts sont un sérieux frein.  

Dans l’arsenal à la disposition du corps médical , la chirurgie bariatrique est une option, «mais qui arrive souvent en retard», selon la Dre Räkel. Or, «plus on traite les patients tôt, meilleurs sont les résultats», a rappelé le Dr Radu Pescarus dans sa présentation sur le rôle de la chirurgie bariatrique dans un contexte de greffe.

Aborder le poids sans grossophobie

Même si l’obésité est un facteur de risque pour les complications en matière de greffe, la question du poids doit être discutée avec délicatesse dans les bureaux du médecin. En effet, 64 % des patients qui ont un excès de points vivent de la stigmatisation à l’hôpital, a signalé le psychiatre Sylvain Iceta au cours de la table ronde qui a clos la journée. 

«Il m’est arrivé à plusieurs reprises d’avoir des discussions difficiles avec des gens du corps médical, de me faire dire que si j’étais comme ça, c’est parce que je ne faisais pas d’efforts. Mais je vous le dis, j’en faisais des efforts», a confié Johanne Letourneau, patiente partenaire, qui a subi une greffe de rein en raison d’une maladie congénitale.

Pour sa part, la Dre Jeanne Marie-Giard, hépatologue et professeure de clinique, parle de poids seulement si les patients le souhaitent et elle ne les pèse plus systématiquement. «Plutôt que demander à la personne si elle faisait de l’exercice, ça m’arrivait de présumer que non et de lui demander pourquoi elle n’en faisait pas», raconte celle qui dit avoir pris conscience de ses propres biais grâce à un balado sur la culture des régimes.

Informer les patients est finalement capital. «C’est vraiment important de voir le patient pour l’évaluation et de lui expliquer pourquoi la chirurgie est plus complexe et quels sont les risques», estime le Dr Rembeyo. Certaines études montrent par ailleurs que de nombreuses complications postchirurgicales surviennent non pas en raison de l’excès de poids du patient, mais parce que celui-ci, stigmatisé, était mal informé et mal suivi.

Heureusement, les mentalités évoluent. «On observe un changement de paradigme par rapport à l’obésité et au poids dans la communauté médicale. On ne parle plus de responsabilité individuelle; ce n’est pas juste une question d’habitudes de vie», a conclu la Dre Fortin.

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