Ateliers au musée: paroles de participantes et participants
- UdeMNouvelles
Le 11 mars 2025
- Mylène Tremblay
Des étudiants en médecine ont pu enrichir leurs compétences en communication et affiner leur sens de l'observation clinique grâce aux ateliers Arts et humanités.
La première édition des ateliers Arts et humanités, qui se sont déroulés au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) et au Centre d’exposition Raymond-Lasnier, à Trois-Rivières, a permis à quelque 400 étudiantes et étudiants en médecine d’enrichir leurs compétences en communication et d’affiner leur sens de l'observation clinique. Qu’en ont-ils pensé? Et que retiennent les formateurs? Nous leur avons posé la question.
Ce qu’en disent les étudiants
Échanger en dehors du cadre universitaire
«Le Musée est un lieu qui favorise la discussion, l’échange et le partage sur des sujets qu’on n’aborde habituellement pas en classe. Ces ateliers m’ont permis de voir les choses autrement, de mieux comprendre mes pairs et d’avoir une plus grande ouverture aux autres.» — Adèle Magnan, étudiante en médecine au campus de Montréal
Apprendre à naviguer dans les zones grises
«J'étais déjà conquis par le Musée, mais j'ai surtout aimé observer la réaction de mes collègues. Cette expérience reflète la réalité à l’hôpital: dans les deux environnements, les codes ne sont pas connus de tous. Ces ateliers nous sortent de nos cahiers où tout est noir ou blanc pour nous plonger dans un univers de zones grises. Au musée comme à l'hôpital, on navigue dans l'ambiguïté – le visiteur est aussi perdu que le patient devant les règles implicites. J'ai appris à apprécier cette ambivalence, à comprendre que la médecine se construit souvent à travers la discussion jusqu'à ce qu’une vision partagée émerge.» — David Tremblay, étudiant en médecine au campus de Montréal
Accepter de se remettre en question
«Dans la pratique médicale, on a beau avoir toutes les connaissances du monde, si le patient ne comprend pas pourquoi il doit prendre tel ou tel médicament, il risque de ne pas suivre le traitement. On doit l’écouter et être dans le moment présent. Le but de ces ateliers est justement que nous mettions en pratique nos habiletés communicationnelles. Le fait d'observer des œuvres et d'en discuter en groupe nous amène à nous remettre en question. Par exemple, trouver qu’une œuvre dégage de la tristesse nous porte à nous demander “Suis-je triste? Qu'est-ce qui me rend triste?” À travers cet exercice, on apprend sur soi et l'on en ressort grandi.» — Robert Sebastian Tuta, étudiant en médecine au campus de Montréal
Aiguiser l'œil, ouvrir l'esprit
«Je ne connaissais pas la méthode VTS [pour visual thinking strategies, où l’observation d’œuvres d’art et les échanges en petits groupes permettent de développer la pensée critique, les compétences en communication et la collaboration]. Au premier abord, ça peut sembler inusité. On est réunis autour d'une œuvre et on en discute. Ça favorise les relations humaines, ça développe notre capacité à interagir avec discernement et empathie tout en nous ouvrant à l'art. On apprend à remarquer les détails, on aiguise son œil pour décoder le non-dit, ce qui nous servira sans doute dans la pratique. Le partage de perspectives nouvelles provoque des discussions profondes, même avec les personnes discrètes. C'est l'avantage: chacun a sa place et son mot à dire, sans pression. Les trois mots qui résument ces ateliers, selon moi, sont l’incertitude, l’observation clinique et la communication interprofessionnelle.» — Vincent Lagacé, étudiant en médecine au campus de l’UdeM en Mauricie
Ce qu’en disent les formateurs
Construire une vision commune
«Les ateliers plongent les étudiants et étudiantes dans un contexte différent, ce qui les pousse à réfléchir autrement. Les thèmes abordés – «Entrer en relation», «La perspective de l'autre» et «Habitudes de vie» – sont repris dans les cours de communication, ce qui assure une continuité d'apprentissage. On se concentre sur les compétences essentielles: observation, écoute, échange. L'objectif est de les amener à discuter pour construire une vision commune d'une œuvre. Cet exercice leur apprend à confronter leurs idées, à accepter les désaccords et à collaborer – des interactions qui reflètent les dynamiques des équipes de soins. En médecine, on doit constamment composer avec les émotions des patients. Comment les accueillir, les interpréter, y réagir? Ces ateliers offrent un espace unique pour explorer ces questions. Notre rôle est de créer des ponts entre l'expérience artistique et la réalité clinique. Savoir écouter et comprendre, ça s'apprend!» — Dr Jean-Michel Leduc, professeur agrégé de clinique au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie
Voir au-delà de la maladie
«Quand on nous a présenté le nouveau programme de médecine, j’ai tout de suite été intéressée par les ateliers au Musée. Je trouve que c'est une façon intéressante d'enseigner la communication. Comme professeure, je constate parfois chez les étudiantes et les étudiants un manque de délicatesse dans leur approche des patients. Les ateliers leur apprennent à considérer le patient comme un être humain à part entière, à établir une vraie relation avec lui et à comprendre comment son vécu peut influencer sa façon à la fois de vivre la maladie et de recevoir les soins. En oncologie, le diagnostic bouleverse les projets de vie. Comme étudiante, j'aurais aimé participer à ces ateliers! La médecine, ce n'est pas juste apprendre ce qu’est un infarctus du myocarde et comment le traiter. Derrière chaque diagnostic, il y a une personne.» — Dre Kerianne Boulva, professeure adjointe de clinique au Département de chirurgie
Écouter avec les yeux
«Je suis persuadé que l'écoute est ce qui aide vraiment les patients. Pour bien écouter, il faut être à l'aise avec ses propres émotions. Depuis que j'ai changé mon non-verbal, les patients me disent: “Je vous fais confiance, docteur.” Ce ne sont pas les mots qui rassurent, mais l'attitude. En médecine comme devant une œuvre d'art, tout dépend de notre perspective. Le véritable motif de consultation se cache souvent derrière les mots. Pour trouver les maux derrière les mots, il faut écouter avec les yeux: lever la tête, capter les silences, aller au-delà du discours. Ces compétences essentielles ne s'apprennent pas dans les livres. Les artistes expriment les non-dits; nous enseignons aux étudiants et étudiantes à percevoir ce qui se cache dans une œuvre, à aller au-delà de l'analyse rationnelle pour explorer la nuance de l’interprétation qui, elle, dépend de nos propres filtres. Plus on se connaît, plus on devient un bon médecin.» — Dr Jean-Baptiste Paolini, chargé d’enseignement de clinique au Département d'anesthésiologie et de médecine de la douleur
Cultiver l’humanisme médical
«C'est un privilège de donner le cours Arts et humanités en collaboration avec le Centre d'exposition Raymond-Lasnier et mes collègues montréalais. Cette expérience transforme ma vision de la communication tant avec mes patients qu'avec mes étudiants et mes étudiantes. Ce temps passé devant les œuvres leur permet de s'extraire du quotidien exigeant des études médicales et de réfléchir à leur façon de communiquer, d'écouter et de s'ouvrir aux différentes perspectives. Pour moi, c'est une expérience d'épanouissement professionnel qui m'amène à connaître mes futurs collègues sous un angle plus humain. Les guider nourrit ma conviction que nous formons une génération de médecins plus empathiques et réfléchis.» — Dre Émilie Laurier, chargée d'enseignement clinique au Département de médecine de famille et de médecine d'urgence
Ce qu’en disent les médiateurs muséaux
Créer un climat de confiance
«Ces ateliers sont toute une chorégraphie! Chaque parcours comporte deux œuvres: une figurative, qui raconte une histoire et permet aux étudiantes et étudiants de se projeter, et une abstraite, plus difficile à décortiquer. Notre rôle comme médiateur est de créer une atmosphère intime pour que chaque participant se sente à l’aise de parler. L’idée, c’est d’apprendre à observer, à justifier ses observations, à accepter différentes perspectives et à développer une tolérance à l’inconnu. Une confiance s’installe dans le groupe. Chacun en vient à se dévoiler un peu plus, à exprimer son ressenti. Il y a une vraie complicité qui s’établit.» — Stephen Legari, responsable des programmes éducatifs d'art-thérapie au MBAM
Apprivoiser les silences
«Selon la méthode VTS, on leur pose trois questions: que se passe-t-il dans cette image? Qu’est-ce qui vous fait dire cela? Que pouvez-vous trouver de plus? On anime les échanges et on reformule les réponses. Ensuite, les médecins font une réunion-bilan pour s’assurer que les étudiantes et les étudiants ont bien compris et font des liens avec leurs apprentissages cliniques. Pour eux, ce n’est pas facile de rester 30 minutes devant une œuvre d’art. Mais c’est intéressant de voir comment, après un moment d’inconfort face au silence, des choses émergent et la discussion repart. C’est une leçon précieuse: en médecine aussi il y a des silences sans que le contact soit rompu pour autant. Il faut apprendre à les accepter. Parfois, c’est dans ces moments que surgit l’essentiel.» — Kate Walker, responsable des programmes éducatifs au MBAM
Pour en savoir plus sur le projet des ateliers au musée, c'est par ici.