Avancée majeure dans la mesure de la maturation cérébrale des bébés
- UdeMNouvelles
Le 27 mai 2025
- Martin LaSalle
L’intelligence artificielle permet désormais d’estimer l’âge cérébral des nourrissons, offrant un dépistage précoce et précis des troubles du développement, selon une étude de Sarah Lippé, de l’UdeM.
Grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique, il est désormais possible de déterminer le degré de maturation du cerveau des nouveau-nés avec une précision jusqu’ici inégalée, en leur faisant analyser les signaux électriques du cerveau obtenus par électroencéphalographie.
Cette méthode d’analyse, mise au point par une équipe de recherche sous la direction de la professeure Sarah Lippé, du Département de psychologie de l’Université de Montréal, permet d’évaluer en quelques minutes si le développement cérébral d’un nourrisson est rapide, accuse un retard ou est conforme à son âge chronologique.
Cette avancée pourrait permettre le dépistage précoce et le suivi personnalisé des troubles du développement chez les bébés.
«Les premières années de vie sont cruciales pour le développement du cerveau, indique Sarah Lippé. Pendant cette période, l’évolution à toutes les échelles du cerveau installe l’architecture permettant un traitement de l’information de plus en plus complexe.»
C’est pourquoi il importe de concevoir des outils fiables pour évaluer cette maturation et désigner, tôt dans la vie, les enfants à risque de troubles neurodéveloppementaux, tels que les retards de langage, les troubles de l’attention ou l’autisme. Selon la chercheuse, une intervention précoce et des suivis rapprochés peuvent alors améliorer significativement les résultats à long terme.
Une précision inégalée grâce à l’intelligence artificielle
Publiée dans la revue NeuroImage, l’étude qu’elle a dirigée a été réalisée sur 272 nourrissons, dont 53 présentaient une macrocéphalie, c’est-à-dire que la taille de la tête est anormale et souvent associée à des anomalies du développement cérébral.
Sous la supervision de Sarah Lippé, la doctorante Saeideh Davoudi a utilisé deux approches pour analyser les données de l’électroencéphalogramme (EEG), soit l’apprentissage automatique classique et l’apprentissage profond.
Dans la première approche, des caractéristiques spécifiques des signaux électroencéphalographiques, comme la puissance des ondes cérébrales – delta, thêta-alpha – et la complexité des signaux, ont été extraites pour entraîner des modèles prédictifs. Dans la seconde approche, des réseaux neuronaux ont analysé directement les données brutes de l’EEG, apprenant automatiquement des motifs complexes.
Les résultats ont montré que les modèles d’apprentissage profond étaient les plus performants.
«Après seulement quelques minutes de signaux électroencéphalographiques, nous sommes parvenus à estimer l’âge du bébé avec une erreur moyenne de moins de 30 jours, souligne Sarah Lippé. C’est une méthode puissante pour discerner une décélération ou une accélération de la maturation cérébrale.»
L’étude a mis en lumière le rôle crucial des impulsions électriques du cerveau dans l’estimation de l’âge cérébral. Les ondes alpha (6-9 hertz), rattachées à l’attention et à la relaxation, deviennent plus prononcées avec l’âge, reflétant une meilleure intégration des fonctions cognitives. Les ondes delta (0,5-2,5 hertz), dominantes chez les nourrissons, diminuent progressivement, ce qui est un signe de maturation.
Des conséquences cliniques et scientifiques
En plus de pouvoir estimer l’âge cérébral des bébés, cet outil non invasif permet de détecter une modification du rythme du neurodéveloppement, qui est associée à la formation des capacités adaptatives des enfants. Chez les nourrissons atteints de macrocéphalie, l’âge cérébral évalué a révélé des retards de maturation par rapport aux enfants sans particularité.
De plus, l’âge cérébral estimé était corrélé avec des mesures comportementales et cognitives comme les scores d’adaptation comportementale et de vitesse de traitement de l’information.
Selon Sarah Lippé, ces découvertes ouvrent la voie à de nouvelles applications cliniques. «L’âge cérébral estimé pourrait être utilisé pour repérer les enfants à risque de troubles du développement avant que des symptômes comportementaux soient apparents, conclut-elle. Il pourrait également servir à suivre l’efficacité des interventions thérapeutiques en fournissant un indicateur objectif de la progression du développement cérébral.»
À propos de cette étude
L’article «Electroencephalography estimates brain age in infants with high precision: Leveraging advanced machine learning in healthcare», par Saeideh Davoudi, Sarah Lippé et leurs collègues, a été publié dans la revue NeuroImage.