À peu près à la même époque, le physiothérapeute Pierre-Luc Lévesque, alors à l’Hôpital Notre-Dame, observe lui aussi des cas déroutants de patients paralysés sans lésion ou de convulsions sans activité épileptique. «On pensait que c’était de la simulation ou une quête d’attention. Mais c’était faux. Ces gens souffraient réellement», reconnaît-il aujourd’hui.
En creusant le sujet, et au fil de ses échanges avec la neuropsychiatre Laury Chamelian, il découvre un consensus d'experts publié en 2013 au Royaume-Uni, qui recommande la physiothérapie pour traiter le TNF. À son arrivée au CHUM en 2017, il met sur pied un comité avec les Dres Bérubé et Chamelian. Six mois plus tard, la Clinique des troubles neurologiques fonctionnels du CHUM, première du genre au Québec, accueille ses premiers patients. L’équipe interdisciplinaire (neurologie, psychiatrie, physiothérapie, ergothérapie, neuropsychologie) vise dès lors à rétablir les fonctions atteintes, non à faire disparaître les symptômes.
En 2021, la Clinique adopte officiellement le modèle du cerveau prédictif. Exit, donc, les théories de conversion! Le virage porte ses fruits. «Depuis, les patients comprennent mieux leur trouble, acceptent plus facilement le diagnostic et retrouvent leurs capacités dans 70 % des cas. Parfois, le simple fait de comprendre les mécanismes du trouble suffit à enclencher une amélioration», observe la Dre Bérubé.
Pour Pierre-Luc Lévesque, la réadaptation vise à redonner au cerveau le bon mode d’emploi du corps. «Je nous vois comme des accompagnateurs», dit-il. Ses interventions reposent sur la redirection de l’attention, la reprogrammation des automatismes et la démonstration des capacités réelles: marcher à reculons, jouer au ballon, utiliser un métronome… Quand l’attention se détourne du symptôme, le corps retrouve sa liberté. «On montre aux patients à contrôler leurs symptômes. Chaque réussite leur donne confiance. Le patient devient alors l’acteur de sa propre réadaptation – ce qu’on appelle le concept d'agentivité», explique-t-il.