LSPM J0207+3331 a été découverte en 2019 par une scientifique participante du projet de science citoyenne Backyard Worlds: Planet 9. Les astronomes ont rapidement noté qu’elle était très froide pour une étoile naine blanche, preuve de son âge avancé, car ces étoiles refroidissent progressivement avec le temps.
L'équipe de John Debes, coauteur de l’étude et chercheur au Space Telescope Science Institute à Baltimore, a également détecté un excès infrarouge autour de l’étoile, indicateur de la présence probable d’un disque de débris. Or, la présence d’un tel disque est souvent associée à une atmosphère «polluée», contenant des traces de matière planétaire tombée sur l’étoile. L’équipe de l’Université de Montréal a donc analysé les observations spectroscopiques de LSPM J0207+3331 à la recherche de ces signatures.
Une planète rocheuse?
«Les naines blanches nous offrent l'une des seules manières de mesurer directement la composition des exoplanètes, souligne Patrick Dufour, coauteur de l’étude et professeur titulaire à l’Université de Montréal. Quand des débris planétaires s’approchent trop près, ils sont déchirés par la gravité de l’étoile et finissent par y rester, polluant son atmosphère et y laissant une empreinte chimique détaillée de leur composition.»
Dans le cas de LSPM J0207+3331, les observations se sont avérées encore plus spectaculaires que prévu.
«Il est très difficile de déceler des restes planétaires dans l'atmosphère de naines blanches froides et riches en hydrogène comme celle-ci, mentionne Érika Le Bourdais. Leur atmosphère est plus opaque et les éléments lourds s'enfoncent rapidement vers le centre de l’étoile. Nous nous attendions à ne voir que quelques éléments chimiques, mais nous en avons trouvé plusieurs!»
Les analyses ont en effet révélé la présence de 13 éléments: sodium, magnésium, aluminium, silicium, calcium, titane, chrome, manganèse, fer, cobalt, nickel, cuivre et strontium.
«Découvrir une telle diversité d’éléments est exceptionnel, poursuit la chercheuse. Et la quantité de matière rocheuse présente est inhabituellement élevée pour une naine blanche aussi âgée.»
L’analyse chimique permet de brosser le tableau du corps désintégré: un objet assez gros pour avoir des couches distinctes, par exemple un noyau métallique et un manteau rocheux, un peu comme la Terre ou comme l’astéroïde Vesta dans le système solaire. Le rapport des éléments indique aussi qu'il s’agissait donc d’un monde rocheux avec peu de glace, plus proche d'un astéroïde que d'une comète.
Patrick Dufour ajoute: «Les naines blanches riches en hydrogène représentent la grande majorité des naines blanches et les systèmes les plus froids parmi elles comptent parmi les étoiles les plus anciennes de notre galaxie. Nous n'avions pas l'habitude de les observer pour détecter des signes d'accrétion. Ce cas unique nous motive à étendre nos recherches à un plus grand nombre de ces étoiles.»
Une perturbation mystère
Si le portrait chimique du corps désintégré est désormais moins mystérieux, l'histoire de sa chute vers l'étoile naine blanche reste difficile à expliquer. Comment un objet a-t-il été dévié pour être englouti par l'étoile si tard dans l'histoire du système?
Une des hypothèses de l'équipe de scientifiques serait que des planètes géantes plus éloignées, interagissant gravitationnellement sur des milliards d’années, auraient peu à peu déstabilisé le système et envoyé cet objet sur son orbite fatale. Ces planètes, elles aussi très anciennes et donc peu lumineuses, demeurent toutefois difficiles à repérer avec les instruments actuels. L’équipe évoque aussi le passage rapproché d’une autre étoile dont la gravité aurait perturbé les trajectoires des débris en orbite autour de la naine blanche.
«De futures observations avec le télescope spatial James-Webb ou des données d'archives du télescope spatial Gaia, de l'Agence spatiale européenne, pourraient permettre de distinguer entre une réorganisation planétaire ou l’effet gravitationnel d’une rencontre rapprochée avec une autre étoile», propose John Debes.
Ces scénarios illustrent la complexité et la longévité des systèmes planétaires, des milliards d'années après la mort de leur étoile, et ouvrent de nouvelles perspectives pour la recherche sur l’évolution planétaire.