Éric Morissette veut révolutionner la manière d'améliorer le climat dans les écoles

En 5 secondes Depuis neuf ans, Éric Morissette travaille à transformer le climat scolaire québécois en s'attaquant aux écarts de langage. Une révolution silencieuse qui a déjà permis de former 15 000 personnes!

Depuis neuf ans, Éric Morissette parcourt les écoles du Québec avec la mission d’améliorer le climat scolaire. Son approche directe et concrète a été adoptée par plus de 15 000 personnes – des communautés enseignante et non enseignante – dans les écoles primaires et secondaires de la province.

Son mandat consiste à nouer des partenariats pour accompagner les directions d'école et leur personnel dans l'amélioration du climat dans les établissements scolaires. Seulement en septembre, il a donné des conférences auxquelles ont participé environ 2000 enseignants et enseignantes.

«Mon intervention donne de meilleurs résultats sur le plan de la diffusion que si j'avais écrit un livre sur le sujet», affirme le professeur de formation pratique à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal.

Son approche privilégie le contact direct plutôt que la théorie abstraite. Depuis 2016, tout au long de l’année scolaire, il prononce une vingtaine de conférences d'une durée de deux à trois heures afin de créer un pont entre la recherche universitaire et la pratique quotidienne en milieu scolaire. Cette méthode permet à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM de répondre aux besoins des équipes éducatives.

Les écoles qui bénéficient de ses services ne sont pas sélectionnées au hasard: ce sont les directions elles-mêmes qui font appel à Éric Morissette, ce qui témoigne d'une demande réelle sur le terrain. Par la suite, il travaille en accompagnement des comités éducatifs de ces écoles afin d’élaborer un plan d'action et, surtout, de le mettre en œuvre de manière concrète et mesurable.

Au-delà de l'intimidation: s'attaquer aux écarts de langage

L'approche d'Éric Morissette a ceci de particulier qu’elle lui permet de cerner les véritables enjeux du climat scolaire. Avec son collègue François Bowen, professeur au Département de psychopédagogie et d’andragogie de l’UdeM, il s'est concentré sur les relations interpersonnelles entre élèves et entre élèves et membres du personnel et il a conçu des questionnaires grâce auxquels les écoles peuvent évaluer leur climat de manière objective.

«Oui il y a de l'intimidation et de la violence dans les écoles, mais ce qui préoccupe encore plus le personnel scolaire, c'est la violence verbale», déclare-t-il. Cependant, sa recherche a mis en lumière une nuance importante: tout ne relève pas de la violence verbale. Il a donc entrepris de discriminer les écarts de langage des paroles impolies et de celles à caractère violent pour établir de quelle manière agir sur chacun de ces éléments de manière spécifique.

«Cette distinction révèle un paradoxe dans les écoles, souligne le professeur Morissette. Après trois interventions auprès de jeunes qui ont des écarts de langage, les éducateurs et enseignants voient leurs propos être fréquemment invalidés par les jeunes qui prétendent que ce sont des blagues qu'ils se font entre amis et que ce n'est pas grave. Pourtant, lorsque ces mêmes élèves répondent à un questionnaire sur le climat et le langage, ils avouent que ces comportements les dérangent.»

Les données recueillies à la faveur d'un sondage mené auprès d’environ 60 000 élèves sont révélatrices: 73 % des élèves du primaire de la 4e à la 6e année ainsi que du secondaire ont répondu qu'ils sont témoins souvent et très souvent d'écarts de langage, d'insultes et d'impolitesses. Chez les professionnels de l’éducation, le score atteint 77 % «et la lecture de la situation par les élèves et les adultes se compare étonnamment», estime le professeur. Ces écarts de langage, impolitesses et insultes surviennent donc plus fréquemment que l'intimidation et la violence que ciblent traditionnellement les interventions prescrites par les plans de lutte des écoles.

Une approche préventive axée sur l’enseignement du langage adéquat

Devant ce constat, Éric Morissette a élaboré une stratégie d'intervention en amont, privilégiant l'enseignement du langage adéquat plutôt que la répression des comportements inappropriés. «Ce qu'il faut faire, c'est intervenir en amont en proposant plutôt un langage adéquat à utiliser et renforcer positivement son utilisation afin de contribuer à la diminution de l'impolitesse et des écarts de langage», explique-t-il.

Cette approche s'appuie sur le Programme de l'école québécoise et du programme de français, qui aborde l'enseignement de l’oral pragmatique comme un objectif d’apprentissage parmi le personnel enseignant. «J'enseigne la façon de communiquer avec le langage adéquat selon le Programme», précise-t-il.

L'exemple qu'il donne est parlant: si un élève demande «J'peux-tu aller pisser?», l'enseignant l’invitera à reprendre sa phrase et à demander simplement s'il peut aller aux toilettes, sans préciser ce qu'il y fera et en ajoutant un «s’il vous plaît».

Cette approche a été accueillie positivement à l'école Louis-Jacques-Casault, une école secondaire de Montmagny. L'établissement a adopté une charte de la communication positive et organisé une conférence de presse pour publiciser le travail réalisé. Les résultats ont dépassé les attentes: les parents ont non seulement adhéré au projet, mais ils souhaitent même adopter la charte à la maison et au travail.

«Au lieu d'espérer que les jeunes s'améliorent en leur disant ce qu'ils ne doivent pas faire, on peut utiliser cette approche, qui renforce les bons comportements et le langage adéquat, soutient Éric Morissette. Elle crée un lien éducatif d'harmonie qui associe également les parents, car l'amélioration du climat scolaire nécessite un effort collectif.»

Des résultats concrets et mesurables

L'efficacité de cette approche se mesure à la fois par l'ampleur de sa diffusion et par les transformations qu’elle engendre sur le terrain. Aux centres de services scolaires des Patriotes, des Hautes-Rivières, des Navigateurs, de la Vallée-des-Tisserands et des Trois-Lacs, une cinquantaine d’écoles participent au projet, les conseillers pédagogiques, les directions, les éducateurs spécialisés, les professionnels et les enseignants discutent entre eux de leurs problématiques et stratégies, créant des communautés de pratique dynamiques.

Dans chacune de ces écoles, de cinq à six représentants ont pour mandat de cibler les zones de vulnérabilité en matière de socialisation et de climat scolaire. Cette approche collaborative a permis d'observer une amélioration du climat due à la prise en charge de celui-ci par le personnel enseignant et la direction des écoles. «Chaque plan mise sur l'autonomisation des équipes enseignantes pour mettre en œuvre des interventions éducatives qui vont donner des résultats. Il revient au personnel scolaire de s’occuper de cet aspect de l’école si préoccupant et de réussir à en prendre le contrôle», indique Éric Morissette.

Selon lui, un bon plan de gestion des comportements doit contenir plusieurs éléments essentiels: un diagnostic étayé par des données, des hypothèses susceptibles d'expliquer la situation, des recommandations issues de la recherche, la participation des parents tenus informés de l'évolution de la situation, ainsi que de la cohérence, de la rigueur et de la constance dans les interventions de l’école.

«Quand on travaille en collaboration, on observe une amélioration des relations entre les personnes dans l'école, mentionne le professeur. Les équipes ne sont pas réfractaires à ces changements, bien au contraire: ce modèle leur offre un levier concret pour agir efficacement sur ce qu'elles vivent tous les jours tant en gestion de classe qu'en gestion des comportements.»

Vers une transformation durable du système éducatif

L'influence du travail d'Éric Morissette dépasse le cadre des conférences ponctuelles. Son approche d'accompagnement vise une transformation à long terme des pratiques éducatives. «Dans les deux prochaines années, nous aurons des données sur la façon dont le climat a évolué dans les écoles participantes du projet de recherche», annonce-t-il.

La validation scientifique du modèle conçu par l’équipe Mobilisation pour la socialisation est en cours de réalisation «avec des résultats préliminaires très intéressants se rapportant à l’amélioration du climat scolaire», conclut-il.

Cette démarche s'étend maintenant à plusieurs centres de services scolaires et à des écoles privées, créant un véritable mouvement de transformation du climat scolaire au Québec. Les résultats seront bientôt publiés dans une revue scientifique afin de consolider la base théorique de cette approche pragmatique.

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