Un programme éducatif féministe pour prévenir les agressions sexuelles sur les campus

  • Forum
  • Le 5 août 2019

  • Martin LaSalle
Éprouvé scientifiquement, le programme de prévention BÉRA permet de réduire les agressions sexuelles de 46 % et les tentatives d’agression sexuelle de 63 % chez les femmes ayant participé au programme, comparativement à celles qui n’y ont pas pris part.

Éprouvé scientifiquement, le programme de prévention BÉRA permet de réduire les agressions sexuelles de 46 % et les tentatives d’agression sexuelle de 63 % chez les femmes ayant participé au programme, comparativement à celles qui n’y ont pas pris part.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Un projet de recherche mené par Isabelle Daigneault, du Département de psychologie de l’UdeM, vise l’implantation d’un programme de prévention des agressions sexuelles sur les campus.

Une équipe dirigée par la professeure Isabelle Daigneault, du Département de psychologie de l’Université de Montréal, mène un projet de recherche visant l’implantation d’un programme de prévention des agressions sexuelles destiné aux étudiantes des campus d'université.

Financé par les Instituts de recherche en santé du Canada, le projet – nommé BÉRA – est une version bonifiée en français du programme Évaluer, reconnaître, agir.

BÉRA est un programme éducatif féministe basé sur les données probantes, incluant la sexualité émancipatrice et l’autodéfense wendo, qui a été mis au point par une équipe de chercheurs canadiens afin de diminuer le risque de subir une agression sexuelle chez les étudiantes des universités.

Un programme éprouvé scientifiquement

Isabelle Daigneault

Crédit : Amélie Philibert

Les statistiques relatives aux agressions sexuelles sur les campus d'universités canadiennes sont peu reluisantes. Des études effectuées au pays indiquent qu’une femme sur quatre a été victime d'une agression ou d'une tentative d’agression sexuelle durant ses études.

Si différentes mesures ont été mises en place par les universités pour contrer ce crime, BÉRA est le seul programme collégial et universitaire qui a fait ses preuves pour réduire le taux d’agressions sexuelles subies par les étudiantes, selon Mme Daigneaut.

«BÉRA a démontré son efficacité: il permet de réduire les agressions sexuelles de 46 % et les tentatives d’agression sexuelle de 63 % chez les femmes ayant participé au programme, comparativement à celles qui n’y ont pas pris part», précise-t-elle.

De fait, les études réalisées sur les retombées de l’implantation de ce programme auprès des étudiantes de 17 à 24 ans, dans différentes universités au pays, montrent que:

  • pour chaque tranche de 13 femmes ayant pris part à BÉRA, on prévient une tentative d’agression sexuelle au cours de l’année suivante;
  • chaque fois que 20 femmes participent à BÉRA, on prévient une agression sexuelle au cours de l’année suivante.

«Ces résultats ont été obtenus en parvenant également à diminuer l’adhésion des femmes à ce qu’on appelle les mythes sur les agressions sexuelles, qui tendent à justifier ou à excuser les comportements de violence sexuelle des hommes ou à imputer aux femmes la responsabilité des violences subies en raison, par exemple, de leur tenue vestimentaire», poursuit Isabelle Daigneault.

Selon elle, la force de BÉRA tient justement dans sa capacité à transmettre aux femmes deux messages aux apparences contradictoires: «Vous n’êtes pas responsables des comportements de violence à votre endroit et vous pouvez y résister!»

Plusieurs universités intéressées

De gauche à droite: Maïna Leroux, Magalie Benoit, Ihssane Fethi, Élisabeth Fortin-Langelier et Isabelle Daigneault.

Crédit : Amélie Philibert

Le projet de recherche dirigé par Isabelle Daigneault est mené dans le contexte où, à compter du 1er septembre prochain, les cégeps et les universités du Québec devront mettre en œuvre la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur.

Pour l’instant, le projet vise à désigner les milieux universitaires où le programme BÉRA peut être implanté. Ensuite, on en mesurera l’efficacité.

Outre ceux de l’UdeM et de HEC Montréal, plusieurs campus ont déjà manifesté leur intérêt pour BÉRA, dont ceux de l’Université du Québec à Montréal, l’Université du Québec à Chicoutimi, l’Université du Québec en Outaouais, l’Université de Sherbrooke, l’Université Laval et l’Université de Moncton.

«Les établissements d’enseignement qui adopteront le programme doivent pouvoir en mesurer les effets sur leur campus auprès de toutes les étudiantes, dont celles qui sont le plus à risque de subir de la violence sexuelle, comme les étudiantes étrangères, celles présentant un handicap ou celles de la diversité sexuelle et de genre», précise la professeure.

En plus de contribuer à réduire les agressions sexuelles subies par les étudiantes sur les campus, l’équipe d’Isabelle Daigneault souhaite former une cohorte québécoise de formatrices BÉRA qui pourront continuer d’offrir le programme sur leur campus après leurs études, en plus de créer un guide d’implantation BÉRA pour les autres établissements postsecondaires qui souhaiteraient le mettre en place.

«Pour les étudiantes, le programme BÉRA permet de reconnaître le risque plus rapidement, d’avoir un plus grand sentiment d’efficacité d’autodéfense ainsi qu’une meilleure connaissance de stratégies de résistance efficaces, conclut la professeure de l’UdeM. Et pour les établissements d’enseignement, il constitue l’un des éléments essentiels d’une solution globale au problème de la violence sexuelle.»

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