Harcèlement et agressions à caractère sexuel au travail: des recommandations pour endiguer le fléau

Le comité recommande une réforme législative dont la pièce centrale serait la création d’une division spécialisée en matière de violence à caractère sexuel au sein du Tribunal administratif du travail, à l’instar du Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale.

Le comité recommande une réforme législative dont la pièce centrale serait la création d’une division spécialisée en matière de violence à caractère sexuel au sein du Tribunal administratif du travail, à l’instar du Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Un comité d’expertes dont fait partie la professeure Dalia Gesualdi-Fecteau propose 82 recommandations pour endiguer le harcèlement sexuel et les agressions à caractère sexuel au travail.

Au Québec, le harcèlement sexuel et les agressions à caractère sexuel demeurent monnaie courante dans les milieux de travail et ce sont plus particulièrement les jeunes femmes, les femmes ayant une incapacité et les personnes de la communauté LGBTQ2+ qui en sont victimes.

Or, ces victimes sont confrontées à un cadre juridique complexe et fragmenté lorsqu’elles intentent des recours pour obtenir une réparation des torts subis.

Afin d’atténuer les effets préjudiciables de cette complexité, un comité de trois expertes propose – dans un rapport rendu public aujourd’hui par le ministère du Travail et le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale – 82 recommandations visant des mesures législatives et administratives qui pourraient être rapidement mises en œuvre.

Ce comité est présidé par Rachel Cox, de l’Université du Québec à Montréal, et composé d’Anne-Marie Laflamme, de l’Université Laval, et de Dalia Gesualdi-Fecteau, professeure de droit du travail à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal depuis novembre.

Des recommandations pour agir et pour prévenir

Dalia Gesualdi-Fecteau

Dalia Gesualdi-Fecteau, professeure de droit du travail à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal

Crédit : Photo de courtoisie

Le mandat du comité consistait à étudier les protections et les recours à la disposition des victimes de harcèlement sexuel ou d’agression à caractère sexuel en milieu de travail.

Au cours de l’année 2022, les trois expertes ont ainsi recueilli une multitude de données provenant, entre autres, de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et du Tribunal administratif du travail (TAT), incluant 477 dossiers de personnes ayant déposé une réclamation de lésion professionnelle.

Leur rapport de plus de 300 pages mène à 82 recommandations tant pour prévenir le risque que pour agir afin de réduire les obstacles de nature procédurale.

Pour une réforme législative plutôt qu’une nouvelle loi

Les trois expertes devaient notamment se prononcer sur la pertinence d’adopter une loi spécifique pour contrer le harcèlement sexuel et les agressions à caractère sexuel au travail, mais elles concluent que là ne réside pas la voie à suivre.

«La création d’un régime distinct des autres institutions et instances du droit du travail pour les victimes ne ferait qu’ajouter une couche de complexité à un cadre juridique déjà compliqué et un autre type de recours à la panoplie des recours existants», indique Dalia Gesualdi-Fecteau.

Le comité recommande plutôt une réforme législative «pour adapter les institutions et les instances du droit du travail aux particularités» du harcèlement et des agressions sexuelles ainsi qu’aux besoins des personnes qui en sont victimes.

Aussi, la pièce centrale d’une telle réforme serait la création d’une «division spécialisée en matière de violence à caractère sexuel au sein du Tribunal administratif du travail, à l’instar du Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, mis sur pied en droit criminel», mentionnent les auteures du rapport.

Cette division du TAT serait chargée d’entendre les cas d’agression ou de lésions professionnelles attribuables aux violences à caractère sexuel ainsi que les cas de congédiement découlant de ces violences.

Pour un «régime de prévention»…

Selon le comité d’expertes, il faut instaurer un régime de prévention qui responsabilise l’ensemble des acteurs du milieu du travail face au harcèlement sexuel plutôt que de maintenir des approches qui transfèrent la responsabilité aux victimes.

«Le comité a constaté que les interventions préventives actuelles de la CNESST en cette matière se limitent à la vérification de l’existence d’une politique de traitement des plaintes pour harcèlement psychologique, n’exigeant qu’un effort minime de la part de l’employeur, explique Dalia Gesualdi-Fecteau. Si l’on veut mettre fin au harcèlement sexuel au travail, les interventions en amont doivent être repensées, notamment en adoptant un règlement sur la prévention qui fixera les mesures de prévention à être implantées en milieu de travail.»

… et pour une action concertée

D’après le comité d’expertes, la question du harcèlement sexuel au travail est un «enjeu qui appelle à une action concertée».

Les auteures recommandent que les différentes vice-présidences de la CNESST «cessent de travailler en vase clos» et que cette commission «mette sur pied une ligne d’information sur les droits et recours en matière de harcèlement sexuel et d’agression à caractère sexuel dans le cadre du travail».


Pour consulter le rapport.

Sur le même sujet

harcèlement travail sexualité