Un lien entre le statut socioéconomique des immigrés et un risque accru de maladies chroniques

  • Forum
  • Le 23 octobre 2019

  • Martin LaSalle
Les inégalités en matière de santé peuvent trouver leur source dans les inégalités sociales chez les personnes immigrées ‒ et plus spécifiquement chez les immigrées sans emploi.

Les inégalités en matière de santé peuvent trouver leur source dans les inégalités sociales chez les personnes immigrées ‒ et plus spécifiquement chez les immigrées sans emploi.

Crédit : Getty

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Des biomarqueurs sanguins lient le statut socioéconomique des personnes immigrées au Canada à un risque accru de maladies chroniques, selon une étude menée à l’Université de Montréal.

Les personnes ayant immigré au Canada et qui sont sans emploi sont plus à risque d’être atteintes de maladies chroniques que les personnes nées au pays. Et ce risque touche encore plus les immigrées qui n’ont pas de travail.

C’est ce qu’indiquent les résultats de l’analyse de biomarqueurs de maladies chroniques effectuée à partir d’échantillons sanguins de près de 2500 Canadiens ‒ dont le quart étaient immigrés.

«Des études ont déjà montré que la santé des personnes qui immigrent en Amérique du Nord décline au fil des ans et finit par se comparer à celle des personnes qui y sont nées, commente le professeur Malek Batal, de l’Université de Montréal, qui a contribué à l’étude. On ne sait pas encore tout à fait pourquoi, outre les changements alimentaires et d’habitudes de vie qui sont scientifiquement documentés.»

Or, le projet de recherche qu’a mené Drissa Sia au cours de son doctorat à l’École de santé publique de l’UdeM (ESPUM) permet de dégager une explication plus large que celle de l’acculturation alimentaire des immigrés menant à l’embonpoint ou à l’obésité.

L’étude montre que les maladies chroniques dont ils sont plus à risque de souffrir sont notamment les troubles cardiovasculaires, le diabète, l’anémie et les troubles de santé mentale.

Les traces d’inégalités sociales dans le sang

Les échantillons sanguins analysés ont été prélevés de 2007 à 2009 auprès de 2492 personnes âgées de 18 à 65 ans, au cours de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé. Les participants, dont 25 % étaient immigrés, ont aussi rencontré un intervieweur et répondu à plusieurs questions relativement à leur état de santé et à leur mode de vie.

Sous la direction de la professeure Maria Victoria Zunzunegui, de l’ESPUM, Drissa Sia et les professeurs Malgorzata Miszurka, Hélène Delisle et Malek Batal ont ensuite concentré leur recherche sur trois groupes de biomarqueurs, soit:

  • la protéine C réactive à haute sensibilité et le fibrinogène, qui permettent de mesurer l’inflammation et le stress chronique;
  • l’hémoglobine glycolysée, qui reflète le niveau moyen de la glycémie (taux de sucre dans le sang) au cours des deux derniers mois et la glycémie en général;
  • les lipoprotéines de haute densité, responsables du transport du cholestérol vers le foie ainsi que du cholestérol total.

L'effet du chômage sur la santé

Globalement, 24 % des sujets issus de l’immigration étaient sans emploi; ce taux était de 27 % chez les personnes âgées de plus de 55 ans. Mais chez les femmes, le chômage s’élevait à 30 % chez les immigrées, comparativement à 20 % chez les femmes nées au Canada.

Les chercheurs ont couplé les données relatives aux biomarqueurs aux taux de chômage des sous-groupes représentés parmi l’ensemble des participants, et les principaux résultats révèlent que:

  • parmi les sujets sans emploi, les immigrées et les hommes nés au Canada affichaient les plus hauts taux d’inflammation chronique, associée au stress. Chez ces femmes, le taux était suffisamment élevé pour prédire une diminution des capacités physiques à un âge plus avancé;
  • être à la fois issu de l’immigration et au chômage était associé à une plus forte concentration sanguine de glucose et d’hémoglobine glycolysée, ce qui conduit à un risque accru de devenir diabétique et d’être atteint d’une maladie cardiovasculaire;
  • être immigré et au chômage était aussi associé à un taux plus bas d’hémoglobine, ce qui expose à un risque plus élevé d’anémie et à de faibles taux d’albumine. Cette dernière donnée semble découler d’une alimentation déficiente liée à la pauvreté, selon les chercheurs.

«L’analyse des biomarqueurs nous permet de mieux comprendre comment les inégalités en matière de santé peuvent trouver leur source dans les inégalités sociales ‒ notamment chez les personnes immigrées ‒ et plus spécifiquement l’inégalité liée à l’emploi», précise Malek Batal, du Département de nutrition de l’UdeM.

Selon lui, les biomarqueurs liés au risque de diabète et d’anémie sont préoccupants, mais ceux associés au stress chronique le sont autant.

«L’étude de Drissa Sia, qui enseigne maintenant à l’Université du Québec en Outaouais, contribue à la réflexion quant aux causes de maladies chroniques chez les immigrés: en plus d’être d’origine alimentaire, ces causes auraient une origine psychologique, la santé mentale semblant aussi jouer un rôle important», conclut Malek Batal.

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