La cyberjustice en temps de pandémie

Audiences en ligne, médiations à distance, tribunaux virtuels: les innovations du Laboratoire de cyberjustice de l’UdeM trouvent leur application en cette période de crise sanitaire.

Audiences en ligne, médiations à distance, tribunaux virtuels: les innovations du Laboratoire de cyberjustice de l’UdeM trouvent leur application en cette période de crise sanitaire.

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Alors que l’appareil judiciaire marche au ralenti, le Laboratoire de cyberjustice de la Faculté de droit de l’UdeM apporte des innovations qui accélèrent les processus au Canada et en France.

Karim Benyekhlef

Crédit : Christian Fleury

Audiences en ligne, médiations à distance, tribunaux virtuels: les innovations du Laboratoire de cyberjustice de l’Université de Montréal trouvent leur application en cette période de crise sanitaire et de confinement où l’appareil judiciaire se voit contraint de fonctionner au ralenti.

Dirigé par le professeur de droit Karim Benyekhlef, le Laboratoire, unité de recherche du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, développe des plateformes Web qui permettent une «dématérialisation» des processus judiciaires et une simplification des interactions entre les acteurs concernés.

Concrètement, ces plateformes rendent possible, au Canada et en France, l'administration de la justice entièrement à distance grâce aux audiences en ligne ainsi qu’à la négociation et à la médiation à distance des conflits. 

«Les efforts déployés dans les dernières années pour libérer le potentiel des outils numériques et revoir l’offre de justice dans nos sociétés prennent, en ces heures d’isolement social, une tout autre dimension», souligne le professeur Benyekhlef.

«Si, en temps normal, précise-t-il, la cyberjustice contribue à rendre la justice plus accessible et concrète pour l’ensemble de nos concitoyens, elle devient, en cette période d’exception, la condition première de la résilience de la justice et, par conséquent, l’unique garantie de la protection sociale et économique des individus par les tribunaux. C’est une protection qui paraît essentielle pour envisager et mettre en place une sortie de crise.» 

Voici certaines des solutions apportées par le Laboratoire de cyberjustice de l’UdeM.

PARLe (Plateforme d’aide au règlement des litiges en ligne)

PARLe favorise le règlement de conflits à l’amiable en misant sur la négociation et la médiation en ligne, voire en cas d’échec sur l’intervention à distance d’un juge.

«Plusieurs versions de PARLe ont été implantées avec succès au Québec et en Ontario avant que survienne la pandémie de COVID-19, indique Karim Benyekhlef. Elles permettent aujourd’hui d’assurer la continuité de services en ligne de règlement des conflits dans des domaines où les tribunaux traditionnels ont dû interrompre leurs activités. Grâce à cette plateforme, la justice de la consommation, de la copropriété ou du travail se poursuit dans cette période de confinement.»

La Plateforme comporte plusieurs volets novateurs:

o   PARLe Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail  – Droit du travail

Le Laboratoire de cyberjustice a lancé au mois de mars au Québec une toute nouvelle plateforme de règlement en ligne des conflits avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail pour favoriser la médiation des conflits opposant les employeurs aux travailleurs non syndiqués. La Plateforme a déjà accepté 42 dossiers. «Une telle offre de service en droit du travail constitue une avancée majeure pour les nombreux Québécois confrontés au risque de perdre leur emploi dans les prochaines semaines», soutient le professeur Benyekhlef.

o   PARLe Ontario Condominium Authority Tribunal – Droit de la copropriété

Grâce à PARLe, le Condominium Authority Tribunal (CAT) de l’Ontario est devenu en 2017 le premier tribunal entièrement virtuel, donc sans locaux, au Canada. La plateforme du CAT se distingue sur la scène internationale, car elle favorise un règlement simple et en ligne des nombreux conflits relatifs à la copropriété qui accompagnent le boum de ce type de constructions en Ontario. Ce tribunal, entièrement numérique, continue de rendre ses décisions depuis le début de la crise sanitaire.

o   PARLe Office de la protection du consommateur du Québec – Droit de la consommation

Le projet PARLe de l’Office de la protection du consommateur (OPC) du Québec permet depuis 2016 d’assurer le règlement sans juge de conflits de consommation opposant un consommateur à un marchand basé au Québec. Avec plus de 6000 dossiers traités et un taux de résolution de 70 % des conflits, le projet PARLe OPC a permis d’illustrer, bien avant la pandémie, le potentiel des outils numériques et l’importance d’adapter l’offre de justice aux besoins des justiciables d’aujourd’hui, plus connectés et mobiles.

Plateforme Médicys

Le 1er avril, en France, le Centre de médiation Médicys a lancé avec le Laboratoire de cyberjustice de l’UdeM un service d’urgence de médiation en ligne gratuit pour répondre à la crise de la COVID-19 dans ce pays.

À titre d’exemple, chaque locataire ou emprunteur français pourra désormais négocier en ligne un échelonnement du paiement de ses loyers ou de ses échéances hypothécaires grâce au soutien d'un médiateur agréé. S’il y a accord, le bailleur ou la banque concernée obtiendra, pour sa part, un titre exécutoire, par un huissier de justice, qui lui permettra de garantir sa dette une fois la crise sanitaire passée. «Ce dispositif astucieux constitue une réponse appropriée pour remédier, à court terme, au soudain manque de liquidités que rencontrent de trop nombreuses personnes depuis la mise en place des mesures de confinement», selon le professeur Benyekhlef.

Plateforme Tribunal virtuel

Enfin, l’équipe du Laboratoire de cyberjustice travaille au développement d’un tribunal virtuel pouvant être facilement et rapidement configuré selon les besoins d’un tribunal ou d’une cour pour informatiser toutes les étapes d’un processus judiciaire. Si le Tribunal virtuel avait été adopté par une cour judiciaire ou un tribunal administratif, ces derniers auraient été en mesure de maintenir leurs activités en cette période d’isolement social. 

«Dans ces temps exceptionnels, où les contacts entre les individus doivent être limités au maximum, les solutions proposées par le Laboratoire permettent de pallier les difficultés posées par la distanciation sociale en rendant plus accessible et efficace le système de justice pour tout le monde», conclut le professeur Benyekhlef.

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