Entretien avec Michelle Bachelet

Michelle Bachelet

Michelle Bachelet

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

En 5 secondes

En conférence devant des centaines de personnes au campus MIL, Michelle Bachelet a rappelé l'importance des approches fondées sur les droits de la personne pour résoudre les crises mondiales.

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

À l'occasion du 20e anniversaire du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, des centaines de personnes se sont réunies dans l'atrium du campus MIL de l'UdeM le 15 avril pour entendre les propos de Michelle Bachelet, ancienne haute-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme et première femme de l’histoire du Chili à présider ce pays. Celle qui est pressentie dans la presse chilienne comme une éventuelle candidate au Secrétariat général de l’ONU a rappelé l'importance d'avoir des approches fondées sur les droits de la personne pour résoudre les nombreuses crises qui secouent notre monde.

Voir ou revoir la conférence.

Quel regard portez-vous sur le monde tel qu’il est aujourd’hui?

Nous vivons une époque dangereuse et complexe. Le monde est confronté à de multiples crises qui menacent les droits de la personne. La communauté internationale n’est pas assez engagée pour trouver des solutions. Prenez, par exemple, la guerre dans la bande de Gaza. Je m’attendrais à une réponse plus forte pour protéger les civils. Négocier un cessez-le-feu temporaire n’est pas suffisant. Il faut mettre un terme à cette guerre qui inflige des souffrances insoutenables aux femmes et aux enfants. Il est terrible de constater que la communauté internationale ne réussit pas à arrêter les belligérants. De plus, la montée des tensions entre Israël et l’Iran risque maintenant d’embraser tout le Moyen-Orient. Davantage de pays devraient hausser le ton.

Dans ce contexte, la Déclaration universelle des droits de l’homme est-elle toujours pertinente?

Je considère qu’elle est toujours valable, voire plus importante que jamais. Je vous rappelle que la Déclaration universelle des droits de l’homme a été ratifiée par tous les États membres de l’Organisation des Nations unies [ONU]. En ce moment, l’ONU dispose de suffisamment de règles et de normes. Le problème? Avec l’impunité vient aussi un non-respect des engagements. Nous ne devrions pas imputer la responsabilité des actes de certains États à ce document, qui incarne des valeurs à respecter sur lesquelles nous nous sommes entendus.

Vous avez particulièrement à cœur le respect des droits des femmes. De l’Afghanistan aux États-Unis, ces droits reculent partout dans le monde. Comment pouvons-nous freiner ce déclin?

Nous devons mieux soutenir les organisations communautaires qui travaillent concrètement à améliorer les conditions de vie des femmes et à faire progresser leurs droits. Mais l’argent versé à ces organisations dans le monde équivaut au coût d’un seul avion de combat F-16! Ce n’est pas suffisant. Il faut leur offrir un meilleur soutien financier et politique. D’ailleurs, nous avons besoin de plus de femmes en politique dans des rôles décisionnels qui ont une vraie perspective d’égalité entre les femmes et les hommes, et ce, aux échelons local, national et international. D’ailleurs, saviez-vous qu’il existe ce rêve de voir un jour une femme occuper le siège du Secrétariat général de l’ONU?

Est-ce un rôle qui pourrait vous intéresser?

Je n’y ai pas réfléchi. Mais je crois qu’il faut voir davantage de femmes dans l’espace public. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, fait des efforts colossaux pour améliorer la parité à l’interne. Nous avons aussi besoin de symboles pour que les gens s’habituent à voir des femmes au pouvoir et pour combattre les stéréotypes. La question du recul des droits des femmes me préoccupe beaucoup.

Les changements climatiques et la perte de biodiversité sont les défis du siècle. À la COP 28, les pays s'entendaient pour créer un fonds destiné à réparer les pertes subies par les pays vulnérables. Est-ce suffisant pour garantir la justice climatique?

C’est un premier pas, mais ce n’est pas suffisant pour régler tous les problèmes. Les pays qui contribuent le moins à la crise climatique sont les plus touchés. L’incidence économique sur les nations vulnérables – dont les États insulaires, les pays d’Amérique centrale et ceux d’Afrique – est majeure. Plusieurs pays sont frappés régulièrement par des ouragans et doivent de façon récurrente tout reconstruire. Il y a aussi les pays à revenu intermédiaire qui ne se qualifient pas toujours pour recevoir du financement des pays plus riches. C’est le cas de certains pays des Caraïbes qui dépendent largement du tourisme. Nous devons trouver des mécanismes plus flexibles pour les soutenir. Par ailleurs, ce fonds des pertes et dommages ne répond pas au problème de l’injustice intergénérationnelle vécue par les plus jeunes générations, qui subissent les conséquences des choix des générations précédentes.

Quel est le rôle des universités et de la recherche scientifique dans la lutte pour les droits de la personne?

Votre établissement a le pouvoir de donner naissance à une nouvelle génération déterminée à faire preuve d'équité et de justice. Vos recherches peuvent conduire à des politiques publiques qui favorisent l'égalité et l'intégration. En politique, l'urgence prend souvent le pas sur l'importance des enjeux. À l’université, vous pouvez réfléchir et trouver des solutions aux problèmes les plus pressants: vous avez le luxe du temps et de la liberté de pensée. Ces lieux de savoir permettent de penser et de bâtir nos nations. Vous avez un rôle crucial à jouer.

  • Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal
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