Des aînés photographient leur confinement
- Forum
Le 23 avril 2020
- Virginie Soffer
Des aînés sont invités à prendre des photos de leur confinement et à les partager en ligne pour s’entraider et permettre aux intervenants d’adopter les mesures les plus adéquates.
Comment les aînés vivent-ils le confinement lié à la pandémie de COVID-19? Quelles sont les conséquences de l’isolement sur leur santé mentale? Quelles stratégies ont-ils adoptées pour minimiser les effets du confinement sur leur santé mentale et sur leur bien-être? Pour répondre à ces questions, Olivier Ferlatte, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), a lancé un projet de recherche-action intitulé Confinés, ensemble! les invitant à prendre des photos de leur quotidien en confinement, puis à les partager dans des groupes de discussion.
D’autres professeurs de l’ESPUM prennent part à cette recherche: Réjean Hébert apportera son expertise dans le domaine gériatrique, Grégory Moullec se penchera sur les aînés atteints de maladies chroniques, Katherine Frohlich observera les inégalités sociales en jeu et Geneviève Gariépy étudiera le contexte épidémiologique (social et psychiatrique) relatif aux aînés de Montréal.
Une intervention
Ce projet est en soi une intervention. Dans un premier temps, chaque personne participante sera rencontrée individuellement pour qu’on lui explique le projet. Cela permettra de connaître ses préoccupations. Elle sera invitée à utiliser sa tablette ou son téléphone intelligent pour photographier son quotidien pendant sa quarantaine. Une semaine plus tard, elle sera amenée à partager son expérience avec d’autres aînés dans un groupe virtuel sur Zoom. Les participants seront de nouveau réunis au cours des deux semaines suivantes et pourront échanger trucs et astuces. Ces groupes de discussion permettront aussi d’observer l’évolution de leurs perspectives.
Mieux comprendre les aînés LGBTIAQ+ et celles et ceux atteints d’une maladie chronique
Des groupes particuliers vont participer à ce projet. Olivier Ferlatte va joindre des aînés LGBTIAQ+, qui peuvent se trouver dans une situation d’isolement plus prononcée. Ils peuvent avoir moins de contacts avec leur famille et ont également moins de chances d’avoir des enfants qui pourraient prendre soin d’eux. En même temps, les populations LGBTIAQ+ sont plus à risque de souffrir de maladies cardiovasculaires, d’asthme ou de diabète et de ce fait sont plus susceptibles d’avoir des complications liées à la COVID-19.
Grégory Moullec va travailler avec des aînés atteints de maladies chroniques. N’étant plus suivis aussi régulièrement, ils sont plus touchés par les conséquences de la pandémie actuelle. Pour certains, c’est un véritable enjeu de savoir s’ils doivent consulter leur médecin. Leurs symptômes peuvent s’aggraver notamment sous l’effet du stress, qu’il s’agisse de maladies cardiovasculaires ou de maladies respiratoires chroniques. Ils craignent en outre d’engorger un système de santé déjà très sollicité.
Ce projet va permettre de mieux comprendre les aînés dans ce contexte d’isolement très anxiogène. Ainsi, les équipes soignantes en apprendront davantage sur les meilleures stratégies pour intervenir auprès d’eux dans les semaines et les mois à venir.
Une méthodologie aux multiples avantages
La méthodologie photo-voix permet de partager des expériences sans nécessairement passer par des mots. Une galerie en ligne va être créée et les photos seront très rapidement visibles afin que la perspective des aînés soit partagée. Cette galerie pourra leur procurer un sentiment de fierté d’avoir participé à cette recherche qui tente de proposer des solutions en vue d’atténuer les répercussions du confinement. Cela leur enverra le message qu’ils font partie d’un mouvement de solidarité même s’ils sont isolés en ce moment. Nombre d’entre eux ont perdu leur sentiment d’indépendance. Certains étaient actifs dans la société en faisant par exemple du bénévolat. Ce projet leur permettra d’utiliser leur tablette de façon quelque peu différente de ce qu’ils ont l’habitude de faire et de pouvoir échanger sur des éléments qui les aideront à mieux vivre leur confinement, espèrent les chercheurs.
Insuffler un élan positif
Selon Olivier Ferlatte, nous parlons beaucoup des aînés d’une façon négative en les stigmatisant. «Nous les désignons comme s’ils étaient porteurs de microbes et comme des victimes de cette pandémie. Mais les aînés sont des personnes très résilientes et beaucoup font preuve d’une grande créativité afin de prendre soin d’eux et des personnes qui les entourent durant cette crise», déclare-t-il.
«C’est certain que ce qui arrive aux aînés est dramatique. Mais c’est également important de regarder et de célébrer la façon dont les aînés s’adaptent. Surtout en ce moment, où nous avons besoin de bonnes nouvelles, on doit repenser la manière dont nous parlons de ces personnes», continue-t-il.
Grégory Moullec a récemment fait se rencontrer virtuellement des aînés vivant des deux côtés de l’Atlantique. Ils ont trouvé l’expérience merveilleuse et ce fut l’occasion de réaliser ce que les technologies peuvent nous offrir en termes d’échanges. Une expérience qui pourra être réitérée dans l’avenir, lorsqu’il n’y aura plus de confinement, mais que cette distance perdurera. Tout comme ce nouveau projet de photo-voix.