Introverti ou extraverti? LinkedIn le saura!
- Forum
Le 25 mai 2020
- Mathieu-Robert Sauvé
Au terme de l’analyse du contenu sémantique des profils d’un millier d’utilisateurs du réseau LinkedIn, un étudiant conclut que l’ordinateur peut déceler certains traits de caractère.
Êtes-vous introverti ou extraverti? Grâce à l’intelligence artificielle, la courte présentation de votre parcours professionnel publié sur LinkedIn pourrait permettre aux employeurs de le savoir avant même de vous recevoir en entrevue d’embauche. «L’analyse textuelle révèle des traits de personnalité qu’il peut être utile de connaître en gestion des ressources humaines, particulièrement durant les périodes de recrutement», commente Frédéric Piedbœuf, étudiant de doctorat à l’Université de Montréal.
Au cours de sa maîtrise sous la direction de Philippe Langlais, professeur au Département d’informatique et de recherche opérationnelle de l’UdeM, il a construit une banque de données à partir de 1000 utilisateurs de LinkedIn. À l’aide d’outils informatisés, il a analysé leurs textes biographiques comptant en moyenne 147 mots ainsi que les descriptions et autres informations pour démontrer que des traits de caractère comme l’extraversion et son contraire et d’autres aspects de la personnalité pouvaient être décelés. «Des expériences semblables ont été tentées avec des profils Facebook et ceux d’autres plateformes, mais c’était la première fois qu’on le faisait avec LinkedIn. C’est concluant, en tout cas pour les traits de caractère étudiés, l’extraversion et l’introversion. Cette première pourrait être utile compte tenu des besoins en recrutement.»
C’est à la demande d’une entreprise française de placement qu’il a entrepris ce travail de recherche. Même s’il s’agit d’une recherche universitaire, les résultats peuvent être appliqués dans des cas réels d’embauche.
Comment analyser des caractères?
Mais comment un ordinateur peut-il reconnaître des traits de personnalité? Le chercheur répond à cette question dans un article qu’il a fait paraître dans le numéro courant de la revue des cycles supérieurs de l’UdeM, Dire. Le nombre d’abonnés à un réseau social est une information importante, à laquelle on doit ajouter l’utilisation de certains types de mots, la ponctuation et les images publiées…
«Pour pouvoir détecter automatiquement la personnalité des utilisateurs, une compréhension de celle-ci est d’abord requise. Bien que sa définition ait beaucoup évolué, la communauté scientifique s’entend aujourd’hui largement sur “l’organisation mentale des dimensions d’une personne, où les dimensions sont l’ensemble des attributs stables de l’individu”», explique-t-il, se référant à une étude de 2018 d’une revue spécialisée. «Autrement dit, la personnalité est l’ensemble de caractéristiques qui, au cours de la vie d’un individu, ne devraient varier que très peu.»
M. Piedbœuf est membre du laboratoire RALI (Recherche appliquée en linguistique informatique) de l’Université, qui s’intéresse au traitement automatique de la langue naturelle et qui a une longue histoire d’analyse textuelle assistée par ordinateur. On sait, par exemple, que l’utilisation sur Facebook de mots liés à la vulnérabilité, aux relations sociales et au respect de l’autorité dénote un caractère consciencieux. L’extraversion se mesure par le recours à des adjectifs et des verbes. On regarde aussi le nombre d’amis et la façon d’employer la ponctuation.
Les algorithmes s’appuient sur des indicateurs et des corrélations statistiques pour pouvoir déterminer la personnalité. «Réussir à donner aux machines une capacité de compréhension de la personnalité est une étape essentielle pour avancer vers une intelligence artificielle plus complète et pour mieux comprendre le comportement humain», écrit le jeune homme.
Il est toutefois conscient des limites de ce type d’approche ainsi que des questions éthiques qu’il soulève. L’ordinateur peut aider à la compréhension plus fine du comportement humain, mais «la protection de la vie privée des utilisateurs deviendra sans doute un enjeu majeur pour les chercheurs, ce qui pourrait être compliqué étant donné le manque d’une législation claire sur le sujet, du moins à ce jour», conclut-il.
Dans le cadre du doctorat qu’il vient d’entamer avec le même directeur de recherche, Frédéric Piedbœuf entend poursuivre l’analyse textuelle informatisée mais dans un registre différent. Il s’intéressera aux théories de l’apprentissage.