Des pêcheurs basques et des Inuits ont entretenu des liens dès le 16e siècle sur la Basse-Côte-Nord

  • Forum
  • Le 6 juillet 2020

  • Martin LaSalle
Des recherches subaquatiques ont été menées à proximité des sites terrestres dans l’archipel de Saint-Paul, dans le golfe du Saint-Laurent, où des logements familiaux saisonniers inuits avaient été repérés ainsi que des matériaux européens datant de plus de 300 ans. Sur la photo, Bonny Island, sur la Basse-Côte-Nord.

Des recherches subaquatiques ont été menées à proximité des sites terrestres dans l’archipel de Saint-Paul, dans le golfe du Saint-Laurent, où des logements familiaux saisonniers inuits avaient été repérés ainsi que des matériaux européens datant de plus de 300 ans. Sur la photo, Bonny Island, sur la Basse-Côte-Nord.

Crédit : Saraí Barriero Argüelles

En 5 secondes

Des fouilles archéologiques sur la Basse-Côte-Nord ont révélé la présence de sites de pêche et d’objets divers qui témoignent de liens qu’ont jadis entretenus des pêcheurs basques et des Inuits.

Des archéologues sous-marins ont découvert deux sites de pêche où Basques et Inuits ont entretenu, aux 16e et 17e siècles, des liens aux abords de la rivière Saint-Paul, située à 40 km à l'ouest de Blanc-Sablon, sur la Basse-Côte-Nord.

Fait particulier, ce sont des tuiles de toit d’origine basque et des promontoires de pierres de lest découverts sur le lit du havre de Bonne-Espérance qui ont permis de retrouver les sites où étaient érigés des établissements côtiers ayant servi aux pêcheurs et baleiniers basques pendant la saison estivale. Sur ces sites reposaient des vestiges d’autres tuiles de toit, de bois carbonisé, de fanons de baleine et des ossements de petits mammifères.

La doctorante en archéologie maritime Saraí Barreiro Argüelles, du Département d’anthropologie de l’Université de Montréal, faisait partie des trois archéologues subaquatiques qui ont mené ces recherches à l’été 2019 sous la supervision du professeur Brad Loewen, de l’UdeM, de l’archéologue Erik Phaneuf et de William Fitzhugh, directeur de l’Arctic Studies Center de la Smithsonian Institution, à Washington.

Deux projets de recherche qui se poursuivront en 2021

Saraí Barreiro Argüelles

Crédit : Saraí Barreiro Argüelles

Ce n’est pas un, mais bien deux projets de recherche auxquels a participé Saraí Barreiro Argüelles en août dernier. Les travaux devaient se poursuivre cet été, mais ils ont été reportés d’un an en raison de la pandémie que l’on connaît.

Dans le premier projet, le Gateways Project de William Fitzhugh, elle a travaillé avec deux étudiantes en anthropologie de l’UdeM, soit Émilie Teasdale et Marianne Dorais. Amorcé en 2001, ce projet de fouilles archéologiques auquel l’UdeM s’est greffée depuis 2006 s’intéresse à l’occupation inuite sur la Basse-Côte-Nord et aux interactions des Inuits avec les Européens, et a permis de répertorier des lieux d’occupation ancienne de Brador à Petit-Mécatina.

L’an passé, les trois étudiantes ont effectué des recherches subaquatiques à proximité des sites terrestres dans l’archipel de Saint-Paul, où des logements familiaux saisonniers inuits avaient été repérés ainsi que des matériaux européens datant de plus de 300 ans.

Intitulé Contact by Sea et financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le second projet porte sur les interactions des pêcheurs basques avec les Autochtones au 17e siècle dans le golfe du Saint-Laurent. Sous la direction de Brad Loewen, les étudiantes de l’UdeM ont plongé l’été dernier autour de la baie des Chaleurs et à la rivière Saint-Paul.

L’ensemble des fouilles réalisées en 2019 a conduit à de nouvelles informations importantes sur les occupations inuites et basques le long de la Basse-Côte-Nord. Il reste encore à élucider la nature des interactions entre ces deux groupes à la rivière Saint-Paul, selon William Fitzhugh.

De plus, les enquêtes dans le fond marin de la rivière Saint-Paul ont permis de mettre au jour une zone de décharge de pierres de lest, que les bateaux jetaient à la mer pendant leur mouillage au début de leur saison de pêche. «Cet été, nous devions vérifier l’étendue des sites subaquatiques et terrestres, établir les caractéristiques culturelles des artéfacts découverts et déterminer leur fonction et leur âge, mais ce n’est que partie remise», assure Saraí Barreiro Argüelles.

À défaut de pouvoir plonger cet été, la doctorante s’applique à enrichir la théorie de son projet de thèse en analysant le contenu des différentes collections archéologiques qu’elle a répertoriées lors de visites effectuées dans des musées au début de l’année 2020.

Fouilles en eau froide

Lorsqu’elles s’immergent dans les eaux du golfe du Saint-Laurent et les baies de la Basse-Côte-Nord, les plongeuses affrontent des eaux dont la température moyenne est de 10 °C. À cette température, elles ne peuvent tenir plus d’une heure sous l’eau.

Crédit : Saraí Barreiro Argüelles

Faire des fouilles archéologiques sous-marines requiert une préparation méticuleuse. Habituellement, l’équipe de plongeuses de l’UdeM doit accomplir un certain nombre de plongées préparatoires et se mettre à jour en matière de sécurité marine en contexte éloigné avant d’embarquer sur le Pitsiulak, piloté par le capitaine et chef de sécurité Perry Colbourne.

Lorsqu’elles s’immergent dans les eaux du golfe du Saint-Laurent et les baies de la Basse-Côte-Nord, elles affrontent des eaux dont la température moyenne est de 10 °C. À cette température, elles ne peuvent tenir plus d’une heure sous l’eau.

«Pour cette raison, nous devons faire appel à un ensemble d’instruments spécialisés pour travailler de façon productive sous l’eau, explique Saraí Barreiro Argüelles. Nous utilisons des combinaisons étanches afin de garder la chaleur corporelle lors des prospections et de la compilation précise des données essentielles à la recherche.»

Accompagnées d’Erik Phaneuf, les trois étudiantes plongent en binôme, suivant des trajets établis selon les isobathes (lignes de profondeur égale) pour prospecter le fond marin. Dans les zones plus vastes, l’équipe emploie un sonar à balayage latéral et un magnétomètre marin.

En 2019, le permis d’activité archéologique visait le repérage de sites, sans collecte d’objets. «Lorsqu’un objet est trouvé, notre premier objectif consistait à consigner sa position et, pour ce faire, un chercheur à la surface était muni d’un GPS pour localiser le repère donné par les plongeuses à l’aide d’une bouée de positionnement», détaille la doctorante.

«La collaboration des communautés environnantes s’est avérée essentielle à notre séjour de recherche, conclut Saraí Barreiro Argüelles. Nous avons été chaleureusement accueillis, notamment à Brador, où Florence Hart nous a ouvert sa maison pendant les fouilles archéologiques; à Rivière-Saint-Paul, nos travaux de recherche ont été facilités grâce au Whiteley Museum, particulièrement par Garland Nadeau et Eileen Schofield, qui ont été d’une aide très précieuse.»

Il importe de rappeler que la communauté de Rivière-Saint-Paul a récemment été au cœur d’un documentaire des cinéastes Aude Leroux-Lévesque et Sébastien Rist, combinant des histoires intergénérationnelles qui évoquent le mode de vie dans les anciens villages de pêche et le point de vue actuel des adolescents qui s’intéressent, entre autres, à l’archéologie.

  • Mise à l’eau de l’équipe de plongée.

    Crédit : Saraí Barreiro Argüelles
  • Découverte d'une assiette de terre cuite fine du 18e siècle.

    Crédit : Saraí Barreiro Argüelles
  • Les recherches ont permis de mettre au jour une zone de décharge de pierres de lest dans la rivière Saint-Paul, que les bateaux jetaient à la mer pendant leur mouillage au début de leur saison de pêche.

    Crédit : Saraí Barreiro Argüelles
  • Prise de notes subaquatique.

    Crédit : Émilie Teasdale
  • L'archéologue Erik Phaneuf et l'équipe d’archéologie subaquatique de l’UdeM: Saraí Barreiro Argüelles, Émilie Teasdale et Marianne Dorais.

    Crédit : Saraí Barreiro Argüelles
  • Ce sont des découvertes subaquatiques qui ont permis de retrouver les sites où étaient érigés des établissements côtiers ayant servi aux pêcheurs et baleiniers basques. À gauche, on aperçoit le professeur Brad Loewen.

    Crédit : Saraí Barreiro Argüelles
  • Restes zooarchéologiques d’une maison inuite à Brador.

    Crédit : Saraí Barreiro Argüelles