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Le 5 avril 2024
Une étude de l’UdeM dévoile de nouvelles informations sur l’organisation spatiale des Néandertaliens et des «Homo sapiens» sur le site de Riparo Bombrini, dans le nord de l’Italie.
Comment nos ancêtres du paléolithique organisaient-ils leurs lieux de vie?
Dans une étude publiée dans le Journal of Archaeological Method and Theory, des archéologues de l’Université de Montréal et de l’Université de Gênes révèlent que, bien qu’ils aient existé plus tôt, les Néandertaliens agissaient à peu près de la même manière que leurs successeurs Homo sapiens: ils s’installaient chez eux.
Grâce à leurs analyses des artéfacts et des caractéristiques des niveaux protoaurignacien et moustérien du site de Riparo Bombrini, situé en Ligurie, dans le nord-ouest de l’Italie, les scientifiques ont découvert des modèles d’installation communs aux deux populations.
En cartographiant la disposition des outils en pierre, des os d’animaux, de l’ocre et des coquillages marins sur la surface du site et en déterminant des groupes distincts d’artéfacts et de matériaux, l’équipe de recherche a pu produire des schémas clairs et interprétables des structures spatiales du site. Cela lui a permis de déduire le sens des comportements des différents groupes qui y vivaient et y travaillaient.
«Cette homogénéité de la distribution spatiale laisse entrevoir une structure sous-jacente dans la façon dont ces anciens humains utilisaient l’espace», explique Amélie Vallerand, doctorante à l’Université de Montréal, qui a dirigé l’étude cosignée par Julien Riel-Salvatore, de l’UdeM, et Fabio Negrino, de l’Université de Gênes.
«En comptabilisant le nombre d’unités contigües du même type d’objets, nous avons pu discerner des tendances qui nous ont aidés à cerner les activités menées par ces groupes, déclare Amélie Vallerand. L’application de méthodes quantitatives et statistiques nous a permis de réduire considérablement les biais et de fournir des preuves convaincantes qui vont au-delà des descriptions qualitatives de l’organisation spatiale.»
Grâce à la combinaison d’analyses spatiales, de la technologie lithique et des études de restes fauniques et de coquillages marins, les scientifiques ont pu brosser un tableau exhaustif des similitudes et des différences comportementales entre ces anciennes populations.
Voici certaines similitudes:
- Autant les Néandertaliens que les Homo sapiens ont fait preuve d’une utilisation structurée de l’espace, organisant leurs lieux de vie en zones distinctes d’activité de haute et de faible intensité. Cela illustre une capacité cognitive commune d’organisation spatiale.
- Les tendances centrales en matière d’occupation des deux groupes ont été établies au cours de milliers d’années de réoccupation: la position récurrente des foyers du site et d’une fosse à ordures persistant à travers les niveaux souligne la constance de l’aménagement.
- L’organisation de ces trois niveaux a été conditionnée par des stratégies d’utilisation des terres et de mobilité: ces stratégies s’articulent autour des variations de la durée d’occupation, des intervalles de réoccupation, du nombre d’occupants et de la nature des activités entreprises. Ainsi, la planification et l’organisation étaient fondamentales.
Et certaines différences:
- Les schémas d’occupation néandertalienne semblent de plus faible intensité que ceux des Homo sapiens: la densité d’artéfacts est inférieure et moins de groupes ont été identifiés.
- Il existe des modèles d’utilisation de l’espace et de distribution distincts pour chacun des niveaux: les Néandertaliens se sont installés à Riparo Bombrini de manière sporadique selon un système de grande mobilité instauré par un contexte de changement climatique rapide, tandis que les Homo sapiens ont alterné entre des camps de base installés à court et à long terme pour s’adapter à leur nouveau territoire.
La transition du Néandertalien à Homo sapiens en Ligurie se caractérise par la succession rapide des technocomplexes du Moustérien tardif (Néandertalien) au Protoaurignacien (Homo sapiens), sans qu’aucun contact n’ait été observé entre les deux espèces.
Cette nouvelle étude met en lumière la pertinence de comparer directement le comportement spatial des Néandertaliens avec celui des Homo sapiens sur un même site en recourant à des paramètres uniformes afin de limiter au minimum les biais analytiques.
Dans l’ensemble, les auteurs concluent qu’«il existe une logique sous-jacente à l’utilisation de l’espace», quelle que soit l’espèce présente à l’époque.
Amélie Vallerand ajoute: «Comme les Homo sapiens, les Néandertaliens organisaient leurs lieux de vie de manière structurée, en fonction des différentes tâches qui s’y déroulaient et de leurs besoins. Nos travaux montrent donc que les Néandertaliens étaient plus “humains” qu’on le pense généralement.»
À propos de cette étude
L’article «Homo sapiens and Neanderthal use of space at Riparo Bombrini (Liguria, Italy)», par Amélie Vallerand, Fabio Negrino et Julien Riel-Salvatore, a été publié le 12 janvier 2024 dans le Journal of Archaeological Method and Theory.