Lorsque cannabis rime avec violence
- Forum
Le 8 juillet 2020
- Martine Letarte
Les adolescents et les jeunes adultes consommateurs de cannabis risquent deux fois plus de commettre des gestes violents. Mais il existe une thérapie.
Alors que le cannabis est en vente légalement au Québec pour les gens âgés de 21 ans et plus, il ne faudrait pas croire que cette substance est inoffensive. Les consommateurs de cannabis risquent deux fois plus de commettre des actes de violence physique, d’après une étude menée par Alexandre Dumais et Stéphane Potvin, chercheurs au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Ces résultats, publiés dans l’American Journal of Psychiatry, sont issus d’une méta-analyse de 30 études qui forment un échantillon de près de 300 000 adolescents et adultes de moins de 30 ans.
«En outre, lorsqu’on regarde les grands consommateurs de cannabis, ils sont presque trois fois plus susceptibles de commettre des gestes violents», affirme le Dr Dumais, qui est aussi professeur agrégé de clinique au Département de psychiatrie et d’addictologie de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
Ces actes violents, souvent autorapportés, peuvent aller de coups donnés à quelqu’un à l’agression sexuelle. L’étude n’a toutefois pas permis de déterminer les détails de la consommation qui peuvent être associés à la violence, comme la quantité et le type de cannabis consommé, de même que sa teneur en tétrahydrocannabinol, son composé psychoactif. Il est donc aussi possible que la cause tienne au fait que les consommateurs sont plus à risque de participer à des actes de violence de nature criminelle.
L’association entre cannabis et violence n’est pas nouvelle. Déjà, en 2019, l’équipe du Dr Dumais montrait que les consommateurs de cannabis atteints de troubles mentaux graves risquaient davantage de commettre des gestes violents.
La réalité virtuelle à la rescousse
En plus de pouvoir alimenter des programmes de prévention, ces données démontrent l’importance de concevoir des traitements efficaces pour les gens qui ont des problèmes de consommation de cannabis.
«Les thérapies cognitivocomportementale et motivationnelle utilisées dans les cas de problème de consommation de cannabis fonctionnent moyennement, mais lorsqu’on y soumet des gens qui souffrent de troubles mentaux graves, comme la psychose, l’efficacité de ces interventions approche zéro», précise le Dr Dumais.
Pour travailler avec cette population, il a choisi la réalité virtuelle. «Prenons l’exemple de quelqu’un qui a l’habitude de consommer après avoir vécu un conflit avec sa conjointe, raconte le psychiatre. Pour pouvoir reconstituer un conflit en réalité virtuelle, nous créerions un avatar de sa conjointe et amènerions le patient à gérer la situation autrement que par la prise de cannabis.»
Même approche pour un jeune qui a l’habitude de consommer dans un parc avec un ami: la réalité virtuelle pourrait le plonger dans ce contexte et le conduire à expliquer à son ami qu’il veut cesser sa consommation de cannabis.
«Nous sommes très encouragés par les résultats jusqu’à maintenant et nous continuons à recruter de nouveaux patients pour participer à cette thérapie», mentionne le Dr Dumais.
Ce traitement pourrait aussi probablement être utilisé auprès de gens qui consomment d’autres substances. «Mais nous avons commencé à travailler avec le cannabis parce qu’il est très présent chez les personnes psychotiques et qu’il est associé aussi aux comportements violents et à des réhospitalisations», signale le Dr Dumais.
Avatars et hallucinations
Ce n’est pas la première fois que le Dr Dumais recourt à la réalité virtuelle. En 2014-2015, il a conçu la thérapie Avatar dans les cas d’hallucinations auditives réfractaires aux traitements. Cette thérapie recrée en réalité virtuelle le personnage qui parle au patient lors de ses hallucinations. L’objectif est de lui permettre de faire face à ce personnage afin de le faire disparaître de sa vie.
«Les résultats préliminaires nous montrent que les avatars fonctionnent bien et nous poursuivons nos travaux dans le domaine en commençant un essai randomisé financé par les Instituts de recherche en santé du Canada», dit le Dr Dumais.
Déjà, une vingtaine de patients prennent part à cette étude, mais l’équipe de chercheurs souhaite en recruter une centaine de plus.