Quels risques et bénéfices pour les gens immunosupprimés ayant un animal de compagnie?

  • Forum
  • Le 20 juillet 2020

  • Martin LaSalle
Le risque zéro n’existe pas pour les personnes immunosupprimées qui possèdent un animal, mais l'hypothèse des chercheurs est qu’en général, et en prenant les précautions d’usage, l’animal de compagnie leur apporte plus de bienfaits que le risque qu’ils soient atteints d’une zoonose.

Le risque zéro n’existe pas pour les personnes immunosupprimées qui possèdent un animal, mais l'hypothèse des chercheurs est qu’en général, et en prenant les précautions d’usage, l’animal de compagnie leur apporte plus de bienfaits que le risque qu’ils soient atteints d’une zoonose.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Une étude est en cours auprès de personnes immunosupprimées pour mesurer le rapport entre les risques d’infection et les bénéfices associés à la possession d’un animal de compagnie.

Les médecins déconseillent généralement aux personnes ayant subi une greffe ou une transplantation de posséder un animal de compagnie : étant immunosupprimées en raison des médicaments antirejet, elles feraient face à un risque accru d’être atteintes d’une zoonose, c’est-à-dire d’une infection ou maladie transmise d’un animal à l’humain.

Mais quelle est l’ampleur de ce risque, selon chaque type d’animal de compagnie, et comment assurer l’équilibre entre les risques et les bienfaits associés à la possession d’un animal en cas d’immunosuppression… de surcroît en période de pandémie?

C’est ce que tente de découvrir une importante équipe multidisciplinaire de chercheurs de l’Université de Montréal et de patients-partenaires qui ont entamé, en avril, une étude inscrite dans un projet de recherche plus large intitulé « projet Laurent ».

Un projet de recherche qui émane des patientes et patients

Laurent Tessier possède aussi un chat!

Crédit : Famille Tessier

Le projet Laurent est né du désir de la mère d’un jeune patient de faire avancer la recherche face à l’absence de données scientifiques sur le risque de zoonose et les bénéfices potentiels associés à la possession d’animaux de compagnie pour les personnes transplantées ou greffées.

Il y a six ans, Laurent Tessier recevait une greffe du foie l’obligeant à recevoir un traitement immunosuppressif à vie afin d’éviter le rejet de son nouvel organe. Or, Laurent avait Sushi pour meilleur ami canin et l’idée de l’en déposséder en raison du risque de zoonose déplaisait à sa mère, la Dre Hélène Tessier, vétérinaire.

Après avoir tenté de trouver des études qui l’éclaireraient dans la décision de garder Sushi pour son fils, la Dre Tessier s’est retrouvée face à « un désert d’information » sur le sujet.

Ayant décidé de garder Sushi et de prendre les précautions nécessaires pour éviter que Laurent subisse des infections, elle a contacté la Faculté de médecine vétérinaire de son alma mater, l’Université de Montréal, afin de soumettre l’idée d’effectuer un projet de recherche sur ce sujet.

Amorcé il y a un peu plus d’un an, ce projet a été cocréé par des patients-partenaires et des chercheurs désirant permettre aux personnes immunosupprimées de posséder de façon sécuritaire des animaux de compagnie afin d’en retirer les bénéfices tout en minimisant les risques d’infection.

Le projet Laurent réunit une équipe de recherche multidisciplinaire unissant vétérinaires, immunologistes, épidémiologistes, kinésiologues, psychologues, psychiatres-experts et médecins transplanteurs.

En plus de consulter les patients transplantés et les spécialistes pour cerner les enjeux liés à la possession d’animaux de compagnie, les chercheurs élaborent différentes études pour fournir des données probantes sur le sujet. L’un des objectifs du projet Laurent est de créer des modules de formation et des outils d’aide à la décision adaptés aux patients, à leurs proches et aux professionnels de la santé qu’ils consultent.

Avoir un animal en temps de pandémie

Mélanie Dieudé

Crédit : Luc Lauzière, CRCHUM

Dès les premières semaines du confinement, les chercheurs Mélanie Dieudé et Sylvain Bédard ont tenu, avec des participants greffés, une séance d’information sur les risques immunologiques de la COVID‑19. 

«Plusieurs nous ont exprimé ressentir de la détresse psychologique et de l’angoisse, et c’est à ce moment que nous avons eu l’idée d’effectuer un sous-projet qui mesurerait, chez les patients immunosupprimés et leurs proches, les effets de posséder ou non un animal de compagnie sur leur santé mentale et leurs saines habitudes de vie», explique Mme Dieudé, chercheuse au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) et professeure au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’UdeM.

Accompagnée du cochercheur Sylvain Bédard – un double transplanté du cœur qui agit à titre de patient coordonnateur au Centre d’excellence sur le partenariat avec les patients et le public –, elle a approché la professeure Isabelle Doré de l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal, également chercheuse au CRCHUM, afin qu’elle participe à l’élaboration et au déroulement du projet.

Ensemble, ils recueillent depuis avril des données sur les habitudes de vie ainsi que des indicateurs de santé mentale des patients immunosupprimés et leurs proches à l’aide de groupes de discussion hebdomadaires virtuels et de questionnaires quotidiens auxquels prennent part plus de 140 participants à travers le pays.

«À partir des données, nous étudierons si le fait d’avoir un animal de compagnie ou pas a un effet sur la pratique d’activités physiques et si ces facteurs permettent d’améliorer la santé mentale en diminuant, par exemple, le stress, les symptômes anxieux et dépressifs dans le contexte de la pandémie actuelle», explique Isabelle Doré, épidémiologiste de formation spécialisée dans le domaine de l’activité physique et de la santé mentale.

Des participantes et participants assidus!

Sylvain Bédard et Charlie

Crédit : Ulysse Portelance-Bédard

Ainsi, depuis avril, les groupes de discussion virtuels animés par Sylvain Bédard se sont poursuivis toutes les semaines.

Les participants à l’étude longitudinale se sont montrés tout aussi assidus : en plus d’un questionnaire initial qui documente de manière détaillée le profil clinique et sociodémographique ainsi que les habitudes de vie et divers indicateurs de santé mentale, pas moins de 75 % des participants remplissent quotidiennement un questionnaire, à raison d’une semaine sur deux, contribuant ainsi à documenter leurs habitudes de vie et leur état psychologique.

«Ces données permettront de comparer les effets d’avoir ou non un animal de compagnie au chapitre de la santé mentale, de l’activité physique et du sommeil, entre autres», précise Isabelle Doré.

En parallèle, le chercheur Christopher Fernandez Prada de la Faculté de médecine vétérinaire œuvre à valider les risques réels de zoonoses, selon le type d’animal de compagnie et les précautions à prendre pour les éviter.

«Le risque zéro n’existe pas pour les personnes immunosupprimées qui possèdent un animal, mais notre hypothèse est qu’en général, et en prenant les précautions d’usage, l’animal de compagnie leur apporte plus de bienfaits que le risque qu’ils soient atteints d’une zoonose, indique Mélanie Dieudé. Tout est question d’équilibre entre les risques et les bienfaits, et notre projet s’autoalimente à travers les participants», ajoute celle qui est aussi directrice générale du Programme de recherche en don et transplantation du Canada (PRDTC).

«Je prends 12 médicaments sous forme de 21 pilules à chaque jour et je subis plusieurs effets indésirables dont des douleurs musculaires, un risque de cholestérol plus élevé et de l’hypertension, conclut Sylvain Bédard, cogestionnaire de la plateforme Partenariat patient, famille et donneur du PRDTC. Si le fait d’avoir mon chien Charlie augmente de 0,5 % le risque d’avoir une infection, mais diminue de 25 % le risque de faire une crise cardiaque parce qu’il me fait bouger et me rend heureux, l’avantage est évident – surtout que le soutien psychologique pour les personnes immunosupprimées est quasi inexistant dans les soins actuels. C’est ça qu’il faut évaluer afin qu’on puisse faire un choix éclairé.»

  • Isabelle Doré fait partie de l'équipe de recherche du projet Laurent.

    Crédit : CHUM 2019
  • Dre Hélène Tessier, vétérinaire et mère de Laurent, avec Sushi.

    Crédit : Famille Tessier

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