La génétique du sang humain: une perspective mondiale

Un consortium international de chercheurs en génétique a étudié 15 caractéristiques des cellules du sang de plus de 700 000 participants issus de cinq populations du globe dans le but de mettre au jour des mutations spécifiques à certaines de ces populations.

Un consortium international de chercheurs en génétique a étudié 15 caractéristiques des cellules du sang de plus de 700 000 participants issus de cinq populations du globe dans le but de mettre au jour des mutations spécifiques à certaines de ces populations.

Crédit : Elizabeth Moss

En 5 secondes

Une équipe internationale de chercheurs en génétique ont scruté les variations dans l’ADN de 746 667 personnes pour comprendre les propriétés des cellules sanguines.

Pour mieux comprendre l’influence de la diversité des populations sur le risque de souffrir de certaines maladies, le professeur Guillaume Lettre, de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, et son équipe ont créé un large consortium international qui regroupe plus de 700 000 participants issus de cinq grandes populations: européenne, africaine, hispanique, est-asiatique et sud-asiatique. Dans l’une des plus grandes études du genre, ils se sont concentrés sur l’effet qu’ont les mutations génétiques sur les caractéristiques du sang, comme la concentration d’hémoglobine ou le nombre de plaquettes.

«Chaque population humaine est soumise à des environnements différents. Sur des milliers d’années, ces pressions environnementales se traduisent par l’apparition progressive de variations dans l’ADN, appelées mutations génétiques, qui peuvent influencer nos caractéristiques physiques, comme la taille ou la couleur de la peau, mais également notre risque d’avoir certaines maladies, explique Guillaume Lettre, qui est aussi chercheur à l’Institut de cardiologie de Montréal. Cette observation représente la pierre d’assise de la théorie de la sélection naturelle, proposée par Charles Darwin en 1859.»

Le chercheur poursuit: «Le consortium a donc choisi d’étudier 15 caractéristiques des cellules du sang parce que des études antérieures avaient mis au jour des mutations dont les conséquences étaient spécifiques à certaines populations.»

45 millions de mutations génétiques analysées dans 5 populations

Crédit : Le professeur et chercheur Guillaume Lettre

En testant plus de 45 millions de variations génétiques chez les participants, le DLettre et ses collaborateurs ont trouvé au-delà de 5000 mutations dans l’ADN humain qui influent sur les caractéristiques du sang des populations du globe.

Cette étude, conjointement avec une autre étude publiée en parallèle et qui se concentrait exclusivement sur les populations d’origine européenne, a montré que la grande majorité des mutations associées aux cellules du sang étaient communes aux cinq grandes populations. Cependant, les chercheurs ont quand même découvert une centaine de mutations dont l’effet était restreint à certaines populations et qu’on ne retrouve pas chez les personnes d’ascendance européenne.

Par exemple, chez les individus d’origine sud-asiatique, ils ont repéré une mutation dans le gène interleukin-7 qui stimule la sécrétion de cette molécule et augmente ainsi les taux de lymphocytes (un type de globule blanc de notre système immunitaire) circulant dans le sang.

«Bien sûr, ce genre de mutation peut avoir des répercussions sur la santé des personnes d’origine sud-asiatique. On pense que cette mutation pourrait influencer le risque de résister à certaines infections ou encore de développer un cancer du sang. Toutefois, ce ne sont, à l’heure actuelle, que des hypothèses, car les chercheurs ne disposent pas de la capacité de les tester, vu les coûts immenses et la difficulté de trouver des participants pour ce type d’études.»

Les 100 mutations uniques, la pointe de l’iceberg?

Ainsi, en comparant les résultats génétiques obtenus dans chaque population, les chercheurs ont pu prioriser certains gènes qui semblent avoir un effet global sur la production des cellules sanguines, permettant à long terme d’optimiser des approches pour prédire le risque de souffrir de certaines maladies ou encore de mettre au point de nouveaux traitements plus performants. Mais encore là, les investissements en recherche devront être majeurs pour analyser les conséquences de ces mutations sur la santé de ces populations.

De plus, un autre obstacle important se dresse devant les chercheurs: convaincre de l’importance d’avoir une représentation de toutes les populations de la planète dans ces études génétiques.

«Malgré la taille de l’étude, la grande majorité des participants, soit environ 560 000 individus sur quelque 740 000, étaient d’origine européenne. Cela introduit forcément un biais dans l’étude. Dans le futur, nous espérons pouvoir collaborer avec des populations jusqu’à maintenant peu étudiées, par exemple les populations de l’Afrique de l’Est ou les peuples autochtones, afin de mettre en lumière de nouveaux gènes qui régulent les cellules du sang», souligne le DLettre.

La grande conclusion de l’étude est donc claire: pour mieux comprendre les maladies humaines et s’assurer que tous et toutes, peu importe leurs origines ethniques, pourront bénéficier des progrès en génétique et en médecine de précision, il faudra étudier ces maladies dans toutes les populations.

À propos de cette étude

L’article «Trans-ethnic and Ancestry-Specific Blood-Cell Genetics in 746,667 Individuals from 5 Global Populations», par Ming-Huei Chen, Laura M. Raffield, Abdou Mousas et leurs collaborateurs, est paru dans la revue Cell le 3 septembre 2020.

Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.

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