La ville vous change et vous changez la ville
- Forum
Le 6 octobre 2020
- Mathieu-Robert Sauvé
Des chercheurs mènent une étude sur cinq ans visant à connaître l’évolution de la santé et du bien-être de la population dans quatre villes canadiennes.
«La pandémie a bouleversé nos routines, mais elle offre également une occasion sans précédent de repenser les lieux publics de notre ville», soutiennent les chercheurs du projet Interventions urbaines, recherche-action, communautés et santé (INTERACT), qui vise à étudier l’évolution de quatre centres urbains canadiens, soit Montréal, Saskatoon, Vancouver et Victoria.
«Nous souhaitions observer les changements qui surviennent dans l’évolution des villes en consultant directement à trois reprises la population entre 2017 et 2022. Nous n’avions évidemment pas prévu qu’un virus viendrait tout bousculer au beau milieu du projet, mais nous allons saisir l’occasion de documenter la situation», explique le chercheur principal du projet, Yan Kestens, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
Pour s’adapter aux mesures sanitaires, les villes se sont déjà en partie réinventées: des places de stationnement sont sacrifiées pour élargir les trottoirs, des rues deviennent des voies piétonnes, les commerces de proximité reprennent vie au détriment des centres commerciaux de la périphérie. Mais d’un autre côté, la COVID-19 creuse les disparités entre quartiers riches et quartiers pauvres.
«Nous cherchons à connaître le niveau de bien-être et l’état de santé des personnes qui vivent en milieu urbain pour mesurer s’ils sont en hausse ou en baisse», reprend le chercheur, qui a obtenu plus de deux millions de dollars des Instituts de recherche en santé du Canada pour mener à bien ce projet. Une somme de 528 000 $ s’est ajoutée récemment pour étudier plus spécifiquement l’embourgeoisement de certains quartiers.
Doubler la participation
À Montréal, pas moins de 1150 personnes ont déjà pris part à la première phase de la recherche, qui consistait à remplir un questionnaire détaillé sur ses habitudes de vie: travail, loisirs, vie sociale, mobilité, santé physique et mentale, etc. On souhaite doubler ce nombre dans les prochains mois. C’est en étudiant l’évolution des habitudes de vie et des perceptions qu’on pourra comprendre les répercussions des transformations urbaines sur la population et sur l’équité.
Le sondage peut être rempli en 45 minutes et l’équipe de recherche met à la disposition des participants et participantes un personnel qualifié qui peut les aider à répondre adéquatement aux questions.
«Nous avons la chance de disposer de données datant de la période antérieure à l’apparition de la COVID-19, ce qui nous sera très utile au moment de l’analyse des réponses», indique le professeur Kestens.
Il mentionne que le projet comporte un important volet pédagogique, puisque 26 étudiants et étudiantes ainsi que stagiaires sont encadrés ou l’ont été par l’équipe d'INTERACT dans une des universités participantes. À l’Université de Montréal, c’est le cas de 6 étudiants et étudiantes des cycles supérieurs.
Les chercheurs et chercheuses sont d’ailleurs en période de recrutement du côté étudiant pour accroître la participation dans leurs équipes locales. «Nous offrons aux étudiants des cycles supérieurs et aux boursiers postdoctoraux des occasions de formation avancée en recherche interventionnelle en santé des populations et des possibilités de collaboration avec des chercheurs et des décideurs majeurs partout au Canada, peut-on lire sur le site d'INTERACT. Le programme forme du personnel hautement qualifié en SIG, GPS, accélérométrie, épidémiologie, statistiques et en méthodes qualitatives et mixtes, toutes essentielles à la recherche interventionnelle en milieu urbain.»
Au terme du projet, le professeur Kestens espère que l’équipe parviendra à «contribuer au débat sur l’évolution des villes» et aidera les décideurs à faire des choix éclairés en matière d’urbanisme et de santé publique.