Un retour à l’UdeM pour Florence K, qui milite pour un meilleur accès aux soins en santé mentale

  • Forum
  • Le 21 octobre 2020

  • Martin LaSalle
L’auteure-compositrice-interprète et pianiste Florence K étudie au Département de psychologie de l'Université de Montréal.

L’auteure-compositrice-interprète et pianiste Florence K étudie au Département de psychologie de l'Université de Montréal.

Crédit : Courtoise du Festival de films Au Contraire

En 5 secondes

Florence K est de retour à l’UdeM, avec l’objectif d’obtenir un doctorat en psychologie. Ayant vécu une dépression majeure, elle a fait de l’accès aux soins en santé mentale son cheval de bataille.

Il y a neuf ans, Florence K vivait un épisode sombre: aux prises avec une dépression majeure, l’auteure-compositrice-interprète et pianiste a dû être internée pour éviter qu’elle commette le pire. Pour vaincre ses démons, elle publiait, en 2015, son récit autobiographique, Buena Vida, dans lequel elle raconte son expérience de la maladie mentale.

Déterminée à aider les personnes qui souffrent de troubles de santé mentale, Florence Khoriaty vient d’amorcer des études au Département de psychologie de l’Université de Montréal dans le but d’entreprendre un doctorat d’ici deux ans.

Loin d’attendre d’être diplômée pour contribuer à la cause, la femme de 37 ans ‒ qui est enceinte de son deuxième enfant ‒ est porte-parole du Festival de films Au Contraire qui, jusqu’au 23 octobre, offre gratuitement plus de 20 films et documentaires provenant de neuf pays et visant à démythifier les maladies mentales.

Elle est aussi à la barre de la nouvelle série sur la santé mentale Vivre en funambule, qui sera présentée en novembre à Savoir média et dans laquelle plusieurs spécialistes affiliés à l’UdeM ont été interviewés. De plus, elle est membre de l’organisme Revivre, qui offre une ligne d’écoute en santé mentale, soit le 1 866 REVIVRE (738-4873).

Fille du musicien Hany Khoriaty et de la soprano Natalie Choquette ‒ qui a obtenu son baccalauréat en musique de l’UdeM en 1980, puis un deuxième en 1982 en interprétation musicale ‒, Florence K nous parle de son expérience.

Comment en êtes-vous venue à vous orienter vers des études en psychologie?

L’épisode dépressif et de psychose qui m’a amenée à être internée m’a bouleversée et transformée. Je me suis demandé ce qui s’était passé dans mon cerveau et j’ai constaté que les tabous et les préjugés que je nourrissais à l’égard de la maladie mentale m’avaient empêchée d’aller chercher de l’aide au bon moment. Je ressentais de la culpabilité, de la honte, je trouvais que je n’étais pas une bonne personne, que j’étais faible… Tout le vocabulaire négatif entourant la maladie mentale, je l’avais en moi.

Après être sortie de l’hôpital, en 2012, j’ai voulu savoir comment et pourquoi ça m’était arrivé et je me suis inscrite à un certificat en psychologie à l’Université TÉLUQ. Je pouvais étudier tout en effectuant des tournées et en voyageant.

L’étude de la psychologie vous a-t-elle aidée?

La première fois qu’on sombre dans la dépression, on ne comprend pas ce qui arrive ni ce qu’on ressent. En plus d’avoir changé mon hygiène de vie, les cours m’ont permis de mieux connaître mes symptômes et les signaux d’alarme. Car même si j’ai appris à mieux me protéger après ma première rémission grâce à l’information, à la médication et au soutien psychologique, le gouffre n’était jamais loin…

Vous étiez toujours fragile?

Oui. À quelques reprises j’ai frôlé la rechute et il m’a fallu travailler très fort pour ne pas retomber.

En 2017, ça n’allait pas. Malgré la médication, le yoga, le sport et une belle relation amoureuse, j’étais fragile. J’ai consulté un psychiatre avec qui j'ai analysé mes symptômes et les cycles de leur apparition. C’est ainsi que j’ai reçu un diagnostic de bipolarité de type 2. Après qu’on a ajusté ma médication et ma thérapie, ç’a été le jour et la nuit! Il m’aura fallu plusieurs années avant d’obtenir une stabilité forte et de m’épanouir de nouveau…

J’ai eu de la chance, car l’accès aux soins en santé mentale est limité et les soins préventifs n’existent à peu près pas. C’est d’ailleurs mon cheval de bataille aujourd’hui: militer pour que ces soins soient étendus. C’est d’autant plus important en cette période si fragilisante sur le plan de la santé mentale.

D’où votre engagement dans la cause de la santé mentale…

En effet! Je suis engagée dans la campagne Bell Cause pour la cause, mais cette année je suis aussi porte-parole du Festival de films Au Contraire. Ce festival, qui existe depuis huit ans, vise à financer la Maison UP Donald Berman, fondée par l’organisme Paradis urbain. Cette maison offre une transition aux adultes montréalais atteints d’une maladie mentale en les aidant à rebâtir leur confiance, à retrouver leur raison d’être et leur vie communautaire. Car lorsqu’on sort de l’hôpital, on n’est pas nécessairement prêt à reprendre le collier du boulot ou la vie sociale…

Le Festival de films Au Contraire contribue également à démythifier les maladies mentales et à enrayer la stigmatisation des personnes qui en souffrent. Les films, courts métrages et documentaires qu’il présente offrent une vision réaliste et en profondeur des enjeux relatifs aux différentes maladies, dont la schizophrénie, les troubles obsessionnels-compulsifs. Ils permettent de sensibiliser la population quant à la façon dont les gens vivent avec ces maladies. Et aux personnes malades de constater qu’elles ne sont pas seules à vivre ces symptômes et qu’il existe des solutions et des communautés autour d’elles.

Artistiquement, ce sont de très beaux films!

Avec vos études en psychologie, vous visez donc à réorienter votre carrière?

Il y a près de deux ans, j’ai vécu une crise identitaire relativement au travail. J’adorais toujours la musique, mais je ne me voyais pas faire carrière à long terme en raison de tous les changements qui bouleversent l’industrie depuis quelques années.

J’ai alors entamé un diplôme d’études supérieures en santé mentale à l’Université TÉLUQ ‒ que je suis d’ailleurs sur le point de terminer. Quand je me levais le matin, j’étais davantage attirée par mes livres que par mon piano! J’ai tellement aimé mes cours ‒ surtout ceux sur le système nerveux et le fonctionnement de nos émotions ‒ que j’ai décidé de changer de carrière.

Cet été, je me suis donc inscrite à l’Université de Montréal en psychologie. C’est un retour pour moi, qui ai obtenu un diplôme en science de la communication en 2005 à l’UdeM!

J’étudie à temps plein et, grâce à la reconnaissance de plusieurs de mes cours, je devrais pouvoir commencer un doctorat d’ici deux ans, possiblement en neuropsychologie ou en psychologie clinique. Je souhaite explorer l'abus de substances chez les artistes de la scène et les répercussions de la COVID-19 sur ceux-ci.

Il faut dire que j’ai grandi dans le «quartier des écoles»: j’habitais sur l’avenue Decelles quand j’étais jeune, ma mère a été à l’UdeM, mes amies aussi. Mon premier choix était d’étudier ici et Ghyslain Giguère a été une personne clé au moment de déterminer mon parcours de formation! Il m’a consacré deux heures sur Zoom afin de m’exposer les plans A, B et C pour me rendre au doctorat tout en tenant compte de mon accouchement, prévu pour février prochain! Ce soutien compte énormément quand on effectue un retour aux études!

Et les cours en ligne, vous aimez?

Comme je suis enceinte de presque six mois et que je continue à faire des apparitions à la radio et à la télé, les cours en ligne sont avantageux pour moi!

Par contre, pour ma fille de 14 ans ainsi que pour ma nièce qui fréquente HEC Montréal, les cours à distance ne sont pas l’idéal… L’absence des camarades de classe, de la vie de campus, des partys et des activités des associations étudiantes, c’est dur pour elles.