Bravo aux chercheurs de l’Université de Montréal
- UdeMNouvelles
Le 24 novembre 2020
- Martine Letarte
Les réalisations récentes des chercheurs de l’UdeM ont été célébrées à la cérémonie Bravo à nos chercheurs.
La communauté de l’Université de Montréal s’est réunie virtuellement le 11 novembre pour assister à la cérémonie Bravo à nos chercheurs afin de rendre hommage à celles et ceux qui se sont illustrés dans la dernière année. Certains ont obtenu ou ont vu se renouveler une chaire de recherche du Canada ou une chaire philanthropique, d’autres ont su aller chercher des subventions de recherche majeures ou encore ont remporté un prix ou une distinction au Québec ou à l’étranger.
Les succès de plus d’une centaine de chercheurs et de chercheuses ont ainsi été soulignés durant la cérémonie. «Le travail que vous avez fait dans la dernière année n’est rien de moins qu’exceptionnel, a affirmé Daniel Jutras, recteur de l’UdeM. Vous avez démontré de manière vraiment éloquente que, à l’Université, le savoir continue de progresser en santé, éducation, sciences, arts et lettres, sciences humaines et sociales et aussi au croisement de disciplines.»
Le recteur a également souligné la participation de plusieurs chercheurs aux efforts de lutte contre la COVID-19. «Certains d’entre vous sont même devenus des visages connus du grand public. Ce que vous avez fait tous et toutes, sans exception, c’est d’imprégner une idée forte dans la tête des gens. Cette idée, c’est celle de la pertinence des universités. C’est l’idée qu’en temps normal, comme en temps de crise, l’université est une valeur sûre, un rempart de la rationalité, un endroit où l’on crée et cherche des solutions aux problèmes les plus pressants, un véritable service essentiel.»
L’Université de Montréal a d’ailleurs été propulsée au 73e rang mondial des meilleurs établissements universitaires dans le classement du Times Higher Education. C’est un bond de 12 places par rapport à l’an dernier. «C’est essentiellement dû à l’accroissement de notre réputation en recherche», a précisé Daniel Jutras.
En célébrant les réussites des chercheurs et chercheuses et de leurs équipes, la cérémonie, animée par Marie Lambert-Chan, rédactrice en chef de Québec Science, a aussi braqué les projecteurs «sur des disciplines et des thèmes de recherche, sur des visions qui sont audacieuses, créatives et qui ont une influence sur l’ensemble de la société», a déclaré Marie-Josée Hébert, vice-rectrice à la recherche, à la découverte, à la création et à l’innovation de l’UdeM.
UdeMNouvelles s’est entretenu avec quelques-unes des personnes honorées à cette occasion afin d’en savoir un peu plus sur leurs travaux.
Trang Hoang, du Département de pharmacologie et physiologie de la Faculté de médecine et de l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie, a été nommée commandeur de l’Ordre de Montréal et officière de l’Ordre national du Québec.
À quelles réalisations attribuez-vous ces distinctions?
C’est le résultat du travail des équipes que j’ai montées à l’Université de Montréal et à l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie [IRIC]. La créativité et l’innovation en recherche sont très importantes et elles ont leur place au Québec. Comme une cellule, un chercheur a besoin d’un environnement enrichissant pour innover et c’est ce que j’ai travaillé à construire pendant ma carrière tout en poursuivant mon propre programme de recherche. Plusieurs collègues et moi avons eu la chance de fonder l’IRIC avec l’appui du rectorat et des facultés. Contribuer à former la nouvelle génération de chercheurs est extrêmement important et j’ai pu aussi diriger les programmes des cycles supérieurs en biologie moléculaire, les premiers au Québec avec cet angle multidisciplinaire. Nous avons réussi à les transformer en vrais programmes interfacultaires et interinstitutionnels. Ces programmes ont connu un essor extraordinaire et regroupent aujourd’hui des étudiants de la Faculté de médecine et de la Faculté des arts et des sciences supervisés par près d’une centaine de professeurs-chercheurs dans huit instituts de recherche. Sept de ces étudiants et étudiantes ont d’ailleurs reçu le prix de la meilleure thèse de l’Université de Montréal ou de l’Association des doyens des études supérieures au Québec.
Sur quels enjeux de recherche travaillez-vous actuellement?
Mes travaux portent sur la leucémie et les cellules souches. Il existe déjà une chimiothérapie très efficace pour tuer les cellules cancéreuses. Or, ce traitement a des conséquences à long terme. Nos travaux ont permis de découvrir les cellules qui sont à l’origine de la leucémie, les cellules souches préleucémiques. Elles sont plus résistantes aux médicaments, donc elles sont aussi responsables des rechutes. Les cellules souches préleucémiques sont différentes des cellules souches normales et nos travaux visent à cibler leur vulnérabilité pour que nous puissions élaborer une nouvelle approche thérapeutique.
Anne Gallagher, du Département de psychologie de la Faculté des arts et des sciences et du CHU Sainte-Justine, a obtenu la Chaire de recherche du Canada en neuropsychologie de l’enfant et imagerie cérébrale.
Quels travaux vous ont amenée à obtenir cette chaire de recherche?
Au cours de mon doctorat et de mon postdoctorat, je me suis beaucoup intéressée à l’épilepsie réfractaire, qui mène chez certains patients à une neurochirurgie. J’ai conçu une technique adaptée à l’enfant qui fait appel à l’imagerie cérébrale, plus précisément l’imagerie optique et l’électroencéphalographie combinées, pour localiser le langage dans le cerveau. Cela est très important chez certains enfants qui subiront une neurochirurgie et chez qui la localisation du langage est incertaine. Cette technique est maintenant utilisée sur une base clinique au CHU Sainte-Justine. J’ai ainsi réalisé que je pouvais mettre au point des outils qui contribuent à la prise en charge clinique des patients, ce qui me stimule particulièrement. Je m’intéresse aussi à d’autres populations d’enfants à risque de souffrir de problèmes neurodéveloppementaux, comme les enfants nés prématurément ou avec une maladie cardiaque congénitale. Mes projets de recherche visent notamment à découvrir des marqueurs précoces permettant de désigner les enfants les plus à risque d’avoir des problèmes neurodéveloppementaux afin d’intervenir plus tôt et d’améliorer leurs pronostics.
Que souhaitez-vous accomplir avec cette nouvelle chaire?
C’est un beau tremplin pour pousser plus loin mes études entre autres auprès des enfants avec une maladie cardiaque congénitale, qui représentent près de un pour cent des naissances. Parmi ces enfants, environ la moitié auront des troubles neurodéveloppementaux, comportementaux ou cognitifs. Nous les suivons à la Clinique d’investigation neurocardiaque de Sainte-Justine, où je me consacre au volet de la recherche afin d’optimiser et de mieux personnaliser les soins. La Chaire me permettra de tester des interventions. Par exemple, un projet de yoga parent-enfant débutera bientôt et je suis en train de planifier une intervention destinée à réduire le stress parental. Chez les enfants nés prématurément, nous commençons aussi une large étude sur l’effet de l’hypoglycémie sur le développement cérébral. On espère que nos travaux auront une influence positive sur ces enfants et leurs familles.
Jean-Pierre Vaillancourt, du Département de sciences cliniques de la Faculté de médecine vétérinaire, a été nommé chevalier de l’Ordre du mérite agricole de France.
Pourquoi avez-vous reçu ce prix français?
Mes liens avec la France remontent aux années 1980, lorsque j’étais étudiant de maîtrise et que j’ai commencé à y visiter des laboratoires. Puis, dans les années 1990, j’ai commencé à donner des formations en médecine avicole et, en 2017-2018, j’ai passé une année à Toulouse. Je donne des conférences en France sur mes travaux depuis 30 ans. J’ai su aller chercher une reconnaissance internationale en biosécurité et en contrôle régional des maladies infectieuses. C’est beaucoup venu à la suite du 11 septembre 2001, alors que le département de la Sécurité intérieure des États-Unis a demandé à me rencontrer à titre d’expert en biosécurité. Aujourd’hui, je fais partie de différents groupes de travail en France, dont un sur la peste porcine africaine, qui est une grande menace actuellement en France, mais aussi au Canada et à l’échelle mondiale.
Quels projets de recherche vous occupent en ce moment?
Je travaille sur l’observance des mesures de biosécurité ainsi que sur la télésanté. Je mets sur pied un réseau de professionnels qui peuvent se retrouver en utilisant des logiciels qui permettent d’échanger des informations, de visualiser des lieux de production, des animaux malades et des nécropsies. Je travaille aussi en biochimie avicole, car cette approche diagnostique nous permet d’améliorer la santé et le bien-être des animaux, ce qui contribue à réduire le recours aux antibiotiques. Je prépare d’ailleurs un livre sur le sujet avec plusieurs collègues. En collaboration avec des collègues français, j’étudie l’usage du drone dans le contrôle régional des maladies. Grâce au drone, on peut avoir des perspectives différentes des endroits de production pour en améliorer certains aspects. C’est très important en France, où la production sur parcours est répandue, ce qui signifie que les porcs et la volaille peuvent aller à l’extérieur. C’est également une tendance forte au Canada et au Québec avec la production biologique, mais la France a une longueur d’avance.
Marie-Hélène Benoit-Otis, de la Faculté de musique, a obtenu la Chaire de recherche du Canada en musique et politique et est devenue membre du Collège de nouveaux chercheurs et créateurs en art et en science de la Société royale du Canada.
Quels travaux vous ont valu cette chaire de recherche?
L’obtention de cette chaire s’appuie sur une dizaine d’années de travaux sur les liens entre la musique et la politique. J’ai commencé par réaliser un projet de recherche avec une collègue en France, Cécile Quesney: le livre Mozart 1941, qui explore l’utilisation des œuvres de Mozart par la propagande nazie. Avec un collègue de littérature comparée à l’UdeM, Philippe Despoix, on a mené une étude sur la musique dans les camps de concentration. Les deux projets ont ouvert d’autres avenues de recherche et je me suis dit qu’il serait intéressant de partir de là pour créer un programme de recherche plus vaste sur les liens entre la musique et la politique dans lequel pourraient s’insérer les travaux de mes étudiants et étudiantes.
Que souhaitez-vous accomplir avec cette chaire?
La grande ambition derrière cette chaire est de contribuer à mieux comprendre comment la musique peut porter un discours politique et comment les chercheurs abordent la question. C’est une réflexion large, qui repose sur des études de cas très diverses: par exemple, une étudiante s’intéresse à la vie musicale dans le Portugal de Salazar, une autre au répertoire associé au mouvement suffragiste aux États-Unis. Pour ma part, j’ai beaucoup travaillé sur le Troisième Reich, mais maintenant je voudrais explorer comment, après la guerre, le même répertoire musical a été utilisé cette fois pour redémocratiser l’Europe.