Quatre millions de grossesses et plus de 20 ans de données

Le nouveau projet d'Anick Bérard est l'un des 102 projets de 60 universités, collèges et hôpitaux de recherche canadiens qui ont reçu plus de 518 M$ en subventions de recherche aujourd'hui par le biais de la Fondation canadienne pour l'innovation.

Le nouveau projet d'Anick Bérard est l'un des 102 projets de 60 universités, collèges et hôpitaux de recherche canadiens qui ont reçu plus de 518 M$ en subventions de recherche aujourd'hui par le biais de la Fondation canadienne pour l'innovation.

Crédit : Getty

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La chercheuse Anick Bérard reçoit trois millions de dollars pour étudier les risques et avantages de l'utilisation des médicaments par les femmes enceintes au Canada.

Anick Bérard

Qualifiant son projet de recherche de «vital», le gouvernement fédéral vient d’accorder 1,2 M$ à Anick Bérard, professeure à la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, pour étudier l'utilisation des médicaments par les futures mères au Canada.

Avec son équipe du CHU Sainte-Justine, affilié à l'UdeM, et grâce à un financement supplémentaire de 1,8 M$ d'organismes partenaires, elle recueillera et analysera les données médicales et hospitalières de 1998 à 2020 sur plus de quatre millions de grossesses.

Les données proviendront du Québec, de l'Ontario et des trois provinces des Prairies.

De plus, l'équipe mettra en place un système de surveillance pour désigner rapidement et précisément les signaux épidémiologiques qui aideront les décideurs en santé à mieux évaluer les risques et les avantages de la prise de médicaments par les femmes enceintes.

L’étude, appelée CAMCCO (pour Canadian Mother-Child Cohort), comporte deux volets: la constitution des cinq cohortes provinciales à l'intention des chercheurs et l’implantation du système de surveillance à l'intention des décideurs.

Ce travail comblera un important «déficit de connaissances», a déclaré l'organisme subventionnaire, la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI), car «plus de 75 % des femmes enceintes prennent des médicaments dont nous ne connaissons pas les risques ou les avantages pour la mère ou le bébé».

Pour la Fondation, «cette étude servira, entre autres, à la révision des lignes directrices et des politiques de santé afin d'améliorer la manière dont nous utilisons et prescrivons les médicaments pendant la grossesse et l'enfance, ce qui permettra aux enfants et à la population générale d'être en meilleure santé».

Experte reconnue en matière de grossesse et de dépression, Anick Bérard a déjà établi des liens entre les antidépresseurs et les malformations congénitales, le faible poids à la naissance, l'hypertension gestationnelle, les fausses couches et l'autisme.

Son nouveau projet est l'un des 102 projets de 60 universités, collèges et hôpitaux de recherche canadiens qui ont reçu plus de 518 M$ en subventions de recherche par le biais de la FCI, annonce faite aujourd'hui par le premier ministre Justin Trudeau.

Il était accompagné de François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l'Industrie. L'annonce était suivi d'une discussion virtuelle entre le ministre, la professeure Bérard et ses collègues de l'Université York et de l'Université de Calgary. 

Parmi les autres recherches financées figurent un projet en vue d’accélérer la production de vaccins (CHU de Québec-Université Laval), un projet de suivi du changement climatique à l'aide de capteurs océaniques (Université Dalhousie) et un autre visant à construire un laboratoire pour tester la création de campus «intelligents» (Université Ryerson).

Nous avons interrogé la professeure Bérard sur sa nouvelle subvention et ce qu'elle compte en faire.

Les mégadonnées ne vous font pas peur: vous avez déjà étudié l'utilisation de médicaments d’ordonnance dans une cohorte de plus d'un demi-million de femmes enceintes du Québec. En quoi votre nouveau projet est-il différent?

Cette fois-ci, nous visons à mettre en place des cohortes de grossesses longitudinales standardisées et harmonisées dans cinq provinces: Québec, Ontario, Manitoba, Saskatchewan et Alberta. Basées sur le modèle de la Cohorte des grossesses du Québec, elles comprendront des données relatives à la facturation et à l’acte de naissance, médicales, hospitalières et sociodémographiques sur environ quatre millions de femmes enceintes, de mères et d'enfants. Il sera essentiel de disposer de ces mégadonnées pour étudier les complications, qui demeurent rares, telles les malformations congénitales.

Les données canadiennes existantes sont-elles insuffisantes pour cette tâche?

Le système de soins de santé universel du Canada, qui est principalement administré par les provinces, fournit une multitude de données probantes réelles qui peuvent être employées pour la recherche et l'élaboration des politiques. Mais ces données ne sont pas à priori organisées aux fins de recherche; avant de pouvoir être utilisées, elles doivent être standardisées et harmonisées. C'est là qu'intervient notre étude: une fois que l’infrastructure sera opérationnelle, les chercheurs et chercheuses pourront enfin mener des recherches de pointe sur les risques et avantages de l'utilisation des médicaments pendant la grossesse en temps réel. De plus, en standardisant et harmonisant les cohortes provinciales, nous pourrons établir une plateforme de surveillance en ligne pour désigner des signaux qui aideront les décideurs en santé à mieux évaluer tous les risques et les avantages liés à la prise de médicaments.

Qui sont vos partenaires dans ce projet et quelles sont leurs contributions respectives?

L’étude CAMCCO comprend des chercheurs et chercheuses de cinq établissements, en plus de l'UdeM: Sasha Bernatsky et Évelyne Vinet, de l'Université McGill; Mark Walker, Steven Hawken et Anne Sprague, de l'Université d'Ottawa; Sherif Eltonsy et Dan Château, de l'Université du Manitoba; Brandy Winquist, de l'Université de la Saskatchewan; et Padma Kaul, de l'Université de l'Alberta. Nous avons également des collaborateurs de Santé Canada et de l'initiative Sentinel de la Food and Drug Administration américaine, par l'intermédiaire de Judith Maro, de la Harvard Medical School. Avec cinq cohortes provinciales mères-enfants à standardiser et à harmoniser, les investigateurs de chaque province seront responsables de la validité et de la confidentialité de leurs données. Les chercheurs de CAMCCO participeront à l'harmonisation et à la recherche, et les collaborateurs apporteront leur expertise en épidémiologie périnatale. La coordination sera assurée à Montréal, au CHU Sainte-Justine, et la plateforme de surveillance y sera basée.

 

 

Allez-vous examiner d'autres facteurs qui ont une incidence sur la grossesse ‒ comme le régime alimentaire, le mode de vie et le tabagisme ‒ et leur interaction avec la consommation de médicaments d’ordonnance?

Bien que ces données ne soient pas systématiquement recueillies dans les bases de données provinciales auxquelles nous avons accès, nous prévoyons obtenir des données sur le mode de vie, le tabagisme, la consommation d'alcool et d'acide folique dans des échantillons représentatifs de femmes enceintes des cohortes provinciales afin d'estimer leur effet sur l'ensemble de la recherche. Nous nous concentrons actuellement sur les médicaments et la grossesse, mais en constituant des cohortes de femmes enceintes remontant à près d'un quart de siècle, nous pourrons également étudier les répercussions d’interventions ou de comorbidités maternelles ainsi que des complications à plus long terme, comme les maladies métaboliques et rhumatismales et l'asthme chez l’enfant, pour n'en citer que quelques-unes.

Quel est le calendrier de vos recherches? Quand comptez-vous publier vos résultats?

Nous avons lancé CAMCCO au printemps 2019 grâce à un financement de démarrage des Instituts de recherche en santé du Canada et de Santé Canada, et très bientôt nous soumettrons la description de l'infrastructure et nos résultats préliminaires pour publication. Quant à la standardisation et à l'harmonisation des cinq cohortes provinciales mères-enfants, cela prendra trois ans, en comptant le temps nécessaire à la formation du personnel, des chercheuses et chercheurs postdoctoraux et des étudiantes et étudiants diplômés. La plateforme de surveillance en ligne sera mise en place plus rapidement – elle devrait être fonctionnelle cet automne – et cet été nous pourrions avoir des résultats concernant les risques et les avantages de l'utilisation d'opioïdes pendant la grossesse, peut-être même sur les médicaments et les vaccins pour le traitement et la prévention de la COVID-19.

À propos de ce financement et de la FCI

Une liste complète des projets financés par la Fondation canadienne pour l'innovation, ainsi que des articles sur les recherches d'Anick Bérard et d'autres bénéficiaires de subventions, peut être consultée sur Innovation.ca. La FCI finance les chercheuses et chercheurs canadiens depuis plus de 20 ans en investissant dans les installations et les équipements des universités, collèges, hôpitaux de recherche et établissements de recherche à but non lucratif du pays.

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