La résistance aux antibiotiques est l’une des plus grandes menaces pour la santé publique et la santé animale

  • Forum
  • Le 18 mai 2021

  • Martin LaSalle
Les antibiotiques sont administrés dans les populations humaines et animales, mais c’est surtout dans le secteur agroalimentaire que les quantités sont les plus grandes étant donné le nombre d’animaux au Canada et le poids de certains d’entre eux.

Les antibiotiques sont administrés dans les populations humaines et animales, mais c’est surtout dans le secteur agroalimentaire que les quantités sont les plus grandes étant donné le nombre d’animaux au Canada et le poids de certains d’entre eux.

Crédit : Getty

En 5 secondes

La Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM est engagée dans les programmes gouvernementaux canadien et québécois visant à combattre la résistance aux antibiotiques au pays.

«La résistance des bactéries aux antibiotiques continue de s’aggraver malgré les ressources toujours plus importantes consacrées à la gestion de cette problématique, qui constitue l’une des plus grandes menaces pour la santé publique et la santé animale.»

C’est ainsi que Marie Archambault, vice-doyenne aux affaires académiques et étudiantes à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, a amorcé sa conférence prononcée à distance au 88e Congrès de l’Acfas, qui s’est déroulé du 3 au 7 mai.

La médecin vétérinaire a expliqué en quoi cette résistance pose un problème global, pour ensuite présenter les grandes lignes des programmes canadien et québécois de la lutte contre la résistance aux antimicrobiens.

La théorie de Darwin à l’échelle microscopique

Marie Archambault

La découverte des antibiotiques au début du 20e siècle a constitué une avancée majeure dans le traitement d’infections bactériennes de toutes sortes tant pour les humains que pour les animaux domestiques.

Toutefois, au cours des 30 dernières années, peu de nouveaux types d’antibiotiques ont été conçus, de sorte que les bactéries sont parvenues à s’adapter à ceux qui existent en modifiant leur code génétique ou par l’acquisition de nouveaux gènes.

«L’adaptation des bactéries aux antibiotiques constitue un très bel exemple de la théorie de la sélection naturelle de Darwin, a illustré Marie Archambault. Grâce aux mutations ou à l’acquisition de nouveaux gènes, elles se modifient. C’est un peu comme si les gènes de résistance aux antibiotiques étaient une ressource unique, commune et partagée entre toutes les bactéries de la planète.»

La capacité d'une bactérie à empêcher un antibiotique d'agir contre elle est associée à des traitements standards qui deviennent inefficaces et à des infections persistantes qui peuvent se propager à d'autres animaux.

Utilisation de grandes quantités d’antibiotiques

Les gènes responsables de la résistance aux antibiotiques se transmettent directement ou indirectement entre les humains, les animaux destinés à l’alimentation, les animaux de compagnie, les animaux sauvages et l’environnement.

Crédit : Getty

Les pays industrialisés, comme le Canada, utilisent une quantité importante d’antibiotiques pour traiter les infections chez les humains, mais aussi et surtout dans le secteur agroalimentaire.

«Pour donner une idée de la situation, soulignons que le Canada compte 38 millions d’habitants – soit 0,5 % de la population mondiale – comparativement à environ 606 millions de volailles, 133 millions de poissons d’élevage, 26 millions de porcs, 8 millions de bovins, 7 millions de chats et 6 millions de chiens», a évoqué la Dre Archambault.

«Nous sommes à l’ère postantibiotique, où les gènes de résistance aux antibiotiques se sont mobilisés dans les bactéries de la flore normale des humains et des animaux, a ajouté la médecin vétérinaire. Il y a eu une expansion mondiale de certains clones résistants ainsi qu’une dissémination des gènes de résistance de sorte que plus on utilise les antibiotiques, plus on sélectionne les bactéries résistantes.»

En effet, la prise d’antibiotiques élimine les bactéries non résistantes, laissant ainsi toute la place aux bactéries résistantes pour coloniser l’hôte.

«Au final, les gènes responsables de la résistance se transmettent directement ou indirectement entre les milieux d’accueil que sont les humains, les animaux destinés à l’alimentation, les animaux de compagnie, les animaux sauvages et l’environnement… D’où la pertinence d’adopter une approche basée sur le concept Une seule santé, selon lequel la santé des personnes est liée à celles des animaux et de l’environnement», a précisé la Dre Archambault.

Surveiller et repousser la menace

Les antibiotiques sont administrés dans les populations humaines et animales, mais c’est surtout dans le secteur agroalimentaire que les quantités sont les plus grandes étant donné le nombre d’animaux au Canada et le poids de certains d’entre eux.

Aussi, l’Organisation mondiale de la santé a élaboré un plan d’action à l’échelle de la planète pour combattre la résistance aux antibiotiques, auquel a adhéré le Canada en adoptant, en 2017, un cadre d’action pancanadien intitulé La lutte contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation. Il est constitué de quatre éléments, soit la surveillance, la prévention et le contrôle des infections, l’intendance et la recherche et l’innovation – notamment en matière de vaccins et de nouveaux médicaments.

En 2017 aussi, le gouvernement québécois a adopté un plan d’action sur l’antibiogouvernance. Ce plan consiste en huit composantes, soit l’éducation, l’observance, les lignes directrices, les considérations pharmacologiques, les données cliniques, l’antibiosurveillance, la prévention et le contrôle et la règlementation. L’approche des cinq R (responsabilité, réduction, raffinement, remplacement et révision) guide les actions.

«L’une des actions privilégiées vise à pérenniser et à optimiser les mécanismes de collecte de données d’utilisation des antibiotiques ou à en créer de nouveaux. Nous sommes à effectuer une étude de faisabilité quant à la mise en place d’un système de monitorage pour suivre l’utilisation des antibiotiques dans le secteur de la santé animale au Québec», a dit Marie Archambault.

Il importe de mentionner que la Faculté de médecine vétérinaire participe depuis 1993 au programme québécois d’antibiosurveillance vétérinaire du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation afin de documenter l’état de la situation au Québec quant à la résistance de certaines bactéries pathogènes d’origine avicole, bovine, porcine à des antibiotiques d’importance en médecine vétérinaire et en santé publique.

«L’utilisation judicieuse des antibiotiques est devenue un enjeu majeur pour l’industrie agroalimentaire, plus particulièrement avec la venue du concept Une seule santé, selon lequel tous les milieux sont interreliés, soit la médecine vétérinaire, la médecine humaine, les productions animales et l’environnement, conclut Mme Archambault. Les initiatives canadienne et québécoise visent à mieux encadrer le recours aux antibiotiques dans tous les domaines médicaux, incluant la médecine vétérinaire, afin de diminuer les effets de la résistance aux antibiotiques.»