Les étudiants racisés des universités vivent des relations sociales inégales

L'étude de la professeure Marie-Odile Magnan vise à éclairer le rôle de l'université «en tant qu'espace contribuant à la (re)production et même à la réification des rapports sociaux de race».

L'étude de la professeure Marie-Odile Magnan vise à éclairer le rôle de l'université «en tant qu'espace contribuant à la (re)production et même à la réification des rapports sociaux de race».

Crédit : Getty

En 5 secondes

Une recherche menée par la professeure Marie-Odile Magnan tend à démontrer que les étudiantes et les étudiants racisés vivent des microagressions dans les universités montréalaises.

«Si j’avais eu des professeurs d’un background diversifié, peut-être que j’aurais dit OK, c’est possible pour quelqu’un qui n’est pas québécois blanc de réussir à l’université et cela m’aurait motivé…»

Voilà un exemple de propos tenus par des étudiants racisés qui fréquentent l’une ou l’autre des quatre universités montréalaises.

Titulaire de la Chaire en relations ethniques de l'Université de Montréal et professeure agrégée au Département d'administration et fondements de l'éducation de la Faculté des sciences de l’éducation de l'UdeM, Marie-Odile Magnan a récemment publié une étude qualitative dans la revue Race Ethnicity and Education qui vise à éclairer le rôle de l'université «en tant qu'espace contribuant à la (re)production et même à la réification des rapports sociaux de race».

Quand les microagressions s’accumulent au fil du temps

Marie-Odile Magnan

Crédit : Amélie Philibert

Sociologue de l’éducation et répondante en matière d’équité, de diversité et d’inclusion pour sa faculté, Marie-Odile Magnan est spécialisée en recherche sur les inégalités scolaires du primaire jusqu'au postsecondaire, telles qu’elles sont rapportées par les jeunes.

Pour les besoins de cette étude*, son équipe et elle ont interrogé (avant la pandémie) 30 étudiantes et étudiants nés de parents émigrés d'Haïti et d'Afrique subsaharienne, inscrits en première année dans des programmes d'études variés de l’une ou l’autre des quatre universités de la métropole.

Au cours des entretiens, qui duraient de 90 à 120 minutes, les participants et participantes ont pu raconter leur histoire et, plus précisément, le parcours migratoire de leurs parents, leurs années d’études au primaire, au secondaire et au collégial, leur processus d'orientation postsecondaire et, enfin, leur expérience à leur première année d'université.

«Leurs témoignages ont permis de documenter leurs points de vue sur les effets de l’environnement et des interactions universitaires sur leur vécu, ce qui nous a permis de décrire et d’analyser leur discours sur la “frontière entre eux et nous”, les rapports sociaux de race à l’université ainsi que les discriminations et microagressions subies», indique Mme Magnan.

Par microagression, la professeure désigne «tout ce qu’on se fait dire au quotidien et qui paraît banal pour le groupe majoritaire, mais qui de façon répétée finit par créer un ras-le-bol, un sentiment d’infériorisation, d’exclusion ou d’aliénation. Ce n’est pas du racisme direct, mais une accumulation vécue à l’intérieur du système éducatif».

Ces microagressions peuvent provenir à la fois des interactions avec les autres étudiants ou des enseignants, ou être le fait de la réalité institutionnelle, par exemple en raison de la sous-représentation de personnes racisées au sein du personnel ou de leurs classes.

Pris globalement, les incidents relatés par les étudiantes et étudiants racisés «les ramènent constamment à leur altérité, leur position sociale vis-à-vis des rapports de pouvoir, qu'ils qualifient de rabaissants, relève la professeure. Ils mettent aussi en évidence la perception de ces frontières sur le plan institutionnel dans le choix du personnel embauché, l'image perçue blanche de l'établissement dans le matériel promotionnel, la prédominance de programmes d'études ethnocentriques et la vie étudiante».

Pour davantage de sensibilisation et de formation

Le fait que les participants et participantes ont rapporté des microagressions commises par des membres du personnel enseignant a grandement surpris Marie-Odile Magnan.

«On peut dire qu’il y a un manque de formation ou de sensibilité et qu’il y aurait lieu que les universités offrent des ateliers comme ceux qui ont été donnés à l’ensemble de leur personnel en matière de consentement et de harcèlement sexuel; ce serait un pas dans la bonne direction», ajoute-t-elle.

Selon elle, les résultats de l’étude «invitent à une réflexion sur le rôle de l'université et ses pratiques, ainsi que sur son programme officiel, pour valoriser formellement l'équité, la diversité et l'inclusion pour tous les étudiants et les étudiantes et tous les membres du personnel de la communauté universitaire».

 

* L’étude a été effectuée par Marie-Odile Magnan en collaboration avec ses collègues Tya Collins, Pierre Canisius Kamanzi et Véronique Valade, du Département d’administration et fondements de l’éducation, ainsi que Fahimeh Darchinian, du Département de sociologie de l’UdeM.

Un plan d’action est en place à l’UdeM

Reconnaissant l’importance d’agir pour favoriser l’égalité des chances dans toutes ses activités et offrir à sa communauté un milieu de vie inclusif et représentatif de l’ensemble de la société, l’Université de Montréal adoptait, à la séance du 11 mai 2020 de l’Assemblée universitaire, le plan d’action Pour l’équité et l’inclusion 2020-2023, qui fixe huit objectifs institutionnels déclinés en plus de 170 mesures à réaliser selon un échéancier précis.

Résultant d’une vaste mobilisation de la communauté autour des enjeux soulevés par les diversités multiples qui l’enrichissent ainsi que de l’Énoncé de vision sur l’équité, la diversité et l’inclusion présenté en mai 2019, ce plan «témoigne de l’engagement de l’Université de Montréal à mettre l’équité, la diversité et l’inclusion au cœur de son développement à travers chacune de ses missions».