L’Assemblée universitaire adopte l’énoncé de principes à l’unanimité

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Le 14 juin, l’Assemblée universitaire a adopté à l’unanimité l’énoncé de principes présenté dans le «Rapport de la Mission du recteur sur la liberté d’expression en contexte universitaire».

Le Rapport de la Mission du recteur sur la liberté d’expression en contexte universitaire a été présenté le 14 juin à l’Assemblée universitaire. Elle a adopté l’énoncé de principes et examinera les recommandations à la rentrée.

La Mission, composée de membres de la communauté étudiante, du personnel enseignant et des personnels de soutien et administratif, a rédigé l’énoncé de principes en s’appuyant sur les données empiriques recueillies dans la communauté au cours de consultations.

«Nous avons analysé collectivement les contributions, ce qui a nécessité de nombreuses heures de discussion, pour tisser un accord entre nous alors que nous avons tous des perceptions et des vécus différents, et je remercie le recteur de nous avoir donné la chance de faire ce travail d’intérêt collectif», explique Valérie Amiraux, vice-rectrice aux partenariats communautaires et internationaux et présidente de la Mission.

L’énoncé de principes s’ouvre par l’affirmation que l’Université de Montréal est une «institution autonome consacrée à la production et à la transmission des savoirs. À ce titre, elle agit comme vecteur de changement et est un lieu de discussion, de débats et de controverses scientifiques. Elle assure le développement d’un rapport critique aux savoirs et veille au transfert des connaissances dans la société. Cette vocation de l’institution universitaire repose sur un engagement de toutes les parties dans la libre discussion scientifique. L’Université de Montréal réaffirme et protège son autonomie institutionnelle à l’égard des organismes subventionnaires, des instances gouvernementales et des entités politiques comme des acteurs économiques ou philanthropiques».

«Je pense qu’il était essentiel de le rappeler d’emblée parce que l’autonomie est une condition à la liberté d’expression de tous les membres de notre communauté, quel que soit leur rôle à l’UdeM, quel que soit leur domaine de spécialisation scientifique», affirme Valérie Amiraux.

Trouver l’équilibre

Daniel Jutras

Crédit : Amélie Philibert

En plus de rappeler l’autonomie, l’énoncé de principes «réaffirme et protège les libertés universitaires des membres de son corps enseignant, leurs choix pédagogiques et leurs orientations de recherche. Ainsi, aucun mot, aucun concept, aucune image, aucune œuvre ne sauraient être exclus a priori du débat et de l’examen critique dans le cadre de l’enseignement et de la recherche universitaires».

En contrepartie, «l’Université de Montréal s’engage à favoriser des échanges respectueux entre ses membres et avec les intervenants invités à prendre la parole dans le cadre de conférences, de communications ou d’autres activités universitaires. Elle s’assure que tous les membres de la communauté universitaire peuvent en confiance rapporter un incident afin d’être accompagnés adéquatement et de résoudre une situation problématique. L’Université de Montréal condamne toute incivilité, tout propos haineux et toute expression discriminatoire ou raciste. En aucun cas, une personne tenant de tels propos ne peut se retrancher derrière ses libertés universitaires ou, de façon générale, sa liberté d’expression».

«Comme recteur, mais aussi comme chercheur en droit, je pense que c’est un énoncé de principes très riche avec un très bel équilibre entre les différentes perspectives et il a tout le potentiel pour devenir un modèle au Québec. D’ailleurs, le gouvernement a créé en mars dernier un comité d’experts sur la reconnaissance de la liberté académique, et l’énoncé de la Mission sera soumis au comité à titre de contribution de l’UdeM, indique le recteur Daniel Jutras. Je tiens à exprimer ma gratitude à toute l’équipe qui a accepté de composer la Mission et de réaliser ce travail essentiel avec une grande finesse.»

128 contributions individuelles et collectives

Valérie Amiraux

Crédit : Amélie Philibert

Pour réaliser son mandat, la Mission a sollicité un maximum de témoignages pour se pencher sur la portée des libertés universitaires, leurs différentes manifestations et leurs freins. Elle a reçu 128 contributions individuelles de membres de la communauté (personnel enseignant, étudiantes et étudiants, personnels administratif et de soutien) et 7 contributions collectives (associations et syndicats). Ces contributions ont été écrites ou présentées lors d’audiences tenues en visioconférence entre le 12 mars et le 14 mai 2021.

«La communauté universitaire a montré beaucoup d’intérêt pour la question de la liberté d’expression et c’était une conversation nécessaire», souligne Valérie Amiraux.

Dans les grands constats, la Mission remarque une hétérogénéité des expériences avec des réflexions qui dépassent largement le contexte de la salle de cours, mais qui s’étendent notamment à la vie départementale, aux réseaux sociaux, à l’organisation de conférences sur le campus, aux entretiens donnés par les chercheurs dans les médias, à l’engagement militant, aux relations entre collègues et entre étudiants ainsi qu’à la présence d’endroits sécuritaires sur le campus.

La Mission note aussi que les opinions exprimées sont nuancées, loin de la polarisation qu’on a pu observer dans la couverture médiatique au Québec de certains incidents survenus dans d’autres universités. Mais elle constate une inquiétude par rapport au risque que des tensions se manifestent à l’avenir et viennent fragiliser la cohésion de la communauté universitaire ou le climat d’enseignement.

Par exemple, dans les consultations, il a été question de la culture du bannissement. Un professeur a mentionné qu’il trouvait la situation très inconfortable parce qu’elle engendre une peur d’utiliser un mot ou une expression incorrecte en classe sans mauvaise intention et de susciter une microagression chez une étudiante ou un étudiant.

À l’inverse, plusieurs membres de la communauté ont dit que, s’ils sont exposés à des incivilités, des préjugés, des propos haineux ou discriminatoires, ils n’ont pas le sentiment de pouvoir être entendus ou adéquatement accompagnés dans leurs démarches.

Si, dans la majorité des cas, des solutions aux enjeux exposés ont été trouvées localement, les consultations ont montré qu’il y avait une méconnaissance des ressources internes susceptibles d’intervenir, de même que du cadre juridique et règlementaire.

Les recommandations

Les membres de la Mission ont ciblé quatre grands domaines d’intervention pour produire leurs recommandations, qui seront discutées par l’Assemblée universitaire à sa séance de la rentrée.

Certaines pourraient être réalisées rapidement, comme la communication de l’énoncé de principes et la centralisation des textes, règlements et ressources institutionnels concernant l’exercice des libertés d’expression en contexte universitaire pour les rendre facilement accessibles. C’est également le cas de la mise en place de dispositifs de partage de ressources pédagogiques, comme des communautés de pratique qui reflètent la diversité des approches déjà éprouvées par le personnel enseignant pour aborder des thèmes et des œuvres sujets à controverse.

Une autre recommandation est de produire un règlement pour interdire la cyberintimidation. «C’est un gros enjeu et il faudra y investir du temps, observe Valérie Amiraux. Il faut qu’un règlement vienne préciser explicitement que les réseaux sociaux sont un lieu où peuvent se dérouler des activités universitaires et vienne les encadrer afin d’éviter les risques de cyberintimidation.»

Enfin, la Mission recommande que les facultés et services se dotent d’une ressource pour recueillir les témoignages lorsque des situations problématiques surviennent et faire de la médiation entre les parties. Dans la même veine, elle recommande que le rectorat mette en place dans les meilleurs délais des structures d’intervention en matière d’incidents haineux et de racisme pour l’ensemble de la communauté universitaire avec le mandat de former, d’accompagner et d’intervenir qui viendra avec un pouvoir d’enquête.

«Si les recommandations sont adoptées par l’Assemblée universitaire, nous regarderons la manière dont nous les déploierons sur le terrain en assurant un certain équilibre entre les modalités plus formelles et informelles, mais chose certaine, la réalisation de ce rapport a ouvert la parole sur l’enjeu de la liberté d’expression en contexte universitaire et il faudra continuer dans cette direction, déclare le recteur. Nous ne sommes pas à la fin de la conversation, mais au début.»

Le texte complet de l’énoncé de principes ainsi que les annexes sont accessibles sur le site de la Mission.