COVID-19: un plan pour réduire les inégalités dans le développement des enfants

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Un plan pour réduire les inégalités dans le développement des enfants causées par la pandémie: c’est le cœur d’un article de Sylvana Côté publié dans la «Revue canadienne de santé publique».

Sylvana Côté

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Les enfants ne vivent pas tous le confinement de la même façon. «Ceux qui le vivent dans une maison de campagne à Charlevoix et qui font beaucoup de ski ont de bonnes chances de moins en subir les effets à long terme que ceux qui habitent dans un logement insalubre et dont les parents sont absents ou supportent beaucoup de stress», affirme d’emblée Sylvana Côté, directrice de l’Observatoire pour l’éducation et la santé des enfants (OPES).

Les inégalités existent, pandémie ou pas, mais le fait de ne plus prendre le chemin de l’école chaque matin a de nombreuses répercussions sur les enfants. «L’école agit comme un égalisateur social et c’est pour cette raison que le gouvernement a tout fait pour garder le plus possible les écoles ouvertes, dit la chercheuse du CHU Sainte-Justine. Il faut applaudir les efforts qui sont faits parce que ce n’était pas gagné d’avance. Il y a eu des choix difficiles à faire, mais l’école a été au sommet des priorités parce que son interruption a des conséquences importantes sur le développement des enfants et sur le fonctionnement de toute la société.»

Les enfants ont tout de même vécu des perturbations majeures en raison de la pandémie et Sylvana Côté a regardé ce qui s’est passé en matière de retards d’apprentissage, de bien-être et de santé mentale, puis de saines habitudes de vie. Si l’on s’inquiète de voir les inégalités sociales se creuser pour ces raisons, l’ampleur des effets négatifs de la crise sanitaire dépendra de la façon dont on s’organisera pour la limiter. C’est l’objectif de son article «Comprendre et atténuer les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les enfants: un plan pour réduire les inégalités du développement», qui vient d’être publié dans une section spéciale de la Revue canadienne de santé publique préparée par les directeurs des différents axes de l’OPES.

Accès aux données

Le premier élément essentiel pour agir de façon ciblée est l’accès aux données qui permettent de voir plus précisément où sont les besoins. «Dans quelles communautés les besoins sont-ils plus grands? Quels sont ces besoins, exactement? Quelles sont les vulnérabilités personnelles? Ce n’est pas si évident à savoir, mais pour y arriver, il faut faciliter l’accès aux données intersectorielles sur les enfants», indique Sylvana Côté, qui est aussi professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

En novembre, Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux, a déposé un projet de loi pour améliorer l’accès aux données liées à la pratique des médecins pour pouvoir mieux élaborer les politiques et planifier les effectifs médicaux.

«Il faut faire la même chose avec les données en éducation et celles qui ont été collectées dès le début de la vie, signale la professeure. Avoir accès aux données prises pendant la grossesse, à la naissance, lors du suivi pédiatrique lié à la vaccination, puis dans les services d’éducation préscolaire et scolaire nous permettrait de comprendre ce qui se passe quant au développement de l’enfant.»

Intervenir par niveaux

Une fois qu’on aura réuni ces données, on pourra voir qui sont les enfants les plus vulnérables et leur donner du soutien en fonction des facteurs de risque qu’ils présentent.

Le premier niveau s’applique à l’ensemble de la population et comprend des interventions universelles de promotion de la santé. Par exemple, l’article mentionne l’accès pour tout enfant à l’éducation préscolaire de qualité. «Cela réduit les inégalités et permet de préparer les enfants à l’entrée en maternelle, explique la chercheuse. Environ 30 % du réseau des centres de la petite enfance a été développé jusqu’à maintenant, alors c’est pressant de continuer à le mettre en place.»

Le deuxième niveau d’interventions préventives cible les enfants qui présentent des risques environnementaux, comme une habitation en milieu défavorisé. En guise d’interventions, on suggère notamment de prévoir des programmes de promotion de la santé pour modifier ces environnements.

Le troisième niveau d’interventions vise les enfants qui ont des facteurs de risque individuel, telles des difficultés d’apprentissage. Les programmes de tutorat se sont d’ailleurs montrés efficaces pour les jeunes qui ont des retards scolaires. «Pour que le tutorat soit vraiment efficace, il faut toutefois que les tuteurs soient bien sélectionnés, formés et encadrés pour réaliser leur travail», précise la chercheuse.

L’OPES prépare d’ailleurs un plan de formation pour les tuteurs qui pourraient être choisis parmi les étudiants d’université de différents programmes qui gravitent autour de l’enfant. On pense ainsi à l’enseignement, la psychoéducation, la psychologie, l’ergothérapie et d’autres. «Nous voulons faire un projet pilote», ajoute Sylvana Côté.

Le quatrième niveau s’applique aux enfants qui ont des troubles cliniques qui nécessitent des interventions spécialisées: pédiatrie, ergothérapie, psychoéducation, orthopédagogie, etc. «C’est loin d’être tous les enfants qui ont besoin de spécialistes et les premiers niveaux d’interventions permettraient aussi d’éviter que plusieurs en aient besoin, dit la chercheuse. En soutenant les enfants les plus vulnérables, on pourrait faciliter leur parcours et cela viendrait aussi réduire la pression sur le milieu de l’éducation et sur le système de santé et de services sociaux.»

L’OPES a reçu au printemps dernier un financement de cinq millions de dollars du Fonds de recherche du Québec – Société et culture. Il regroupe plus de 25 chercheurs et chercheuses qui collectent des données pour comprendre les effets de la pandémie et qui mettent en place des innovations sociales pour les atténuer.

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