«Albert retourne à la maison», un album jeunesse pour soutenir la réunification familiale

Albert le petit kangourou est parti vivre chez M. et M^me Panda jusqu’à ce que ses parents soient en mesure de s’occuper à nouveau de lui. Le jour où son intervenante, M^me Girafe, vient le chercher, Albert a hâte de retrouver ses parents et, en même temps, il a des papillons dans le ventre. 

Cette histoire se penchant sur les enjeux inhérents au retour des enfants dans leur milieu d’origine à la suite d’un placement en famille d’accueil a été imaginée par des expertes en intervention psychosociale du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, en collaboration avec notamment Marie-Andrée Poirier, professeure à l’École de travail social de l’Université de Montréal, Marie-Pierre Joly, étudiante de doctorat à l’école et chargée de projet clinico-scientifique au CIUSSS, et Hélène Savard, chef de service à l’application des mesures au Centre de protection de l’enfance et de la jeunesse La Fontaine.

Comprenant des fiches d’activités et un guide de lecture, cette trousse, qui bénéficie du soutien de la Fondation des jeunes de la DPJ, met l’accent sur le vécu émotionnel des enfants de quatre à huit ans. Ses conceptrices souhaitent qu’elle accompagne les équipes d’intervention ainsi que les enfants et leur famille à la suite d’un épisode de placement en famille d’accueil.

Un album jeunesse pour outiller les intervenants

Aborder le retour d’un enfant dans sa famille d’origine est un sujet complexe: certains intervenants ont témoigné ne pas se sentir suffisamment outillés à cet égard. Percevant le manque de ressources conçues à cet effet, une équipe d’expertes en intervention psychosociale ont créé l’album Albert retourne à la maison. Pour ce faire, elles ont mis à profit leurs expériences professionnelles et ce que conseille la littérature scientifique sur la réunification familiale et sur les besoins des enfants.

«La réalisation d’une trousse jeunesse s’est imposée naturellement. Nous avons souhaité baser celle-ci sur un ouvrage simple, richement illustré et centré sur les enfants âgés de quatre à huit ans, qui sont plus vulnérables en raison de leurs habiletés langagières et de leur capacité de mentalisation moins développées», explique Hélène Savard.

Défendre les droits des tout-petits était l’objectif principal de ce projet. «On parle beaucoup d'écouter la parole des enfants placés par les services de protection de la jeunesse, mais on oublie souvent celle des tout-petits. Pourtant, ce sont des citoyens à part entière qui ont les mêmes droits que les autres enfants: ils ont le droit d’être entendus et d’être écoutés. Et pour cela, il est essentiel de mieux outiller les intervenants», déclare Marie-Andrée Poirier.

Faire face à la complexité des émotions de l’enfant

Dans l’album, le petit Albert éprouve des émotions contradictoires au moment de quitter M. et M^me Panda et de retrouver sa famille d’origine. Ce sentiment d’ambivalence pouvant aller jusqu’au conflit de loyauté est ressenti par de très nombreux enfants dans cette situation. Les conceptrices de la trousse ont voulu inviter les enfants à exprimer leurs émotions.

«Il se peut que l’enfant ressente simultanément de la joie à l’idée de retourner chez ses parents, en même temps qu’une forme de tristesse, de peur ou de colère à la pensée de ne plus pouvoir côtoyer certaines personnes ou d’être privé des possibilités que lui offrait son milieu d’accueil», mentionnent-elles.

S’adapter à une nouvelle réalité familiale

Lorsqu’Albert retourne dans sa famille d’origine, il veut sauter dans la poche de sa maman kangourou, mais il s’aperçoit qu’il est maintenant trop grand et qu’il n’y rentre plus. L’histoire permet d’illustrer que le retour chez leurs parents des enfants placés peut être déstabilisant pour les enfants.

«Les changements peuvent être de tout ordre: il peut y avoir eu un déménagement, des personnes peuvent avoir quitté la famille ou s’y être jointes, les habitudes peuvent s’être modifiées. Ainsi, l’enfant pourrait retrouver une “maison” fort différente de celle qu’il a laissée», disent les auteures.

Un travail collaboratif

Cette trousse est le fruit d'un travail collaboratif avec la maison d'édition Les 400 coups, partenaire du CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal. «Ensemble, nous avons travaillé sur l'histoire d'Albert, choisissant les mots, la trame narrative et les images avec soin pour qu’elle puisse être facilement comprise des enfants. Un dialogue constant a été maintenu avec l'éditrice, Marie-Ève Lefebvre, et nous avons veillé à la concision du contenu», observe Marie-Pierre Joly.

L'objectif était également de créer un guide pratique, facilement accessible même pour les intervenants pressés.

Un guide et une histoire auxquels des chercheuses de l’Université de Montréal ont activement participé. «C'est le rôle de l'université de se rapprocher des milieux cliniques, de travailler en collaboration avec les intervenants, de soutenir des initiatives qui viennent de la pratique et ça fait partie de notre mission en tant que membres de la communauté de l'UdeM. Quand le recteur parle de l’Université de Montréal et du monde, le monde peut aussi avoir quatre ans!» conclut Marie-Andrée Poirier.