COVID-19: la consommation de pornographie chez les adolescents demeure stable

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Une nouvelle étude démontre que la consommation de pornographie chez les jeunes de 14 à 18 ans n’a pas augmenté depuis les débuts de la pandémie de COVID-19.

Malgré le stress et l’isolement engendrés par la pandémie de COVID-19, le taux de consommation de pornographie chez les jeunes de 14 à 18 ans dans les deux dernières années est demeuré stable. C’est ce que révèle une étude parue récemment dans la revue Archives of Sexual Behavior, menée par Beáta Bőthe, stagiaire postdoctorale, sous la direction de Sophie Bergeron, professeure au Département de psychologie de l’Université de Montréal, et de Marie-Pier Vaillancourt-Morel, professeure au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Découlant de l’étude PRESAJ, codirigée par Sophie Bergeron et Jacinthe Dion, de l’Université du Québec à Chicoutimi, qui suit 3000 jeunes depuis novembre 2019 afin de mieux comprendre leurs pratiques et défis en matière de sexualité et de relations amoureuses, cette recherche longitudinale s’est penchée sur leurs comportements quant à la pornographie, plus particulièrement la fréquence d’utilisation, les motivations et la possible consommation problématique de pornographie.

«Il y a très peu d’études qui se sont intéressées à la consommation de pornographie chez les jeunes en suivant le même groupe sur plusieurs années. Nous avons pu réellement voir s’il y a eu ou non des changements de comportement durant la pandémie», souligne Beáta Bőthe.

L’anxiété, un facteur à ne pas négliger

Selon les chercheuses, comme la consommation de pornographie est, pour une partie de la population, liée à la gestion du stress et des émotions négatives, il aurait été normal qu’elle soit en hausse, comme le laissaient présager les premières études chez les adultes. «Au début de la pandémie, des statistiques de distributeurs de pornographie ont démontré qu’il y avait eu une augmentation de 20 % de la consommation au Canada, ce qui est énorme, indique Beáta Bőthe. Les premiers articles scientifiques en lien avec la COVID-19 laissaient entendre qu’il y aurait une épidémie de pornographie, puisque les gens seraient confinés à la maison, certains séparés de leur partenaire. Ces articles croyaient fermement qu’il y aurait une crise et une forte hausse de la consommation problématique de pornographie chez les adultes et les adolescents.»

Toutefois, le contexte de consommation chez les jeunes, qui utilisent la pornographie non seulement pour lutter contre l’anxiété, mais aussi pour explorer leur sexualité et leurs préférences sexuelles, combiné avec le fait que les données ont été recueillies sur de nombreux mois, a changé la donne. Sophie Bergeron mentionne que, si l’étude s’était plutôt concentrée sur les premiers mois de la pandémie, notamment lors du premier confinement, un accroissement n’aurait pas été surprenant, à l’instar des résultats vus chez les adultes. Sa stagiaire postdoctorale est du même avis. «Le stress et les émotions négatives sont les raisons motivant une consommation plus fréquente ou encore un usage de la pornographie problématique. Ce que nous avons pu démontrer ici est que, oui, certains individus ont pu avoir une consommation de pornographie problématique ou une augmentation de leurs symptômes, mais, après les premiers mois, le stress a commencé à baisser et l’utilisation de la pornographie est revenue à la normale.»

Des données inclusives

Contrairement à ce qui peut se faire dans d’autres pays, il a été possible d’interroger les participants et participantes à cette étude sans que le consentement parental soit requis, puisque l’âge du consentement à une recherche au Québec est de 14 ans. Pour Sophie Bergeron, cela constitue un énorme avantage, car les données obtenues ne sont pas biaisées par la présence des parents. Les chercheuses ont pu mesurer le rapport des jeunes avec la pornographie et l’utilisation qu’ils en font, mais également se pencher sur les aspects positifs de leur sexualité. «Le fait de suivre des adolescents dans le temps, puis de leur poser des questions sur leur sexualité aussi tôt dans leur vie sans avoir besoin du consentement parental est assez unique comme type d’étude. Aux États-Unis, pour poser nos questions, nous devons obligatoirement demander le consentement parental, ce qui biaise énormément l’échantillon, puisque nous devons aller vers des familles plus libérales vis-à-vis de la sexualité. Ou encore, avec des questions sur les traumas comme dans notre cas, il y a de fortes probabilités que le questionnaire ne se rende jamais à l’enfant. Notre cohorte nous permet donc de répondre à des questions qu’il n’est pas nécessairement possible de poser ailleurs dans le monde.»

Cette absence de consentement parental leur a également permis de joindre des jeunes qui ne se seraient peut-être pas sentis à l’aise de répondre aux questions. «Pour notre étude PRESAJ, sur 3000 répondants et répondantes, plus de 500 sont issus des minorités sexuelles et de genre, ce qui est assez rare dans des recherches auprès de ce groupe d’âge, fait remarquer Sophie Bergeron. Et 18 % de nos participants et participantes s’identifient à la communauté LGBTQIA+.»

Cette perspective inclusive est également adoptée par l’équipe de chercheuses dans l’une de leurs recherches en cours, soit l’Étude internationale sur la sexualité. Cette étude interculturelle s’intéresse aux aspects positifs et négatifs de la sexualité dans plus de 40 pays afin d’en avoir une vision plus globale. «Nous avons des sujets de pays musulmans et de pays où l’homosexualité est interdite, signale la professeure. Cela est assez rare, puisque la plupart des recherches sur la santé sexuelle des individus, des couples ou des adolescents et adolescentes sont souvent faites auprès de personnes cisgenres et hétérosexuelles d’Amérique du Nord et d’Europe de l’Ouest.» Jusqu’à présent, l’équipe a recruté plus de 50 000 participants et participantes, dont 1800 au Canada.

Elle est d’ailleurs toujours à la recherche de sujets. Pour vous y inscrire, cliquez ici.

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